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« Que voulez-vous, Debré, on ne peut pas gagner toutes les batailles. Nous avons vaincu Vichy, nous avons vaincu l’O.A.S., nous avons vaincu la chienlit de 68, mais nous n’avons pas réussi à rendre les bourgeois nationaux. »

À noter, en passant, que le rejet de la personne et de la politique du Général par la réponse négative du 27 avril 1969, dont nul ne pouvait ignorer les conséquences, choqua profondément les diplomates soviétiques en poste à Paris. À un journaliste qui s’étonnait de leur réaction, l’attaché de presse de l’ambassade répondit :

« Quand on a un bon tsar, on le garde. »

* * *

Tout le monde connaît l’affirmation célèbre :

« Chaque Français a été, est, ou sera gaulliste. »

De Gaulle ajoutait :

« Et je ne jurerais pas qu’à un moment ou à un autre, le maréchal Pétain lui-même ne l’ait pas été quelque peu. »

* * *

De Gaulle avait le sens des formules lapidaires, — ces petites phrases qui disent beaucoup de choses avec très peu de mots :

« La gloire, c’est la défaite des autres. »

« Il faut vivre avec ses arrière-pensées. »

« La grandeur a besoin de mystère. »

« On ne résout pas les problèmes. On apprend à vivre avec eux. »

« La droite ignore ce qu’est la nécessité de la générosité et la gauche se refuse à la nécessité de la puissance. »

« Il n’y a de réussite qu’à partir de la vérité. »

« On ne fait rien en dehors des réalités. »

« Le gaullisme, c’est tantôt mille fidèles, et tantôt le pays tout entier. »

« La véritable école du commandement, c’est la culture générale. »

« Le temps est l’étoffe des grandes entreprises. »

« À la guerre, la chance des généraux, c’est l’honneur des gouvernements. »

L’INATTENDU

Sorti 13e sur 211 élèves de l’École Spéciale militaire de Saint-Cyr, le 1er septembre 1912, le sous-lieutenant de Gaulle avait le droit de choisir son arme ; et, pour les diplômés de la « botte », il y avait deux armes nobles, par excellence : la cavalerie et la coloniale. Or, à la grande surprise de ses condisciples, de Gaulle choisit de retourner à son régiment d’origine : le 33e régiment d’infanterie, cantonné à Arras.

Il en donna un jour la raison au Général Pierre Billotte, sous forme de boutade :

« L’infanterie, c’est plus militaire. »

* * *

Le Chef de la France Libre vient de quitter l’hôtel Connaugh, où il a déjeuné, et, à pied, par Berkeley Square, Piccadilly et Saint-James, il descend en direction de ses bureaux du 4, Carlton Gardens. François Coulet, son chef de cabinet, l’accompagne.

Cet après-midi de printemps 1942 est doux à souhait. L’air est léger et, dans les branches, une brume verte présage les apothéoses de l’été.

Et de Gaulle dit tout à coup :

« Le plus beau métier, finalement, c’est d’être bibliothécaire… »

Goulet, un peu décontenancé, acquiesce. Il comprend… D’autant que son propre père a été à deux doigts de prendre la direction de la superbe bibliothèque du Palais-Bourbon.

« Non, dit de Gaulle, je ne parle pas d’une grande bibliothèque mais d’une petite, dans une petite ville de province, en Bretagne, par exemple, une bibliothèque municipale… Quel calme ! Quelle belle vie !… Et puis, brusquement, quand arrive la soixantaine, on se met à écrire une monographie de quatre-vingts pages : Mme de Sévigné est-elle passée par Pontivy ? — Alors, on devient frénétique, on envoie des lettres cinglantes au chanoine qui chicane sur une date, on embête tout le monde, on n’arrête pas… Oui, croyez-moi : bibliothécaire, c’est le plus beau des métiers ! »

* * *

Pendant tout le temps que dura son séjour à Londres, le Général ne manqua aucune occasion de rappeler que la vraie France était, avec lui, du côté des soldats, ni d’exposer ses vues dans tous les domaines.

Cela l’amenait, naturellement, à s’adresser aux Anglais dans des enceintes officielles ou privées, et ses interventions étaient suivies avec un intérêt et une sympathie croissants… Et aussi, parfois, avec naïveté…

C’est ainsi qu’à la sortie de l’Albert Hall où, le 18 juin 1942, il venait de prononcer un très grand discours, la femme du Président de l’association locale se précipita vers lui :

« Ah ! Général, comme c’était bien ! Vous voulez que je vous dise ?… À chacun de vos discours, vous faites des progrès ! »

* * *

Il y a aussi les histoires vraies dont le Général est le héros involontaire (ou, le cas échéant, la victime). Celle-ci, par exemple, que nous narre le Colonel Dupérier.

En 1942, Bernard Dupérier sert dans un groupe de chasse des Forces aériennes françaises libres et de Gaulle, chaque fois qu’il le peut, vient complimenter et encourager « ses » aviateurs.

C’est le cas ce jour-là, à la base de Tangmore, et, après l’inspection des pilotes et des appareils, on reçoit le Général au mess où le cuistot a mijoté un repas de circonstance. Au menu : des pigeons en sauce.

Tout se passe pour le mieux. De Gaulle, qui a un solide coup de fourchette, fait honneur à la bonne chère et, la dernière bouchée avalée, il réclame son képi et son manteau.

Bernard Dupérier se lève pour aller les lui chercher.

À ce point du récit, il convient de préciser que le groupe a adopté un beau chat noir dont il a fait sa mascotte. Et que trouve Dupérier, bien installé au fond du képi du Général ? Le beau chat noir…

L’ennuyeux est qu’il n’y est pas seul. Entre ses pattes, un pigeon qu’il a chouravé à la cuisine et dans lequel il mord à belles dents.

Dupérier vire le chat et son pigeon manu militari, se saisit d’une serviette, frotte énergiquement l’intérieur du képi maculé de sauce — succulente dans une assiette, incongrue dans un képi — et court porter au Général son couvre-chef.

Et Bernard Dupérier ajoute :

« Je n’ai jamais osé lui demander si, ce jour-là, il n’avait pas trouvé son képi un peu poisseux… »

* * *

À peu près de la même veine, cette histoire-ci…

Comme tout le monde évitait d’empoisonner le Général avec des problèmes d’intendance, les Services de l’Élysée avaient passé commande, sans lui en parler, d’une D.S. à toit ouvrant. Et, ce jour-là, à l’occasion d’un court voyage dans l’Oise, l’opportunité parut bonne de l’inaugurer car il faisait un temps splendide.

Au départ de Paris, et par mesure de sécurité, on laissa le toit à sa place, si bien que de Gaulle ne remarqua rien. Mais à la première étape, et cependant que les officiels entraînaient le Chef de l’État vers la mairie, on l’ouvrit.

Les discours terminés et « le vin d’honneur » asséché, le député-maire accompagna le Général jusqu’à sa voiture et celui-ci, l’apercevant, s’exclama :

« Vous avez, monsieur le député, une voiture bien pratique !

— Mais elle est à vous, mon Général !

— Je vous remercie, c’est très gentil de votre part, mais il n’en est pas question !… »

* * *

Ce 25 août 1944 qui voit se lever, sur Paris, le soleil de la liberté, Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance, presse de Gaulle de « proclamer la République » du balcon de l’Hôtel de Ville, face à une foule en délire.