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Marsch apparut, alors qu’on n’y voyait plus à cent pas.

— Les bambous sont en bas.

— J’y vais, dit Philip. Cherche toutes les cordes disponibles dans l’appareil.

— Mais, dit Marsch, tu ne pourras pas rentrer le train.

— Non.

— Et la cime des grands arbres ?

Clifton sourit.

— C’est un risque à courir. Si j’ai bien compris, le camion des soldats a brûlé ? Il faudrait trouver quelques planches là-bas, de quoi confectionner des cales solides. Comprends-tu ce que je veux faire ? Lancer les moteurs jusqu’à la limite de résistance. Mais il faut que le train tienne le coup.

— Mais les cales ? Comment les enlèveras-tu.

— Au moment précis, il faut les faire sauter. Tu t’en chargeras.

Marsch prit un air soupçonneux.

— Comment ?

— On les perce et on les attache avec une corde qui les relie l’une à l’autre. Une corde très tendue. Il suffit de nouer une autre ficelle au milieu de cette corde et de tirer fortement. Le plus dangereux est de se cramponner solidement. Il faut aussi coordonner l’enlèvement des cales avec le déblocage des roues. En comptant à forte voix, on doit y arriver.

Marsch quitta l’appareil. Clifton sauta à terre et commença de renforcer chaque train d’atterrissage. Cinq minutés plus tard, Sara vint le rejoindre.

— J’ai l’impression qu’il y a de l’agitation du côté de Fang. Ils viennent d’allumer un feu.

L’Américain se redressa. Il aperçut plusieurs silhouettes devant un feu qui prenait de plus en plus d’importance. Puis des hommes s’enfoncèrent dans la nuit, traversant le terrain.

— Vous avez votre arme ?

Sans un mot elle la lui tendit. Crispés ils essayèrent de surprendre les bruits de la nuit. La jungle ne s’était pas encore éveillée à la vie nocturne. Dans une heure environ, quand la nuit serait plus épaisse, le vacarme deviendrait infernal.

— Écoutez.

Un bruit de pas, puis une lumière vive. Ce n’était que Marsch revenant du camion détruit. Il ramenait des planches à moitié calcinées. Il sursauta en les découvrant.

— Que se passe-t-il ?

— C’est Fang qui pourrait nous le dire.

Ludwig scruta la nuit.

— Des hommes ont traversé le terrain.

Mais ils eurent bientôt la réponse à leurs questions anxieuses. Un feu s’éleva sur leur gauche, puis un autre complètement au fond du terrain.

— Tu crois que l’hélicoptère va venir immédiatement ?

— Fang a déjà menti sur l’heure. Je ne pense pas que ce soit pour tout de suite.

Il poursuivit son travail tandis que Marsch confectionnait les cales. Successivement plusieurs feux délimitèrent le terrain.

— Bien extraordinaire pour un simple hélicoptère ! grommela l’Allemand.

— Peut-être pas. Il faut que les feux soient visibles de loin, l’appareil volera certainement à haute altitude.

— Tu comptes t’envoler dans combien de temps ?

Clifton ne répondit pas. Le terrain était maintenant parfaitement éclairé, et délimité par une dizaine de feux. Ceux du fond éclairaient la verticale des grands arbres.

— Il y a une faille sur la gauche ?

— Oui. J’avais amorcé un virage à grand rayon pour passer juste dedans. C’est certainement le plan.

— Le terrain est bosselé. Plat, ce serait gagné. Donne-moi une cigarette.

Ils la fumèrent en silence, puis Clifton reprit son travail. Il pensait à la tête des mécanos si jamais il pouvait aller jusqu’à Bangkok.

Sara revint brusquement.

— Tsin est réveillé et fait tous ses efforts pour se délier.

Marsch répondit sans regarder Clifton.

— J’y vais.

— Doucement, dit Clifton. Attache-le plus solidement, mais c’est tout.

L’Allemand ne répondit pas et escalada l’échelle. La jeune femme était restée à côté de lui. Il éprouva le désir de la vexer.

