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Londres, 1941.

De Gaulle et Churchill devisent paisiblement.

Au fil de la conversation, Churchill évoque « la présence des occupants en France ».

De Gaulle (goguenard) :

« Les occupants… Les occupants… Qu’est-ce que vous faites, vous, à Jersey et à Guernesey ?… »

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Cet officier de l’État-major du Chef de la France libre passe, à juste titre, pour un « tombeur » et ses bonnes fortunes ne se comptent plus. Mais, cette fois, la lady qui s’est prise dans ses filets appartient au gratin de la haute société londonienne, et le très respectable Times juge à propos d’en faire un entrefilet croustillant.

Informé, le Général de Gaulle convoque le séducteur :

« Capitaine, cocufiez les Anglais tant que vous voudrez, mais faites en sorte que le Times n’en fasse pas des manchettes… »

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L’ambassadeur Raymond Offroy rapporte qu’en visite à Leeds, de Gaulle voit venir vers lui une jeune fille qui joue des coudes dans le petit groupe qui entoure le Général : visiblement, elle brûle d’envie de lui être présentée.

Quelqu’un s’en charge, et elle est aux anges :

« Ah, Général, que je suis heureuse de vous connaître !… (Elle est de très petite taille et se hausse sur la pointe des pieds.) J’habite l’Angleterre, mais j’ai grandi en France… »

De Gaulle s’incline pour serrer la main qui se tend et, à son officier d’ordonnance, il glisse à l’oreille, pince-sans-rire :

« Et ici, apparemment, elle ne grandit plus ?… »

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À Londres, en 1941, au Colonel Passy-Dewavrin qui lui expose l’organisation et les méthodes du Service « Renseignement », dont il a la charge, de Gaulle commente :

« C’est bien. C’est très bien… Mais pour gagner, il ne suffit pas de savoir ce que veut l’ennemi : il faut surtout savoir ce que l’on veut soi-même. »

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Après avoir beaucoup hésité, Robert C… vient d’arriver à Londres, via l’Espagne.

Il demande à se présenter au Chef de la France Libre, ce qu’on lui accorde car il compte au nombre des personnalités connues, et, pour manifester des convictions, longuement mûries, (car nous sommes en avril 1943), il fait aussitôt emplette, dans un magasin spécialisé, d’une belle croix de Lorraine qu’il s’épingle au veston.

Il se présente au 4, Carlton Gardens, le Général de Gaulle l’accueille, repère la croix de Lorraine et s’exclame :

« Comme elle est belle ! Comme elle est grande !… Comme elle est neuve !… »

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Deux jours avant son départ pour Alger, le 25 mai 1943, le chef de la France libre va faire ses adieux au « vieux lion », Winston Churchill, et il lui exprime la gratitude de la France pour l’accueil et l’appui qu’il a, depuis près de trois ans, ménagés aux Français libres et à leur chef. Il ajoute :

« Sans doute est-il dommage qu’en diverses circonstances nous ayons eu du mal à nous comprendre, mais je crois en avoir trouvé la raison…

— Je suis curieux de la connaître.

— Voilà !… Je me suis aperçu que vous étiez de mauvaise humeur lorsque vous aviez tort, et que vous le saviez, alors que moi je suis de mauvaise humeur lorsque j’ai raison, que je le sais, et que vous prétendez le contraire… Ainsi, nécessairement, lorsque nous nous rencontrons, nous sommes tous les deux de mauvaise humeur… »

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À Alger, en ce début d’été 1943, la cohabitation entre de Gaulle et Giraud au sein du Comité français de libération nationale, qu’ils coprésidaient, n’allait ni sans heurts, ni sans frictions. Nul n’ignore que Giraud agaçait de Gaulle, lequel ne se privait point, à l’occasion, de lui lancer des piques. Celle-ci, par exemple…

Alors que le Général Giraud, au cours d’un repas, racontait pour la vingtième fois sa rocambolesque évasion d’une forteresse allemande, de Gaulle, se penchant à travers la table, avait sournoisement susurré :

« Et si vous nous racontiez, maintenant, comment vous avez été fait prisonnier ?… »

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Et puis il y a les histoires que tout le monde (ou presque) connaît mais dont la particularité est qu’elles comportent autant de versions que de narrateurs.

Je me suis efforcé, bien entendu, de remonter à la source même de l’anecdote, ce qui n’était pas toujours facile.

Celle-ci, par exemple…

Nous sommes à Alger, en juillet 1943.

Venus de France, les chefs des partis politiques clandestins et des grands mouvements de résistance rallient Alger pour prendre part, sous une forme ou sous une autre, aux tâches que s’est assigné le Comité français de libération nationale.

André Philip est de ceux-là.

C’est un immense gaillard, très brun, musclé et velu.

En attendant d’être reçu par de Gaulle, il déambule dans les rues d’Alger, et les « soldats du désert », en tenue légère, lui font grosse impression. Aussi croit-il se mettre à la mode du jour en se présentant au Palais d’Été en chemisette largement échancrée, short moulant et chaussettes basses.

De Gaulle le voit entrer, se lève, comme il le fait toujours, le salue, le toise des pieds à la tête et laisse tomber :

« Vous avez, je crois, oublié votre cerceau… »

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Ou cette autre, plus connue encore, et dont j’ai dénombré sept versions différentes…

Trois d’entre elles impliquent Louis Vallon, sans doute parce qu’il avait le verbe haut et le langage cru.

En fait, l’histoire authentique se situe à Londres, début 1941, et nous en devons le récit à François Coulet qui fut, en 41 et 42, chef de cabinet du Général, — avant de devenir Commissaire de la République, ambassadeur et directeur des affaires politiques en Algérie.

La scène se passe au Q.G. de la France Libre, 4, Carlton Gardens, à huit heures du soir. Le Général s’apprête à partir et, au lieu d’annoncer par l’interphone : « Je m’en vais », ce qu’il fait d’habitude, il pousse la porte du bureau voisin à l’instant où Jean Pompei, l’un des membres de son Cabinet, discourant avec l’aide de camp, concluait une critique générale des hommes et des choses par un retentissant :

« Et puis, mort aux cons ! »

Sur le seuil de la porte, de Gaulle s’était immobilisé et avait commenté, goguenard :

« Vaste programme !… »

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Les troupes françaises débarquent en Corse, le 12 septembre 1943, et libèrent l’île dans l’enthousiasme général.

Le 6 octobre, de Gaulle atterrit à Ajaccio et, pendant trois jours, il ira d’ovation en ovation : Sartène, Lévie, Zonza, Zivaco, Bastia, Corte, St-Florent…

Or, raconte François Coulet, son chef de Cabinet, l’accueil le plus délirant, ce sont les occupants italiens, tirés à quatre épingles et impeccablement sanglés dans leur uniforme verdâtre, qui le lui réservent.

« Dieu me pardonne ! s’exclame de Gaulle. Ce sont les soldats de Mussolini qui crient si fort ?… »

Un « maquisard », juché sur le capot d’une jeep, se tourne vers lui :

« Et encore, mon Général, ici c’est rien ! Chez moi, au village, depuis hier, on leur apprend La Marseillaise. Vous allez voir !… »

Et on voit, en effet… Une chorale de deux cents « ennemis » braille à pleins poumons notre hymne national !…

Le soir, à la Préfecture, on interroge de Gaulle et on lui demande ce qu’il pense de ce subit retournement.