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« Stimulant, dit Moon. Ce Bronco est bon pour un vrai marathon. »

Il se laissa retomber dans le fossé, en expliquant : « Ce chasseur va rester éveillé et le traquer pendant trois jours, sous Stimulant. Son organisme sera en fait complètement démoli par cet effort démesuré, mais les drogues masqueront la fatigue. Ce Bronco paraît jeune… il est possible qu’il n’ait pas reçu l’enseignement d’un vieux mâle expérimenté, et qu’il ne puisse semer le chasseur muni d’un détecteur. Dans ce cas, il sera en mauvaise posture d’ici deux jours, surtout s’il reçoit une flèche. J’aimerais… Mais il y a une pouliche, là-derrière ! »

Curedent intervint : « Tout va bien. Elle est dans sa phase folliculaire. »

Moïse se dégagea partiellement des bras et des jambes qui le retenaient. « Je sais… » fit-il, penaud.

Son dialecte était obscur, mais ses motivations très claires. Son ovule attendait d’être fécondé, et elle avait choisi à cette fin le jeune Moïse. Son corps réagissait chaleureusement à la présence de ce mâle en pleine maturité sexuelle. Ses narines se gonflèrent. Elle éternua, et le gonflement reflua dans ses orbites, alourdissant ses paupières, ce qui lui conféra un air somnolent. Ses capillaires s’engorgèrent, amenant des rougeurs sur la peau de son torse. Elle garda une main sur la cuisse de Moïse et ses lèvres sur son épaule, tandis que Moon et Curedent essayaient de jauger la situation.

Moïse n’était pas rassuré. Elle était apparemment peu apaisée par ce premier coït. Ce n’était pas l’orgasme qu’elle désirait, mais la fécondation. Et elle ne le lâcherait pas avant d’avoir obtenu satisfaction.

Il étudia son physique. La main posée sur sa cuisse était forte. Elle était peut-être légèrement plus grande que lui, mais la masse de sa chevelure rendait l’évaluation difficile. Les stries sur son bas-ventre indiquaient une ou plusieurs grossesses antérieures. Au-dessus de ces marques, elle portait une corde en guise de ceinture, un couteau de bois de vilaine apparence y était attaché. Au-dessus de la ceinture, une paire de seins congestionnés et marbrés. Mais ce qui impressionnait Moïse, c’était sa musculature et sa solide charpente osseuse : après tout, il était frais sorti de la fourmilière. Et son corps à lui, faiblement pourvu en calcium et en collagène, ne pourrait lui permettre de tenir tête si elle entrait en courroux.

Son appréhension se dissipa quand elle les conduisit jusqu’à son nid, ou plutôt son terrier, creusé dans la berge du canal. Il était tapissé de feuilles sèches ; une petite pouliche de deux ans y était endormie. La mère leur offrit des coquillages, et plongea dans le canal pour en pêcher d’autres. Le vieux Moon, d’ordinaire si grincheux, sourit et se mit à jouer avec la petite, qui s’était réveillée. Moïse aida la pouliche à ramasser de quoi composer leur repas du soir.

Elle lui ménagea un temps de repos, puis recommença à se frotter contre lui ; finalement, ils copulèrent une nouvelle fois dans les roseaux, sur la rive opposée.

La nuit, quand le croissant lunaire se refléta dans le canal, Curedent, Moon et Dan s’esquivèrent pour aller dormir à distance respectueuse du gîte. L’intimité était un luxe aussi rare que l’amour, car l’une et l’autre disparaissent quand le surpeuplement abolit le sens des signaux sexuels.

Moïse se pelotonna avec elle dans le nid. La nuit fut partagée entre le plaisir et le sommeil.

À l’aube, Moïse était euphorique. Moon le trouva en train de plonger pour récolter le petit déjeuner. Le tas de coquillages grossissait jusqu’à prendre la proportion d’un dîner de banquet.

« Tu devrais en laisser quand même un peu pour la reproduction », dit Moon en manière de plaisanterie.

