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— Malgré les objections formulées par le patronat ?

— Le patronat, je m’en bats l’œil ! »

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De retour d’Afghanistan, le 11 mai 1968, en pleine ébullition estudiantine, Georges Pompidou, Premier Ministre, décide la réouverture de la Sorbonne investie par les révoltés du Quartier latin.

Le Président de la République, excédé et fatigué, n’y objecte pas. Mais il se reprochera longtemps cette « capitulation » et, le 21 février 1969, il confiera à Christian Fouchet, Ministre de l’Intérieur :

« La réouverture de la Sorbonne, ce n’était pas du de Gaulle, c’était du Pétain. »

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Au lendemain de son retour de Roumanie, le 19 mai 1968, de Gaulle ne dissimule point à ses ministres son vif mécontentement de ce qu’ils n’aient su, ni prévoir, ni endiguer à temps le mécontentement étudiant et ouvrier.

L’une de nos Excellences ayant fait observer que, rentré d’Afghanistan le 11 mai, le premier ministre, Georges Pompidou, avait évité toute effusion de sang et manœuvré avec habileté, de Gaulle a cette réplique, qu’a consignée Frédéric Barreyre :

« Six jours de savoir-faire ne rattraperont jamais six ans de laisser-faire ! »

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En cette fin septembre de l’année 1968, la situation, en France, s’est normalisée. On a réouvert la Sorbonne, les ouvriers ont repris le travail, la bourgeoisie respire, on prépare le 55e salon de l’automobile, les parlementaires, dans leur circonscription, rassurent leurs électeurs…

De Gaulle observe :

« Les Français sont capables de grandes choses en présence d’un vrai danger. Mais dès que les périls s’éloignent, que la vie redevient tranquille, que l’immédiat semble assuré, chacun ne pense plus qu’à soi, à son clan, à son parti, à ses chapelles, et, aussitôt, ça grenouille avec délices dans le copinage, l’euphorie, le verbiage et les disputes. »

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De Gaulle apportait la plus grande attention à la formulation des idées, des recommandations ou des avis. Et Claude Dulong nous le rappelle dans sa divertissante et scrupuleuse « Vie quotidienne à l’Élysée, au temps de Charles de Gaulle » :

« … Quand il s’agissait de textes le concernant, les corrections du Général étaient d’un ton si gaullien qu’on les croirait inventées par un pasticheur. Un chargé de mission ayant écrit, dans une note relative à un déplacement : « Au cours de ce voyage, le Général de Gaulle court le risque d’être soumis à des interrogations sur… », il reçut, en marge, ce rappel à l’ordre : « Sachez que le Général de Gaulle ne court jamais de risques et ne se soumet pas à des interrogations. » Une autre fois, le même chargé de mission qui, décidément, jouait de malchance, écrivit : « Le Général de Gaulle devra sans doute donner des assurances aux professionnels de la… etc. » La réponse fut encore plus brève, quoique teintée d’humour : « Le Général de Gaulle ne donne jamais d’assurances, surtout à des professionnels ! »

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De 1944 à sa mort, le Général fut prisonnier de son personnage, et bien des choses lui furent, désormais, interdites…

Il aurait bien aimé, par exemple, marcher un peu dans les rues, tranquillement, regarder les vitrines, humer l’air du temps ; mais la dernière fois qu’il l’avait tenté, un dimanche de printemps, entre la Concorde et le Rond-Point des Champs-Élysées, il n’avait fallu que quelques minutes pour qu’une petite foule lui emboîtât le pas et l’applaudisse.

En regagnant sa voiture, il avait grommelé :

« Décidément, je n’ai le droit de rien faire comme tout le monde !… »

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Un soir, dans les derniers jours de juillet 1969, à La Boisserie, de Gaulle et Jean d’Escrienne, son aide de camp, bavardaient à bâtons rompus en attendant l’heure du dîner.

Ils avaient pris connaissance du courrier, l’avaient annoté et classé, ils avaient parcouru les journaux… Soudain de Gaulle se saisit du Monde qui traînait sur le bureau et, à voix haute, il lut quelques titres :

« Paul VI est en Afrique… Nixon voyage en Amérique du Sud… Les Américains sont sur la lune… Vous voyez, on ne parle plus de la France… Sans doute parce qu’elle ne fait plus parler d’elle… »

LA SUPERBE

Au temps de ses culottes courtes, le jeune Charles de Gaulle s’adonnait aux jeux de son âge. C’est ainsi qu’avec deux de ses quatre frères, il aimait à livrer d’interminables batailles de soldats de plomb.

Sur le « Calédonien » qui, en août 1956, le conduisait de Balboa à Papeete, il en avait évoqué le souvenir auprès d’Olivier Guichard :

« Pierre était l’Italie. Jacques était l’Autriche. Quant à moi, excusez-moi, j’étais toujours la France… »

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Le 10 octobre 1909, l’engagé volontaire Charles de Gaulle est incorporé au 33e régiment d’infanterie, stationné à Arras, où il servira avant d’entrer à l’École Spéciale militaire de Saint-Cyr, dont il a passé, brillamment, les examens. Il est promu caporal le 16 avril 1910.

Gaston Bonheur rapporte que le capitaine de Tugny, commandant la 9e compagnie, avait répondu à quelqu’un qui s’étonnait de ce que le jeune de Gaulle n’ait pas été promu plus vite au grade supérieur :

« Pourquoi voulez-vous que je nomme sergent un garçon qui ne se sentirait à l’aise que dans la peau d’un connétable ? »

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À la fin du mois de mai 1940, la 4e division cuirassée, que le Colonel de Gaulle commande par intérim, est en position à Pierrepont, dans l’Aisne.

À ses officiers réunis, de Gaulle expose le plan de la contre-offensive qu’il veut lancer le lendemain pour arrêter l’ennemi débouchant d’Abbeville.

L’opération est décrite dans le moindre détail, le rôle de chaque unité est parfaitement défini, les ordres sont d’une remarquable précision.

À la fin de l’exposé, un capitaine, très impressionné, claque des talons :

« D’accord, mon Colonel !

— Je n’ai pas besoin de votre accord, capitaine. »

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Le professeur Cassin réussit, le 22 juin 1940, à quitter la France pour rejoindre de Gaulle.

Le 29 au matin, il se présente à Saint Stephen House où, depuis trois jours, résident le général et ses premiers compagnons.

Professeur de droit et conseiller juridique auprès du Ministre de l’Information, René Cassin est le premier juriste à rallier la France libre.

« Vous tombez bien ! » s’exclame de Gaulle en le recevant. Et il lui confie aussitôt la première et la plus urgente des tâches : rédiger et faire approuver par Churchill l’acte de reconnaissance du Général de Gaulle et de ses effectifs dérisoires, et jeter les bases d’un traité d’alliance entre la France libre et le gouvernement de Sa Majesté. Et il lui précise :

« Il est bien entendu que nous ne sommes pas une légion étrangère dans l’armée britannique !

— J’ai compris, mon Général. Nous sommes l’armée française.

— Non, Cassin ! Nous sommes la France. »

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Maurice Schumann, porte-parole de la France Libre, confie à Jean Lacouture et Roland Mehl : « Lorsque je suis arrivé à Londres, le 30 juin 1940, avec ma naïveté d’ancien enfant de la guerre 14–18, j’ai dit au Général : « Et, bien entendu, mon Général, vous êtes parti d’accord avec le Maréchal ? » — De Gaulle m’a répondu cette phrase superbe : « Si ce que vous croyez est vrai, ce qui est surhumain serait trop facile. »