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« Un jus de fruits, comme d’habitude… Ou plutôt non, un champagne… Réflexion faite, un scotch, — si ma femme ne regarde pas… »

* * *

André Malraux a gardé un souvenir très vif de ce « bain de foule », en province…

Bien qu’opéré depuis peu de la cataracte, de Gaulle, par coquetterie et élégance, avait retiré ses lunettes pour serrer (dans le brouillard) les mains qui se tendaient. Et ce qui devait arriver…

« Bonjour, monsieur le curé !

— Mon Général, je suis un des gorilles !

— Alors bonjour, monsieur le gorille ! »

* * *

Une chasse, à Rambouillet, pour d’illustres hôtes de passage.

Suit l’habituel déjeuner, et l’un des invités a le privilège d’être placé en face du Général :

« Ah, mon Général, la chasse ! Que d’émotions !… C’est vraiment comme la guerre !

— Oui… — À une différence près, cependant : à la guerre, le lapin tire. »

* * *

À l’Élysée, une nouvelle fois, la présentation des vœux du Président aux corps constitués — et réciproquement — réunit, ce janvier 1969, une élite.

Dans le nombre, l’un de nos plus éminents savants, membre de l’Institut et de nombreuses sociétés étrangères, et que de Gaulle complimente pour l’intérêt et la haute portée de ses travaux.

Des sommets de la technique, la conversation redescend bientôt vers les tracas du quotidien. Le savant en question habite près du Panthéon et il se plaint de la longueur et des difficultés du trajet jusqu’à Saclay, où il travaille, par des rues et des routes perpétuellement encombrées. Certes, la République, bonne fille, a mis à sa disposition voiture et chauffeur, mais il n’importe : que de temps perdu et de fatigue inutile !…

De Gaulle l’interrompt, un sourire ambigu aux lèvres :

« Convenez tout de même, mon cher maître, qu’une fois passé le Petit-Clamart, ça va tout seul[1]… »

* * *

Pour distraire sa mélancolie, de Gaulle décide de suivre le conseil d’André Malraux et de visiter l’Espagne, du 3 au 27 juin 1970, Irun, Santillana del Mar, Cambados, Saint-Jacques-de-Compostelle, Avila, Madrid, Tolède, Grenade, Séville, Ségovie, Burgos…

Le 8 juin, il s’entretient avec le Général Franco, et il rentre.

Ce voyage en Espagne franquiste du Général de Gaulle surprend quelques « Compagnons » sourcilleux, et l’un d’eux le lui dit.

« Rassurez-vous, lui répond de Gaulle. Ils m’ont tous pris pour don Quichotte. »

L’ESPRIT

Le 10 mai 1940, les Panzers franchissent, dans les Ardennes, la frontière belge.

Le 21 mai, les divisions allemandes atteignent Montreuil-sur-Mer : 320 kilomètres en onze jours…

Depuis beau temps déjà, de Gaulle a compris que cette guerre qui, dès les premiers engagements, tourne si mal, n’est pas un simple conflit franco-allemand mais une guerre planétaire. Le visionnaire sait que l’Afrique française restera hors d’atteinte, que l’Angleterre tiendra bon, que la Russie basculera dans le bon camp, que les États-Unis seront contraints d’intervenir, que le Japon bougera, que l’Asie entière prendra feu…

Au quartier général de la 4e division cuirassée, qu’il commande, le colonel de Gaulle traverse le bureau des officiers d’État-major et s’approche d’un jeune lieutenant, fiévreusement penché sur une carte de France.

Il s’arrête derrière lui et lui tapote l’épaule :

« Vous voulez vous battre, lieutenant ?… Dans ce cas, il serait plus judicieux de méditer sur une mappemonde… »

* * *

Conscient de ce qu’il devait se faire connaître dans ce haut lieu de la résistance au nazisme, de Gaulle, à Londres, recevait beaucoup et sortait beaucoup, quoi qu’il lui en coûtât.

Hôte infatigable, il recommandait à ses aides de camp de réunir autour de lui trois personnes au moins et neuf au plus :

« Plus que les Grâces, mais moins que les Muses… »

* * *

Septembre 1944. — La France est massivement présente au combat et son armée, reconstituée, se bat sur les marches de l’Est.

De Gaulle a entrepris un tour de France, et il le débute par les villes que les Forces françaises et alliées, puissamment aidées par les combattants de la Résistance, viennent de libérer : Marseille, Toulon, Lyon, mais aussi Toulouse et Bordeaux.

Le 16 septembre, à Toulouse, il passe en revue les volontaires des Forces Françaises de l’Intérieur, impeccablement alignés. C’est impressionnant… Les officiers sont au coude à coude. Les insignes de grade, tout frais, brillent au soleil, et l’on sait que, « rayon galons », les F.F.I. ne sont pas regardants : les chefs, petits ou grands, s’attribuent d’autant plus volontiers des grades élevés que ceux-ci sont provisoires et que ces autopromotions ne tirent pas à conséquence. Et les officiers se présentent :

— « Colonel Un tel, mon Général ! »

— « Colonel Chose, mon Général ! »

— « Lieutenant-Colonel Machin, mon Général ! »

— « Lieutenant-Colonel Un tel, mon Général ! »

— « Commandant Chose, mon Général ! »

Et ça dure…

Soudain, au bout du rang, de Gaulle avise un modeste sous-lieutenant. Il s’approche de lui :

« Vous, je parie que vous ne savez pas coudre… »

* * *

Durant l’hiver 1944-45, le Chef du gouvernement provisoire partage son temps entre son bureau de la rue Saint-Dominique et l’hôtel particulier qui a été mis à sa disposition, à Neuilly.

La tâche est immense et les journées sont courtes, si bien que, souvent, de Gaulle emporte « du travail à la maison », ou reçoit, à Neuilly, ses collaborateurs.

Ce soir-là, l’attend dans son salon, un gros dossier sous le bras, Jean-Jacques de Bresson, Secrétaire de la Commission des Grâces (et qui deviendra, par la suite, à son Cabinet, Chargé de mission puis Conseiller technique pour les affaires algériennes et pour les affaires juridiques et, beaucoup plus tard, Président-Directeur-Général de l’O.R.T.F.).

De Gaulle traverse la pièce et l’avise, sagement assis dans un coin.

« Tiens, Bresson !… Qu’est-ce que vous faites là ?

— J’attends que vous puissiez me recevoir, mon Général.

— J’ai une affaire à régler et je suis à vous… — Vous devez vous embêter ?

— Mais non, mon Général !

— Je vais vous donner quelque chose à lire. »

Et le Général se dirige vers la bibliothèque murale des propriétaires de la maison et en explore, du regard, les rayons. Il tire un livre à lui :

« Non, celui-là doit être emmerdant… »

Il en prend un autre.

« Ça c’est pour les gosses… »

Il en sort un, enfin :

« Voilà, je crois que j’ai trouvé. C’est de Paul-Boncour… Ça s’appelle : “Entre deux guerres”… »

Il hausse les épaules :

« Quel titre idiot !… On est toujours entre deux guerres… »

* * *

À René Mayer, ministre des Travaux publics au Gouvernement provisoire, et qui lui demande, le 12 mai 1945 :

… « Sur cette question, mon Général, quel est votre point de vue ? »

Il répond :

« Le plus élevé, cher ami !… C’est le moins encombré. »

* * *

Mme Golda Meir, Ministre israélien des Affaires étrangères, est reçue à Matignon le 5 août 1958, par le Président du Conseil.

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1

C’est à la hauteur du Petit-Clamart que de Gaulle manqua de très peu d’être victime d’un attentat, le 22 août 1962.