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— J’ai enfermé le whisky. Demain, nous aurons une rude journée et ce n’est pas le moment de te saouler.

L’Allemand se dressa, menaçant :

— Clifton, méfie-toi ! Nous sommes associés pour l’heure. Je veux boire un dernier verre avant de dormir.

Le pilote ouvrait une boîte de bière. Il la tendit à Sara en même temps qu’un gobelet.

— Excuse-moi, mon vieux. Prends la clé et crèves-en ! Notre invitée ne met pas du tout en doute tes possibilités.

Mouché, l’aide-pilote alluma une cigarette et posa ses pieds sur le dossier du siège suivant. La jeune femme but une gorgée de bière, puis se tourna vers Marsch.

— J’ai déjà remercié votre ami pour la faveur que vous me faites. J’espère que vous ne serez pas trop gêné par ma présence, et que je ne serai pas trop encombrante.

Ludwig haussa les épaules.

— Je n’ai rien à voir dans l’affaire. C’est une folie, un point c’est tout ! Nous risquons de perdre quarante mille dollars si votre présence est signalée. Maintenant j’ai l’impression que nous gaspillons inutilement du courant. Bonsoir.

Il ferma son œil puis se tourna de l’autre côté pour ôter celui en verre. Il n’avait jamais pu s’endormir avec. C’est pourquoi il n’était qu’aide-pilote, la Sandy Line le gardait par pitié. Il n’avait pas le droit d’être aux commandes lors des atterrissages ou des décollages. Mais dans l’affaire actuelle, tout cela ne comptait pas, et il pouvait oublier les impératifs de son contrat.

Clifton inclina le dossier d’un fauteuil et le désigna à la jeune femme.

— Étendez-vous là-dessus et tâchez de dormir. Si tout va bien, demain nous serons à Bangkok.

Il l’aida à glisser sa valise dans le filet. Marsch paraissait endormi.

— Vous allez me cacher dans la soute ? demanda-t-elle à voix basse.

— Non, dans le poste de pilotage.

Il détourna les yeux, gêné.

— Vous y resterez toute la journée… Il n’y a pas beaucoup de confort.

La jeune femme dut comprendre ce qu’il voulait dire.

— J’ai l’habitude, répondit-elle simplement.

Clifton s’installa à l’avant après avoir éteint la veilleuse. Mais il ouvrit légèrement la porte et fuma plusieurs cigarettes. Sara avait les yeux grands ouverts et ne perdait pas un seul de ses gestes. Elle avait la gorge contractée et une force chaude, bien connue d’elle, la poignait.

Le pilote se réveilla alors qu’il faisait encore nuit. Il était cinq heures trente. Il sauta à terre, vit le petit feu que les soldats birmans venaient d’allumer. Il s’approcha d’eux et, en silence, un grand diable lui tendit un quart d’aluminium rempli de thé bouillant. Il le but à petites gorgées, puis fit une distribution de cigarettes. Aucun mot ne fut échangé avec ces hommes, et il revint vers l’avion.

Dans la soute il fit bouillir de l’eau sur le réchaud à méta, y jeta de la poudre de café tout prêt. L’odeur dut réveiller Ludwig. Il entra dans la soute en grognant un bonjour inintelligible.

— Ma montre est arrêtée.

— Il n’est pas tout à fait six heures. Le soleil se lèvera dans une heure. Le général ne va pas tarder.

Sara Tiensane dormait profondément quand Clifton s’approcha d’elle. Il tenait un gobelet de café entre ses doigts. La jeune femme ouvrit les yeux quand il lui toucha le bras et lui sourit.

— Merci.

— Vous avez un quart d’heure pour vous préparer à passer douze heures, si ce n’est quinze, dans le poste de pilotage.

Elle avala son café puis se dirigea vers les toilettes avec sa valise. Ludwig vint dans la carlingue en buvant un café qui empestait l’alcool.

— Pas chaud le matin ! Je vais aller faire tourner les moulins. S’ils attendent trop, je couperai le contact.

