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Arthur s’adressa à l’écran et revint leur dire : « Nous devons avoir trouvé un remplaçant d’ici ce soir. Les postulants vont arriver.

— Choisissez-en un qui ait un bon boulot », dit Walter avant de sortir.

Une Balayeuse attendait impatiemment auprès du cadavre, tandis que le tech de l’Echantillonnage introduisait huit barillets aspirants dans son pistolet hypodermique. Val et Walter tentaient de contenir la foule afin qu’il puisse faire son travail.

« Cerveau », dit le tech, en ajustant le premier barillet et en appuyant le canon contre le crâne, qui crépita. Clac ! Le pistolet sursauta. Cinquante grammes d’échantillon gris rosâtre vinrent remplir le barillet réfrigérant.

« Cœur. » Il tint le canon contre la poitrine. Clac ! Le barillet devint rouge. Poumons, barillet bleu. Rate, barillet violet. Foie, barillet brun. Reins, barillet gris. Quand tous les barillets furent pleins, il les rangea dans un alvéole de sa machine. La Balayeuse s’avança, épongea, aspira. En un clin d’œil, le terrain fut nettoyé des tâches rosâtres et de tout le reste.

Le Neurolabo se trouvait trois niveaux plus bas. Val et Walter observaient le tech qui faisait passer le barillet gris dans le transformateur. Le lecteur optique projeta sur un large écran un agrandissement au millième. On aperçut de petites taches, des débris granuleux. Les cellules cérébrales de Jo Jo se mirent à circuler.

« Les échantillons ont été prélevés rapidement. Il devrait y avoir largement assez de neurones pour effectuer les analyses. Regardez ces cellules rouges ; ce sont les disques biconcaves. Ils ont environ dix microns de largeur. Ces choses plus foncées sont des fragments nucléaires. »

Une grande cellule triangulaire fit son apparition. Elle était parsemée de nombreuses dendrites. À un moment, elle se referma sur un axone. Le tech centra le lecteur sur cette cellule, inonda le compartiment d’oxygène et de nutriment, et mit en route le processus d’analyse.

« Ce neurone me semble prometteur. Nous n’avons qu’à nous asseoir et attendre. Les réactions des anticorps et des enzymes nous diront s’il s’agissait d’un dérèglement provoqué par la R.M. ou par le CI. »

Placée dans un milieu riche en oxygène et en glucose, le quotient respiratoire de la cellule s’éleva lentement : 0.7-0.8-0.9.

« Quand le Q. R. atteindra 1.0, nous pourrons examiner les synapses afin de rechercher les agents de blocage. Vous voyez ces petits boutons ? Ils sont situés sur les dendrites et représentent les synapses en provenance d’autres neurones. Il y a trois substances neurochimiques dans le cerveau, correspondant aux fonctions des synapses. Bien sûr, on rencontre de nombreuses exceptions, mais la plupart des synapses d’acétylcholine ont une fonction moto-sensorielle ; ceux de l’adrénaline, une fonction réflexe ; et la sérotonine régit ce que nous appelons l’activité mentale, ou la personnalité. Le Transformeur S.N.B. va d’abord vérifier l’état de l’acétylcholine. »

Walter installa son ventre d’obèse sur ses genoux pour plus de confort. Val resta debout. L’écran s’illuminait à intervalles irréguliers.

« Un enzyme, la cholinestérase, nettoie ces boutons d’acétylcholine. À présent, j’inonde la chambre d’acétylcholine tracée. Vous voyez la réaction aux isotopes ? L’activité des centres dépasse les quatre-vingt-dix pour cent. Tout fonctionne normalement », expliqua le tech.

L’image s’obscurcit, la chambre fut à nouveau rincée. On répéta l’opération. Cette fois, d’autres synapses réagirent aux traceurs neurochimiques.

« L’adrénaline. Ici encore, rien d’anormal. Nous allons maintenant passer au point critique : la sérotonine. La R.M. et le CI. l’affectent tous deux. La R.M., en créant un paradis subjectif ; le CL, en bloquant les centres avec des anticorps ectodermiques. Attention… voilà. »

L’image s’obscurcit à nouveau, puis s’éclaira sous l’effet des isotopes traceurs fluorescents. L’imprimante transmit le résultat : seulement 24 pour cent des synapses fonctionnaient.

