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Pour l’instant, elle vide sa coupe de champ’. Elle sent bon la fille qui sent bon. C’est une odeur que tu ne peux pas savoir combien elle est grisante, toi qui es pédé comme un phoque.

— Vous pensez qu’il a cherché refuge en Irlande, puisque vous y séjournez, n’est-ce pas, ma jolie ?

Elle ne moufte pas. J’enchaîne, pas feignant de la menteuse, moi, San-A :

— Votre instinct de femme, votre amour filial, votre intelligence, tout vous avertit que Mister O’Bannon se trouve dans son île natale. Et moi qui ne le connais pas, avec mon pif de flic, je parviens à la même conclusion. Alors c’est qu’il y est. On ne le trouve pas parce qu’il n’a pas débarqué ici avec son attaché-case à la main et un Kodak sur l’épaule. Sa planque devait être prête de longue date. Votre father, Cathy, n’est pas un enfant de chœur, il savait parfaitement qu’un jour il pouvait avoir besoin de se déguiser en courant d’air, alors il avait tout préparé, et ce qu’il a préparé doit être génial.

Elle acquiesce. Ce que je lui dis paraît la flatter. Elle est fière de son vieux, malgré que ce soit un vieux truand au pedigree plus rouge que la tranchée des Baïonnettes.

— J’aimerais savoir plusieurs choses, mignonne, dis-je en caressant avec le dos de mon index la bride du soutien-gorge roulé dans sa main. Par exemple pourquoi vous le cherchez si obstinément, tout en sachant qu’on vous surveille et que, si donc vous lui remettiez la main dessus, ses jours seraient comptés.

Cathy me mate comme si elle portait des lunettes et qu’elle regarde par-dessus.

J’adore son expression réfléchie. C’est une silencieuse. T’as rencontré beaucoup de femmes silencieuses, toi, vieille frappe ? Y en a pas lulure, espère ! Alors, quand t’en tiens une, la lâche pas !

— Vous ne voulez pas me répondre, petite fille ?

— Je préfère pas, répond-elle.

— Vous vous méfiez de moi ?

— Oui, et de moi !

— Ainsi donc, mon projet d’alliance ne vous botte pas ?

— Je ne sais pas.

Je me plante devant elle dans la pose sophistiquée de l’Apollon du Belvédère.

— Visionnez un peu l’homme, Cathy, et dites-moi très franchement s’il inspire confiance ou pas ?

Elle sourit.

— Vous êtes très sympathique, reconnaît-elle.

— Mais ?

— Mais mon père m’a toujours dit qu’il convenait de se méfier avant tout des gens sympathiques.

Là-dessus, elle pose sa coupe et se lève.

— Au revoir, murmure-t-elle, il faut que je parte.

— Vous êtes pressée ?

— Mon mari m’attend.

Pour lors, si t’as jamais vu un Santonio en capilotade, grouille-toi d’arriver. Et oublille pas ton polaroïd car il vaut le coup de flash, le commissaire.

Son mari ! Moi qui lui filais du « miss » gros comme ta connerie !

Adieu, mes rêves polissons. Adieu, mignon slip. Tu sais que ça me calmerait les sangs de lui talocher le museau à cette pécore ! Pour l’apprendre à s’être mariée sans prévenir. Et ces manières de te laisser grimper le bourrichon, nom de Dieu de salope !

Elle disparaît.

Je caresse ma boutanche posée contre la théière.

Voilà qu’elle est tiède.

En revanche, le thé refroidit…

CHAPITRE V

En revanche, le thé refroidit…

Je mets la radio. Ça zizique un truc folklorique, à base de cornemuse. Je suppose que les vieux Irlandoches mouillent en entendant ça. Moi, en trois secondes j’ai les tympans qui se fanent. Alors je leur restitue le silence. Il est de brève durée car Sa Majesté réapparaît, superbe dans un peignoir de bain proposé par l’hôtel. Ce vêtement est insuffisant pour le contenir tout. Il s’en faut d’une cinquantaine de centimètres sur le devant. Nous conservons donc une vue aussi directe qu’imprenable sur la poitrine velue du gaillard, sur son nombril ahuri, son bas-ventre haché de cicatrices blanches et son sexe surdimensionné dont, même au repos, l’on est conduit à se demander s’il s’agit d’une bite ou d’une trompe.