Mais il paraissait embarrassé. Il avait remis son œil de verre. C’était son premier souci le matin.

— Excuse-moi pour hier.

Clifton le rassura, d’un geste vague.

— Pour les cinq mille dollars, c’était une blague.

— Bien sûr.

Mais Marsch ne voulait pas capituler complètement.

— N’empêche que c’est une sacrée c…erie que d’avoir embarqué cette fille !

— Bien sûr.

L’Allemand haussa les épaules. Il se dirigea vers le poste de pilotage. Clifton s’approcha de la porte, huma l’air parfumé qui venait de la jungle. Les soldats avaient éteint leurs feux et rejoint leur poste individuel. Un peu de jour flottait autour des masses sombres.

— Voilà.

Sara sortait de la soute, sa valise à la main. Il se demandait ce qu’elle pouvait emporter avec elle. Brusquement le moteur droit éclata. Le gauche avait toujours une certaine difficulté à démarrer. Pendant quelques minutes le vacarme fut infernal. Toutes les tôles de l’appareil vibraient, et les rivets donnaient l’impression qu’ils allaient se détacher. L’autre moteur partit enfin et bientôt le bruit devint moins fort.

— Je rejoins le poste ?

— Installez-vous dans l’habitacle du radio. Une fois en vol, vous viendrez dans le poste.

Quand elle eut disparu à l’avant, il sauta à terre et se dirigea vers le hangar. C’était miracle qu’il soit encore debout. Une chaîne commandait l’ouverture des portes, et il les escamota. L’appareil pourrait disparaître complètement à l’intérieur et foncer vers la lisière de la jungle. Il y avait de grands arbres dangereux.

Le régime des moteurs redescendit encore, et il put entendre le bruit des voitures qui approchaient. Il reconnut la vieille Ford de Slade qui venait en tête. Soulagé, il s’avança vers l’Anglais. Derrière venait une jeep, puis une autre, bourrée de soldats. Sur la première un brancard était arrimé à côté du chauffeur. La tête du général se trouvait vers l’arrière du véhicule.

Avec Slade descendirent les deux gardes du corps qui, tout de suite, s’approchèrent de leur patron. Ils portaient un uniforme de toile kaki, sans insigne, et chacun avait un gros revolver au côté droit.

— Le général a reçu une piqûre avant de partir. Il dormira plusieurs heures.

Les soldats de la deuxième jeep entouraient la première. Slade entraîna Clifton à l’écart.

— Miss Sara a passé une bonne nuit ?

— Je l’espère, dit le pilote en souriant.

— Vous lui transmettrez… mon bon souvenir… Puisqu’elle est certainement cachée maintenant.

— Dans le poste de pilotage.

Le major prit la cigarette qu’il lui offrait.

— Votre compagnon…

— Un peu vexé, mais tout se passera bien.

Slade insista avec une sorte d’angoisse au fond de ses yeux bleus.

— Vous n’oublierez pas de lui rappeler…

Clifton le regarda de côté, un peu surpris.

— Ne vous faites pas de souci… Nous allons pousser l’appareil dans le hangar. C’est pourquoi j’ai ouvert les portes.

— Bien… Les soldats vous aideront.

Philip s’approcha de l’appareil et fit signe à Marsch. Ce dernier bloqua sa roue droite, coupa le moteur gauche et fit donner le droit. Le Douglas pivota lentement, présentant sa queue.

Les soldats le tirèrent vers le fond du hangar. La jeep s’approcha et le brancard fut hissé à l’intérieur. Clifton vérifia la fixation des sangles. Le général dormait paisiblement. Il portait une tunique à poches, mais était tête nue. La peau de son visage et celle de ses mains étaient safranées, avec des zones pâles autour des paupières fermées et de la bouche mince. Il devait avoir plus de soixante ans.

Slade paraissait troublé.

— Qui croirait que ce petit homme tranquille est responsable de nombreux massacres ? murmura-t-il.