De toute évidence, Moïse s’était déjà sexuellement attaché à la pouliche. La séparation qui surviendrait avec la phase lutéale serait douloureuse. Les nécessités de l’adaptation à ce stade de l’évolution favorisaient les femelles qui voyageaient seules et ne s’accouplaient que pour de brèves périodes. Les groupes familiaux attiraient les chasseurs. Après la fécondation, la présence du mâle devenait inutile et dangereuse.

« Je vais rester ici », expliqua Moïse à Curedent et à Moon.

La pouliche s’affairait, servant les hommes et nourrissant son enfant.

« Je sais, dit simplement Moon. Nous, nous poursuivons notre chemin. Rappelle-toi : reste en dessous du niveau de la berge. Il ne faudrait pas attirer des chasseurs par ici, avec une mioche de deux ans. Tu vois cette crête, à environ quinze kilomètres d’ici ? Curedent me dit qu’il y a quantité d’abris sûrs de l’autre côté. Nous y resterons sans doute une quinzaine de jours, pour nous reposer. Si tu changes d’idée… nous serons là-bas.

— Je reste. »

Moïse passa un bras autour de la jeune pouliche et l’étreignit brièvement.

Dix jours plus tard, il rejoignait Moon et Dan dans la zone accidentée. Dan remua trois fois la queue.

« Elle a changé », dit Moïse, confus.

Moon hocha la tête. Tout commentaire était superflu. Il lui avait déjà tout expliqué sur le cycle hormonal.

« Elle était si amoureuse. Si tendre. Si douce… sa bouche, ses doigts… si douce. »

Moïse se souvenait des marmonnements de Willie le Simple… la plus belle chose au monde. Lui aussi avait dû connaître ça, l’amour.

« Mais ce n’était pas l’amour. Rien qu’une histoire d’hormones.

— Ne dis pas ça, mon gars. C’est la meilleure forme d’amour : l’émotion primitive, fondamentale. Elle voulait un enfant de toi, et elle le voulait de chaque molécule de son corps. C’est comme ça. Cet amour là, ça ne se raisonne pas.

— Mais pourquoi n’a-t-elle pas voulu que je reste près d’elle ? J’aurais pu l’aider à trouver de quoi nourrir les petits, les protéger, l’aider à accoucher… »

Le vieux Moon haussa les épaules. « Peut-être, en d’autres temps. Mais pas à l’époque actuelle. Il n’y a pas de place pour des unités familiales dans la Grande S.T. La vie en solitaire est une forme d’adaptation, pour se protéger des chasseurs. C’est une question de survie. Essaie de l’oublier, pour le moment. »

Le gros Walter était seul dans le Garage ; les bourrelets adipeux de son ventre et de ses flancs étaient drapés sur un tabouret. Chien Volant IV s’apprêtait à rentrer. Il l’observait sur l’écran. La légèreté et l’aisance avec lesquelles la vieille machine manœuvrait lui paraissaient inquiétantes : l’appareil ne semblait fournir aucun effort, comme s’il n’était pas chargé ou presque. Quand il se posa, Walter s’avança à travers la poussière et ouvrit le sas taché de chlorophylle. Dag était seul, amaigri, les yeux agrandis. Il n’avait plus son casque ; la peau de son visage était rouge, boursouflée. Il s’extirpa péniblement de son siège et se rendit à l’arrière de la cabine, en vacillant sur ses jambes ankylosées. Il prit un cube-trophée et sourit faiblement.

« J’en ai eu un ! Une vieille femelle édentée. J’étais sur la piste d’un jeune Bronco splendide. Je l’ai blessé d’une flèche, mais il a continué à courir… je l’ai suivi pendant près de deux jours. Et puis elle a commencé à me filer. Dangereuse’en plus ! Avec ce sale couteau en bois… Tenez, vous pourrez l’ajouter à vos archives, pour l’instruction. Le temps de l’expédier, et j’avais perdu les traces du jeune. » Il retourna dans la cabine. « Elle portait ces perles. C’est bizarre, mais je crois que le jeune avait un collier identique… sans doute la même tribu ou le même clan. J’ai également de bons enregistrements optiques. »

Dag Foringer rassembla les pièces de son équipement et se prépara à partir.