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Fin août 1967, de Gaulle convoque Roland Nungesser, secrétaire d’État. D’après les informations qui lui ont été communiquées, un climat de tension se développe en Tchécoslovaquie, et de Gaulle pressent que des événements graves pourraient y survenir sous peu. Il prie donc son ministre d’aller y faire un tour, de rencontrer le plus de gens possible et de lui ramener une bonne analyse de la situation. Une Foire commerciale se tient à Brno : c’est un bon prétexte pour un secrétaire d’État chargé, entre autres choses, de nos exportations.

Nungesser part donc pour Prague, voit des ministres, interroge des notables, tient table ouverte, et, à son retour, il rend compte au Général :

« Ça va secouer, là-bas…

— Dans combien de temps, selon vous ?

— Pas avant six mois, mais avant un an. »

En avril 1968, le « printemps de Prague » éclate comme une bombe et les chars soviétiques écrasent le soulèvement populaire.

À l’occasion d’un tête-à-tête, de Gaulle, qui a une mémoire d’éléphant, s’en entretient avec Nungesser, « Mes compliments, Nungesser. Entre six mois et un an, m’aviez-vous dit… Sept mois tout juste… Vous étiez dans les temps. »

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Le général travaille à son bureau.

De la pièce voisine, où se tiennent ses aides de camp, des rires et des éclats de voix lui parviennent. Intrigué, il appelle Gaston de Bonneval :

« Qu’est-ce qui vous fait rigoler, à côté ?

— C’est Teisseire, mon Général. Il nous racontait sa dernière bonne histoire… Il faut dire qu’il en possède un répertoire inépuisable… »

De Gaulle prend l’air chagrin d’un enfant qu’on a puni :

« Et pourquoi il ne m’en raconte jamais, à moi ?… »

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Une fois de plus, le Président de Gaulle se rend en Afrique noire. Mais — fait rare — Mme de Gaulle est aussi du voyage.

Dans l’avion, tout le monde s’occupe : Olivier Guichard lit un rapport, Mme de Gaulle tricote, le Général met la dernière main au premier discours qu’il doit prononcer…

On survole des paysages magnifiques et Mme de Gaulle lève souvent le nez de dessus ses aiguilles pour admirer la savane, le fil d’argent des rivières, les gazelles qui volent dans les hautes herbes…

Soudain l’avion perd de l’altitude et le pilote se rapproche du sol car un grand troupeau d’éléphants passe à l’aplomb de l’appareil.

Très excitée, Mme de Gaulle attire l’attention de son mari.

Le Général jette, par le hublot, un coup d’œil distrait, puis il fait un petit geste, de la main, comme pour chasser des mouches :

« Laissez, Yvonne, laissez… »

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L’année 1967 est riche en réceptions, et l’une des plus brillantes est bien celle qui clôture l’installation du Conseil Constitutionnel. Tous les ministres sont là, bien entendu, et, par conséquent, Roland Nungesser aussi. Secrétaire d’État à l’Économie et aux Finances, chargé des Affaires extérieures.

Le Président Charles de Gaulle fait son entrée, salue les dames, serre la main des messieurs et, soudain, il avise Roland Nungesser :

« Ah, Nungesser !… Bravo ! »

Bon, se dit le député-maire de Nogent-sur-Marne, on a dû lui dire que j’avais réussi à vendre, à la Roumanie, un joli lot de Caravelles… Il tient pourtant à s’en assurer :

« Je suis très sensible à vos compliments, mon Général… Mais… “bravo” pourquoi, exactement ?

— Eh bien pour hier, voyons ! Aux “Jeux sans frontières” !… Votre Nogent-sur-Marne les a toutes battues ! C’est très bien. »

Et, en me rapportant cette anecdote, Roland Nungesser a ajouté :

« Car, en plus, il trouvait le temps de se distraire en regardant les émissions de Guy Lux… »

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Fin mars 1969, un mois avant le référendum du 27 avril dont le résultat défavorable provoquera le départ du général de Gaulle, Michel Droit reçoit, en Oubangui, un coup de fil de sa femme, Janine :

« Reviens vite. Quelqu’un voudrait te voir. »

Il devine l’identité du « quelqu’un », saute dans le premier avion en partance et, dès son arrivée à Paris, téléphone à l’aide de camp du Général qui lui fixe rendez-vous avec le président pour le lendemain samedi, à 15 heures.

Il a accepté sans se donner le temps de réfléchir, et ça l’ennuie un peu car il se proposait d’assister, à Colombes, au tournoi des cinq nations.

Prenant son courage à deux mains, il rappelle Flohic et obtient sans peine que la rencontre soit reportée à 18 heures.

Il se présente, à l’heure dite, à l’Élysée, et le Général l’accueille cordialement :

« Je suis bien content que l’on ait retardé notre entretien. Ça m’a permis de regarder le tournoi des cinq nations… »

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Marcel Jullian, Président-directeur général de la Librairie Plon, éditeur des « Mémoires de guerre » et des « Mémoires d’espoir » du Général de Gaulle, tente de le convaincre de publier également ses « Discours et messages ».

Le Général n’est pas très chaud :

« Qui va lire ça ?… Ce sera indigeste… Et si je vous donnais plutôt ma correspondance avec Pétain ? Vous verrez, c’est bien plus rigolo !… »

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Au cours de ses pérégrinations provinciales, de Gaulle ne répugnait pas à user, avec un secret amusement, des lieux communs les plus éculés, de banalités désarmantes et de tautologies à couper le souffle.

J.R. Tournoux se souvient de l’avoir entendu dialoguer avec des paysans, à Belfort, l’année où un été torride avait, un peu partout, grillé les récoltes :

« Et la sécheresse ?

— Il a plu ici, mon Général.

— Eh bien je vous félicite ! »

Et celle-ci, au retour d’un voyage au Canada où on lui avait fait déguster un champagne local :

« Je leur ai dit qu’il fallait autant de courage pour fabriquer du champagne au bord des grands lacs qu’il en faudrait pour transporter les grands lacs en Champagne. Ils ont été enchantés… — Mais je n’ai pas l’impression qu’ils m’aient compris. »

En juillet 1960, à une foule fervente et… médusée. « Je salue Fécamp, port de mer, qui entend le rester et le restera. »

Aux membres du bureau de l’Assemblée nationale : « Messieurs, ce qui reste à faire, reste à faire, et ce qui doit être fait, doit être fait. »

En visite à Bertrancourt, dans la Somme :

« … Eh bien vous aurez l’eau !… Je ne sais pas quand, mais vous l’aurez ! »

Un jour, à Sens, alors qu’il venait d’en sortir une de ce tonneau-là, — c’était le 16 avril 1959 —, je lui avais glissé à l’oreille :

« On a parfois l’impression que vous prenez les Français pour des demeurés… »

Il avait souri (ce qui lui arrivait rarement) et m’avait répondu : « Non. Mais il faut parler aux gens le langage qu’ils comprennent. »

LA BIENVEILLANCE ET LA SOLLICITUDE

Londres, 1942.

Winston et lady Churchill ont prié à dîner chez eux, 10, Downing Street, le Général et Mme de Gaulle.

Deux semaines plus tard, les de Gaulle leur rendent leur politesse et les reçoivent dans leur petit appartement de Berkhamsted.