— Le général est mort ! dit-il d’un ton courroucé.
Clifton s’approcha de Nangiang. Le sourire était figé sur des lèvres glacées.
— C’est de votre faute ! glapissait le Chinois de Formose. Ce retard inconsidéré a mis la santé du général à rude épreuve. On vous avait dit qu’il était très faible. Il fallait faire vite.
L’Américain se redressa, prêt à répliquer vertement. Puis il se dit que tout était inutile. Il haussa les épaules.
— Nous ne pouvons tenir nos engagements, dans ces conditions, poursuivait l’autre sur un aigu. Vous saviez bien que, mort, le général ne nous est d’aucune utilité.
Il s’étouffait dans sa colère. Ses deux acolytes, navrés, roulaient des yeux inquiets, dont le regard allait du visage de cire du général aux traits impassibles de Clifton. Ce dernier pensait à Tamoï, aux soldats birmans, aux rebelles, à Fang et à Marsch. Une dizaine d’hommes avaient perdu la vie pour un cadavre en puissance. Il se demandait si les efforts que tous avaient fait gardaient quelque valeur.
— Mon gouvernement refuse de payer quoi que ce soit.
Le Chinois se précipita au-dehors, suivi par les deux autres. L’échelle trembla sous leurs mouvements précipités. Clifton alla chercher une vieille couverture et l’étendit sur le cadavre du général Nangiang.
Pendant quelques minutes, il resta songeur, la tête baissée, comme s’il se recueillait auprès de la dépouille du vieil homme. Mais il ne pensait à rien.
Quand il redressa sa haute taille, il croisa le regard de Sara.
Elle souriait timidement.