— Vous avez terminé le raccommodage de ces billets ?

Elle encaissa sans répondre. Clifton sortit un mouchoir de sa poche et étancha la sueur qui ruisselait sur son front et sa poitrine.

— D’un sauveur tel que moi, vous êtes prête à accepter n’importe quelle vexation, n’est-ce pas ? Ce que fait la trouille sur le tempérament des gens, c’est incroyable. Un jour j’écrirai mes mémoires.

— Vous m’en voulez beaucoup, n’est-ce pas ?

— Même pas ! En quelques heures j’ai découvert beaucoup de choses. Je me suis découvert, si vous pouvez comprendre. Et c’est une curieuse expérience.

Un sourire lui vint aux lèvres.

— Mais nous reprendrons cette conversation dans un salon de thé, à Bangkok.

Tout de suite elle ne comprit pas. Elle s’éloigna de quelques pas, se retourna.

— Vous avez dit à Bangkok.

— J’ai bien dit en effet.

Une pause.

— Vous savez que c’est le dernier endroit où nous pouvons aller maintenant.

Clifton serra son nœud avec force puis trancha la corde. Il referma son couteau.

— C’est pourtant là que nous nous poserons dans quelques heures, si tout se passe bien.

— Mais… Les gens de Formose.

— Du moment qu’il ne s’agira que d’un simple retard, je ne vois pas ce qu’ils pourront nous reprocher.

— Mais… le général ?

Clifton sortit de sous l’aile et s’approcha d’elle.

— Je vais aller le chercher tout à l’heure. Quand tout sera prêt pour le départ.

Marsch sauta dans l’herbe. Il avait tout entendu.

— Tu es fou ?

— C’est mon droit. Tu n’imaginais pas que j’allais accepter de vous sortir du pétrin sans une condition.

L’Allemand paraissait consterné.

— Tu n’y arriveras jamais.

Clifton se contenta de sourire, et se glissa sous le fuselage en direction de l’autre roue.

CHAPITRE XII

Il n’était pas tout à fait neuf heures quand Philip Clifton fit rouler l’appareil vers la fameuse poche, au fond de laquelle se trouvait la carcasse brûlée du camion. Les secousses transmises par le train étaient plus sèches et les tôles vibraient encore plus. Il dépassa un des feux allumés par les habitants du village. Un homme, assis non loin, y jetait une branche de temps en temps. Ses yeux brillaient dans son visage maigre.

Lentement il fit pivoter le D.C. 3, puis Marsch et lui tirèrent l’appareil jusqu’à ce que la queue soit à moins d’un mètre d’un camphrier. Clifton remonta dans la cabine et prit un jerrican dans la soute, un tuyau de caoutchouc. Monté sur l’aile, il établit un siphon et remplit son bidon. Marsch suivait tous ces gestes silencieusement.

Clifton fouilla dans ses affaires pour y chercher une petite boussole. Il fixa une torche puissante à la ceinture de sa combinaison.

Marsch ouvrit enfin la bouche.

— Inutile de te dire que tu fais une bêtise. Jamais ils ne nous laisseront partir. Qu’une demi-douzaine de ces sauvages s’agrippent à la queue, et nous ne pourrons pas nous envoler.

— Passe-moi ton revolver et des cartouches.

Il emplit ses poches.

— Où vas-tu ?

— Au village.

— Tu vas mettre le feu ?

Clifton hocha la tête.

— Je verrai sur place. Te souviens-tu de mes explications au sujet des cales ?

— Je pense.

— Installe-les. Que tout soit prêt quand je reviendrai. Fais tourner les moteurs de temps en temps.

Il sauta au-dehors, s’empara du bidon d’essence et s’enfonça dans la jungle. Il disparut du côté du camion, et Marsch fit la grimace. Clifton n’avait qu’un demi-mille à faire pour contourner le village, mais il préférait ne pas être à sa place. La jungle s’éveillait pour la grande fête de nuit et grouillait de vie inquiétante.