— Ta grognace est partie ?

Je trouve le qualificatif un peu duraille pour Cathy. Elle m’a troublé, cette petite médème. Une sorte de télescopage du guignol. Ton aorte qui bredouille tout soudain et il te vient dans l’âme une tristesse vaporeuse.

— C’était la fille O’Bannon.

Le Lucratif parenthèse des cannes pour s’aller gratter le trou du cul démangeant sans bourses déliées. Il fourbit longuement, à belles onglées féroces, puis s’empare de la bouteille de champagne, dont la tiédeur ne l’affecte pas.

— Comment t’est-ce tu l’as connue ?

— Le hasard.

Il tute une grande lampée démolisseuse, meugle la joie de ses papilles décapées et déclare :

— L’hasard, mec, ça n’éguesiste pas. Si t’auras rencontré c’te pouffe sans la chercher, c’est que ce sera elle qui t’cherchait. Pointe à la ligne !

Comment quoi, tu vois, même en état de supergueule de bois, le Béru ne départ pas sa jugeote.

Je considère le petit clavier où s’alignent les différents boutons d’appel du service et je sonne la femme de chambre. Moi, si tu veux savoir, cette affaire O’Bannon me laisse dubitatif. Je pige mal qu’un spécialiste ricain de l’envergure de Ted Thomson fasse appel à moi. Non pas que je chique à la modeste violette, mais tu penses qu’un peuple qui chiasse pour laisser atterrir Concorde ne va pas sonner à la lourde d’un flic français quand il veut régler des problèmes aussi délicats. Quant à la visite de la fille O’Bannon venue récupérer son slip, reconnais que ça laisse rêveur.

La femme de chambre radine, souriant de tout son râtelier acheté dans un Uniprix de Dublin. C’est une dame qui n’a pas doublé la soixantaine car personne, même en Irlande, ne saurait vivre jusqu’à cent vingt ans ; mais elle a davantage de carats que tous les joyaux de la couronne réunis. Et du reste, tu penses bien que, dècheur comme il est, y a belle lurette que le Trésor britannouille l’a fourgué au Shah Durand.

Elle me demande ce dont je désire en louchant sur la face visible de Béru, lequel continue de picoler le Mumm au goulot.

Je cueille un billet de banque de deux kilos et demi (y a écrit cinq livres dessus) et le montre à la vénérable personne.

Elle a des lunettes sur la poitrine, retenues par une chaînette. Elle en chausse le mignon tubercule à l’aide duquel elle se mouche et regarde le billet.

— C’est cinq livres, sir ? suggère-t-elle.

— En personne, admets-je.

La vieille dame de chambre continue d’examiner la coupure.

— Très joli, ajoute-t-elle, bien qu’il y ait là-dessus le portrait de la reine d’Angleterre.

— Nul n’est parfait, soupiré-je.

— C’est la pure vérité, sir.

— On pourrait faire de la monnaie, dis-je, mais le même portrait figure également sur les coupures d’une livre.

— La Banque d’Irlande a tout de même les siens propres, assure la femme de chambre, hélas elle les imprime en quantité réduite, ce qui nous contraint à utiliser ceux-ci.

— Ce billet vous plairait-il ? je lui demande.

— Certes, répond-elle vivement. Malheureusement je ne sais pas sucer. Jadis, avant la Première Guerre mondiale notamment, beaucoup de clients me proposaient de l’argent pour que je leur fasse une pipe, hélas la chose m’a toujours été impossible car j’ai la luette hypertrophiée et d’une sensibilité telle qu’il m’est même interdit de manger des asperges.

— Madame, il ne s’agit pas de mettre vos glandes salivaires à contribution, mais seulement votre mémoire.