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« Si je gagne, on dira qu’on a voulu me faire plaisir. Et si je perds, le gagnant ira clabauder partout qu’il a battu le général de Gaulle. »

* * *

André Malraux demandait au Général — c’était en 1969 :

« On me dit que vous envisagez de publier tout ce que vous avez dit depuis le 18 juin 1940 : discours, conférences de presse…

— Oui, répondit de Gaulle, sauf les “machins” aux maires, au bord de la route… »

… Ce qui donna, à Jean-Paul Ollivier, l’heureuse idée de publier « Le tour de France du Général » où j’ai relevé des « machins » très amusants…

À Tarbes, où il s’adresse à la foule :

« La confiance, je la sens en vous voyant, et vous, en me regardant. N’est-il pas vrai ?

— Ouiii… hurle la foule.

— Eh bien ! Merci. C’est un échange de bons procédés. »

À Billère, à 3 kilomètres de Pau, un loustic enthousiaste lance :

« Vas-y, Charlot ! »

De Gaulle sourit et commente :

« Aux États-Unis, on dirait Charly ! »

À Auxerre, un vieil homme au visage buriné se présente :

« Janin, maire de Coulangeron. J’ai 78 ans seulement, et 23 années de mairie. Je suis vaillant et jamais malade.

— Il faudra me donner la recette… »

À Labastide, une jeune fille blonde comme les blés lui tend un carnet d’autographes.

De Gaulle a un mouvement de recul :

« Oh non ! Mademoiselle ! Ce n’est pas dans mes habitudes ! »

Mais la jeune fille est opiniâtre et parvient à glisser le stylo dans les doigts du Général. Il se résigne, signe et murmure :

« Si on m’a vu, je suis foutu… »

À Ganges où 40 entreprises fabriquent 25 millions de paires de bas par an, le directeur d’une usine explique à de Gaulle :

« En cas de panne de voiture, il est possible de se faire remorquer en utilisant, comme câble, des bas nylon attachés les uns aux autres. C’est déjà arrivé !

— Tiens donc !… Je n’aurais jamais pensé que des bas aient autant d’usages… »

En route pour Saint-Malo, de Gaulle s’arrête à Saint-Etienne-en-Coglès.

Sur le bord de la route, un très vieux bonhomme crie sur son passage :

« Bonjour, conscrit ! »

De Gaulle, médusé, s’arrête :

« Conscrit ?… Comment ça ?

— Bé dame !… 1870 !… »

Le Général sourit et lève la main :

« D’accord ! Honneur aux anciens ! »

* * *

Le 14 avril 1962, Georges Pompidou succède à Michel Debré à la tête du gouvernement.

Trois mois plus tard, au terme d’une lourde journée, chargée en besognes, Pompidou confie au Général que « la tâche est accablante ».

« Vous verrez, lui répond De Gaulle. À l’usage, vous prendrez goût au pouvoir. »

* * *

Sur la route de Villacoublay, près du Petit-Clamart, le Général de Gaulle échappait de peu, le 22 août 1962, à un attentat à l’arme automatique.

On s’accorde à dire que le Général eut la vie sauve grâce au sang-froid de son chauffeur, Francis Maroux, et à une injonction impérative de son gendre, Alain de Boissieu qui, se trouvant avec lui dans la limousine et comprenant ce qui se passait, lui cria fort à propos : « Père ! Baissez-vous ! »

Le Général en fut parfaitement conscient et, après l’attentat, il lui délivra ce satisfecit :

« Dans les grandes occasions, vous avez une belle voix de commandement. »

Et il ajouta :

« Ils ont quand même tiré comme des cochons… »

Ayant passé en trombe le poste de garde du terrain de Villacoublay, le cortège s’immobilisa et les de Gaulle descendirent pour examiner l’impact des projectiles. Or, le matin même, Madame de Gaulle avait fait des achats de bouche, notamment des volailles, et l’on avait remisé les emplettes dans le coffre de la voiture…, criblé de balles.

L’observant, elle s’exclama :

« Mon Dieu, j’espère que les poulets n’ont rien ! »

Et les policiers qui l’entouraient s’entre-regardèrent avec attendrissement :

« Ce qu’elle est gentille, quand même ! Elle pense d’abord à nous… »

Le lendemain, les De Gaulle recevaient les Pompidou à La Boisserie et, au menu du repas, figuraient les volatiles.

« Ce sont les poulets du coffre » fit observer Mme de Gaulle.

Alain de Boissieu, qui attaquait un blanc, fit soudain une vive grimace, à croire qu’il avait planté les dents sur une balle perdue.

Le Général se tourna vers lui :

« Je vous en prie, Alain, n’en rajoutez pas… »

* * *

Un déjeuner intime de dix couverts réunit à l’Élysée, le 10 septembre 1963, le Président de la République et ses proches collaborateurs, S.M. Hussein de Jordanie et les siens.

Comme à l’accoutumée, le Général accueille lui-même ses invités et fait les présentations.

Vient le tour d’Édouard Sablier, directeur de l’actualité de la R.T.F.

« … Et voici M. Édouard Sablier, l’un de nos meilleurs spécialistes du Proche-Orient, et que vous connaissez, je crois ?

— Mais certainement ! » répond le roi.

Courbette, poignée de main…

Dans la foulée, de Gaulle conduit Sablier vers l’oncle du roi, qui est aussi son Premier ministre : le chérif Nasser.

« Je vous présente M. Édouard Sablier… — Etc. »

Le chérif Nasser s’exclame :

« Oh mais oui !… Un fort bon cavalier, aussi ! Nous avons monté ensemble en Jordanie, à l’un de ses premiers voyages, je crois bien… C’était… heu… Attendez !… Ah oui ! En mille neuf cent… quarante-huit ! Non ! Quarante-neuf !… »

De Gaulle, avec beaucoup de conviction et d’un ton pénétré :

« Comme c’est intéressant !… »

* * *

À l’Assemblée nationale, séance houleuse, le 8 décembre 1964, autour du Ve Plan.

Au nom de la Commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan, Robert-André Vivien, député de la Seine, dénonce, en termes vifs, les manœuvres dilatoires de l’opposition qu’il qualifie de « pièges à cons ».

À un collègue qui lui reproche son langage un peu cru, il réplique qu’il n’existe pas de meilleure traduction, en bon français, du terme anglais « bobby-trap ».

Le lendemain, il rencontre inopinément le Président, qui vient de lire le compte rendu de la séance :

« Alors, Vivien, à quand l’Académie française ?… »

* * *

À ce Conseil du mois de mars 1965, le Ministre des Affaires étrangères annonce que l’ambassade d’U.R.S.S. à Paris va changer de titulaire : Zorine remplacera incessamment ce bon M. Vinogradov.

« On ne va pas y gagner, commente le ministre. Zorine a la réputation d’être un « pur et dur », et je ne le vois guère succomber aux charmes de la douce France…

— Ne vous en faites donc pas, répond de Gaulle. Il finira Chevalier du Tastevin et grand-maître du Camembert, comme les autres… »

* * *

Claude et Jean Sainteny eurent tout loisir d’observer, en de multiples circonstances, combien Mme de Gaulle veillait sur la santé de son illustre époux, et tout particulièrement lorsqu’il était à table, car il en appréciait fort les plaisirs. Aussi les maîtres d’hôtel étaient-ils nantis d’instructions discrètes dont le Général, d’ailleurs, n’était pas dupe. « Tiens, vous avez du vin blanc, vous ? » s’étonnait-il hypocritement et à voix haute, en lorgnant le verre du voisin.