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De nouvelles lumières rouges apparurent. Des Moissonneuses de protéine déambulaient à travers les grottes innondées pour ramasser les morts et les amener aux synthétiseurs.

L’Assistante continuait à vilipender Moïse, avec une âpreté passionnée.

« Qu’êtes-vous donc ? Une espèce d’exalté cherchant une revanche ? Il ne peut y avoir ici aucun adversaire politique : c’est un service de cancéreux, pas de psychotiques ! »

Toujours d’autres lumières rouges.

Elle prit une profonde inspiration, et essaya de le raisonner.

« Si vous êtes ici pour assassiner quelqu’un, pourquoi les tuer tous ! Dites-moi qui vous cherchez, je vous aiderai à le trouver. »

Moïse la regarda avec désapprobation. Encore une opportuniste. Elle était prête à désigner une victime pour épargner les autres. Il lança un regard interrogateur à Curedent, qui semblait moins tendu depuis que les lumières rouges étaient apparues.

Le cyber parla, sans quitter sa douille.

« Nous ne sommes pas des assassins en quête d’une victime définie. Nous ne voulons tuer personne ; mais, malheureusement, beaucoup de patients vont mourir. Moïse, tu devrais partir à présent. Si on te prend ici, tu seras inculpé de Massacre Gratuit. Emmène-la avec toi. Il faut environ trois jours pour achever mon travail. Je ne peux pas venir avec toi. »

Moïse était indécis.

« Mais ne pourrais-je pas t’attendre ? À nous deux, nous pourrions…

— Non. Sauve-toi. J’arrive à berner ce robot M.V., mais il faut pour cela que je reste branché sur son système sensoriel. Il y a neuf autres maches M.V. sur l’île. Elles ont déjà dû enregistrer l’élévation de la température. Leurs senseurs sont hors de mon influence. La chaleur de l’eau et de l’air en provenance de cette section vont les alerter. Il faut deux ou trois jours aux équipes du continent pour parvenir ici. Après ce délai, la Sûreté va boucler l’île. Si tu es avec moi, la Grande S.T. finira bien par te trouver : elle sait être très efficace pour ce genre de choses. Rappelle-toi ce que je t’ai dit : dirige-toi vers le fleuve, au sud. »

L’Assistante ligotée était légère sur l’épaule de Moïse, qui remontait vers le dock. Le bateau, un simple classe dix, reçut ses ordres verbaux sans poser de questions. Il mit la fille debout sur le pont tandis qu’ils prenaient la mer. Elle se débattit en sanglotant.

« Des milliers de lumières rouges… »

Le bateau frémit en l’entendant. Moïse la fit taire d’un geste. Il ne tenait pas à ce que le cerveau de l’engin se trouble. Les yeux de la fille étincelèrertt et elle lui cracha au visage. Il l’empoigna par le devant de sa combinaison, l’air menaçant, tordit l’étoffe et enfonça son poing dans son sternum.

« Allez-y ! le défia-t-elle. Vous vous débrouilliez très bien, là-bas, dans les Grottes de Dundas, pour tuer des patients endormis. Mais vous n’avez pas assez de nerf pour affronter quelqu’un qui ne dort pas et se défend ! »

Ses cris firent dévier le bateau de sa course. Il la saisit à deux mains et la souleva. À travers l’étoffe, il sentit son cœur battre la chamade. Il l’éleva au-dessus de sa tête et s’avança vers le bastingage. Les bras toujours attachés derrière le dos, elle contempla les flots gris parsemés de glaçons. Elle se démena et l’insulta encore. Le battement de son cœur s’accéléra. Il regarda son visage et aperçut ses yeux brillants, éperdus, sa bouche humide. Le danger la faisait jouir !

Moïse la plongea dans l’eau glacée de la houache du bateau, puis la maintint dans le vent froid qui soufflait par rafales. Elle se raidit, et se tut. Il la porta dans l’entrepont. Le bateau reprit sa course régulière, cap au sud. Dans la chaleur de la cabine, séchée, emmitouflée, l’Assistante tenait tranquillement une tasse de bouillon chaud entre ses mains. Elle semblait plus calme, comme assouvie par ce traitement brutal et douloureux. Planté devant elle, il agitait le poing.

« Vous êtes cinglée, est-ce que vous le savez ? Recommencez à jouer les hystériques, et vous en prendrez pour votre grade ! Vous allez restez tranquille, à présent ! Je vais donner à Curedent les deux jours dont il a besoin, et ensuite je vous laisserai partir. En attendant, nous sommes coincés tous les deux sur ce bateau. À vous de voir si vous avez envie d’un bon bain dans l’océan. »

L’expression maussade de la fille s’était évanouie. Elle fit la moue un petit moment, puis sembla prendre son parti de la situation. Elle utilisa le rafraîchisseur, trouva des vêtements secs et commanda au distributeur un flacon d’une liqueur douce et parfumée, de la grenadine.

Quelques heures plus tard, assise sur le plancher, elle se livrait à une série d’exercices isométriques compliqués. Moïse l’ignora, du moment qu’elle restait tranquille. Il était même reconnaissant de ce répit momentané. Elle ôta le haut de son vêtement et reprit son yoga. Il remarqua que sa peau luisait légèrement et supposa que c’était de la sueur. Puis il vit que le flacon de liqueur était ouvert. Elle tamponna sa chevelure avec le liquide, et la tordit en une sorte de queue de rat. Puis elle ramena cette queue par-devant son épaule droite, et rajouta de la grenadine pour donner un reflet aux cheveux. Ses muscles se contractaient et se relâchaient alternativement. Elle versa encore de la liqueur sur sa tête. Sa poitrine et son dos prirent le même éclat que sa chevelure. Une heure passa ainsi, sans qu’elle fasse un mouvement.

Moïse haussa les épaules.

Elle se leva enfin ; avec des gestes lents, elle retira le reste de ses vêtements, en dansant. Etrange. Elle leva le flacon au-dessus de sa tête et en répandit le contenu sur son corps. Sous la peau luisante jouaient des muscles qu’il n’avait encore jamais remarqués : le sterno-cléidomastoïdien, dans le cou, et les muscles droits de l’abdomen. Sur ses jambes, le muscle couturier, allant de la hanche à l’intérieur du genou. Il lui fallut un moment pour comprendre qu’il s’agissait de contractions spasmodiques. Lorsqu’il s’aperçut que le volume de ses seins avait augmenté, il se raidit, prêt à l’affrontement. Spasmes, congestion des seins… elle était en plein dans la phase d’excitation.

« Du calme… » dit-il, levant la main en guise d’avertissement.

Bien campée sur ses deux pieds, elle reluqua ses bras musclés, d’un air obstiné, puis bondit. Il tenta de la saisir, mais ses mains glissèrent. Elle l’attaqua avec violence. Ses dents s’enfoncèrent dans sa chair, à travers le tissu. Ses ongles fouaillaient ses bras.

Elle noua ses bras autour de sa taille, le souleva à quelques centimètres du sol et le colla contre le mur de la cabine. Il voulut la prendre aux épaules ; ses doigts glissèrent à nouveau. Il tendit la main en arrière, ouvrit le sabord et saisit une poignée de glaçons d’eau de mer. Le corps imbibé d’alcool de la fille frissonna dans la rafale de vent glacé. Il la renversa sur le dos d’une bourrade, faisant voler les glaçons, qui se brisèrent en éclats sur le sol. Elle se raidit, lui fit une prise en ciseaux, et il vint rouler par terre avec elle.