« C’est ce à quoi il faut s’attendre dans les cas de suicide : un blocage sérotonique. Nous allons procéder à l’analyse de quelques cellules supplémentaires pour plus de certitude, mais je serais fort surpris de découvrir autre chose. »

Walter contempla l’organigramme coloré qui s’élaborait peu à peu. On établissait à présent la différentielle C.L-R.M. Des anticorps fluorescents de traçage devaient servir à déterminer ce qui bloquait les centres sérotoniques.

« Ce n’est pas le CI. », dit le tech ; il n’y avait aucune réaction aux anticorps ectodermiques.

Mais les synapses inactifs devinrent fluorescents au contact des traceurs anti-R. M.

« C’est bien ça, fit le tech. Votre ami a dû se prendre pour un oiseau.

— Un oiseau ?

— Eh oui ! » dit le Neurotech en finissant de remplir son rapport préliminaire, dont il tendit une copie à Walter, effondré. « Nous en avons de toutes sortes : des oiseaux, des champignons, des fleurs. En tout cas, ils meurent heureux. »

En sortant du Neurolabo, Walter fixa le rapport, ébahi.

« Jo Jo… transformé en oiseau par la R. M… » marmonna-t-il.

Val haussa les épaules et s’avança jusqu’à la rampe. Il regarda vers le bas et frissonna.

« Ça me fiche la trouille. Il faudrait que mon métabolisme sérotonique soit complètement détraqué pour que j’aie envie de plonger. »

Walter courba le dos. Déprimé, il répondit : « Nous aurions dû le surveiller de plus près, et nous assurer qu’il était bien redescendu de son paradis avant d’aller nous coucher.

— Enfin, il vaut mieux que ce soit la R.M. plutôt que le CI. Au moins, nous n’avons pas fusionné avec un psychotique. Laisser un cinglé s’introduire dans notre âme collective…

— C’est quand même un sacré gâchis », murmura le vieux Walter.

Arthur et Bitter reçurent le candidat suivant ; un corps d’Howell-Jolly, salarié, du nom de 1/4 D.P.N.H.

« Etes-vous les parents du défunt ?… La famille éplorée ? » demanda 1/4 D.P.N.H.

Arthur acquiesça et l’aida à se débarrasser de sa cantine. Ce nouveau était une femme ; mince, polarisée de fraîche date, elle avait la peau blanche et douce, des cheveux fins châtain clair. Sa taille était étroite, et elle paraissait frêle, même pour une Néchiffe.

« Je suis 1/4 D.P.N.H. Quatrième sous-culture de la ligne delta du pancréas du clone Nora Howell… un des corps d’Howell-Jolly. Mes amis m’appellent Dé Pen. »

Arthur prit note de sa petite taille : elle ne mangeait probablement pas beaucoup et prenait peu de place. Il sourit et regarda dans le boyau derrière elle. Une douzaine de candidats démesurément gras attendaient, à quatre pattes dans la poussière ; leurs cantines raclaient bruyamment les murs et ils se cognaient la tête au plafond bas. Il pouvait sentir d’ici leur odeur fétide : une flore microbienne se développait entre les replis moites de leur peau inflammée.

« Polarisée ? interrogea-t-il. Vous devez être active dans la fusion.

— Oh ! oui » affirma-t-elle en souriant. « On a testé mon quotient d’échauffement et mon réflexe spasmodique. Dans une bonne fusion, mon pouls monte à 160 », ajouta-t-elle avec fierté.

Bitter-Femme se rembrunit. « Mais qu’êtes-vous ? Quel est votre travail ? »

Dé Pen eut un sourire engageant à l’adresse d’Arthur Neutre, puis se tourna vers Bitter-Femme avec une expression beaucoup plus sérieuse.

« Nous sommes toutes Assistantes, nous autres corps de Jolly. Mais j’ai étudié la philosophie dans les entrepôts de formation ; de la sorte, la vigueur de mon A.D.N. Nora Howell est contrebalancée par l’intellectualisme de la Grande S.T..