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– Et ?

– Et rien. Elle était extrêmement réceptive.

– Vous savez si elle s’est adressée ailleurs, si elle est allée consulter d’autres voyants ?

– Évidemment, elle ne m’a parlé que de ce qui me concernait. En revanche, un jour, elle m’a téléphoné pour me demander mon avis sur une collègue, une femme qui m’était inconnue et dont je n’ai rien pu lui dire. Je suppose qu’elle débute à peine dans la profession. Je connais pourtant la plupart des gens qui l’exercent.

– Et vous ignorez tout de la femme en question ?

– En effet, à part son nom. Et comme je viens de le dire, je ne sais pas ce qu’elle vaut en tant que médium.

– Et comment s’appelle-t-elle ?

– Maria ne m’a pas donné son deuxième nom2, mais seulement son prénom, Magdalena.

– Magdalena ?

– Inconnue au bataillon.

– Qu’est-ce que ça signifie ? Je veux dire, le fait que vous ne la connaissiez pas ?

– Rien de spécial. Ça ne signifie pas forcément quelque chose. Mais en passant quelques coups de fil, j’ai découvert que personne ne connaît cette Magdalena.

– C’est peut-être tout simplement une nouvelle, comme vous venez de le dire ?

Andersen haussa les épaules.

– Tout porte à le croire, en effet.

– Vous êtes nombreux à pratiquer cette activité ?

– Pas tant que ça, mais je n’ai pas le chiffre.

– Comment Maria a-t-elle eu connaissance de cette Magdalena ?

– Je l’ignore.

– Votre opinion sur la phobie de l’obscurité est plutôt étrange pour un homme qui gagne son pain quotidien en entrant en contact avec les morts et les fantômes.

– Comment ça ?

– Vous la décrivez comme une peur enracinée dans le psychisme et non comme issue d’une croyance en l’existence des fantômes.

– Il n’y a rien de néfaste dans le monde des esprits, observa Andersen. Nous avons tous nos fantômes et nos revenants. Vous aussi, et vous n’êtes pas le dernier.

– Moi ? rétorqua Erlendur.

Andersen hocha la tête.

– Toute une foule, ajouta le médium. Mais ne vous inquiétez pas, continuez à chercher. Vous finirez par les trouver.

– Vous voulez parler de lui, vous voulez dire le trouver ? s’enquit Erlendur.

– Non, conclut Andersen en se mettant debout. Je parle d’eux.

23

À une certaine époque, Erlendur avait souffert de tachycardie. Il avait la désagréable impression que son cœur battait une mesure en trop ou que, par moments, son rythme se ralentissait. Constatant que le phénomène tendait plutôt à s’accentuer, il avait feuilleté les pages jaunes de l’annuaire téléphonique et s’était arrêté à un nom qui lui semblait sympathique dans la rubrique Cardiologues : Dagobert. Ce prénom l’avait immédiatement séduit, il avait donc décidé de le prendre pour médecin. Au bout d’à peine cinq minutes passées dans le cabinet, submergé par son impatience, il avait demandé au cardiologue la raison de cet étrange prénom.

– Je suis originaire des fjords de l’Ouest, avait précisé l’homme qui semblait habitué à cette question. Je ne m’en plains pas. Mon cousin m’envie. Il s’appelle Dosotheus.

La plupart des sièges de la salle d’attente étaient occupés par des gens souffrant d’affections variées. Ce centre médical employait des médecins spécialisés dans des domaines divers. On y trouvait des oto-rhino-laryngologistes, des phlébologues, trois cardiologues, deux phrénologues et un ophtalmologiste. Debout à la porte de la salle d’attente, Erlendur se faisait la réflexion que parmi tout ce beau monde, chacun allait trouver chaussure à son pied. Il était gêné de venir s’imposer ainsi chez son cardiologue sans avoir pris rendez-vous plusieurs mois auparavant. Il savait cet homme très pris, n’ignorait pas qu’il n’y avait plus aucun rendez-vous de disponible jusqu’à l’année prochaine et se disait que sa visite allait rallonger le délai d’attente des patients d’au minimum un quart d’heure, quel que soit l’instant où il entrerait dans le cabinet. Erlendur était déjà là depuis une bonne vingtaine de minutes.

Du fond de la salle d’attente partait un long couloir où se trouvaient les salles de consultation des médecins et, alors que trois quarts d’heure s’étaient écoulés depuis qu’il avait informé l’accueil de son arrivée, la porte s’ouvrit, Dagobert apparut et lui fit signe de le suivre. Erlendur l’accompagna et le cardiologue referma la porte derrière eux.

– Vous revenez me voir avec la même chose ? s’enquit Dagobert en invitant Erlendur à prendre place sur la table d’auscultation. Le dossier d’Erlendur était posé sur le bureau.

– Non, répondit le policier. Je vais très bien, la raison de ma visite est plutôt d’ordre professionnel.

– Ah bon ? s’étonna le médecin. C’était un homme grassouillet et avenant, qui portait une chemise blanche, une cravate et un jean. Il n’avait pas de blouse, mais le stéthoscope était bien là, autour de son cou. Vous ne voulez pas vous allonger pour que je vous ausculte ?

– Inutile, répondit Erlendur qui s’installa sur la chaise devant le bureau. Dagobert s’assit sur la table d’examen. Erlendur se rappelait le premier rendez-vous où ce médecin lui avait expliqué que son cœur était commandé par des impulsions électriques, lesquelles avaient été perturbées. En général, le phénomène était dû au stress. Erlendur n’avait pas compris un traître mot de ce qu’il lui avait raconté, à part quand il avait dit que la situation n’avait rien de préoccupant et que ça s’arrangerait avec le temps.

– Dans ce cas, que puis-je pour… ? interrogea Dagobert.

– C’est une question d’ordre médical, commença Erlendur.

Il se débattait avec des problèmes lexicaux depuis qu’il avait décidé de venir le consulter. Il s’était gardé de s’adresser à des gens qui travaillaient avec la police, à un médecin légiste, par exemple, car il voulait n’avoir à fournir aucune explication.

– Oui, laquelle ?

– Si quelqu’un avait l’intention de plonger un individu en état de mort pendant, disons, une à deux minutes, pour ensuite le ramener à la vie sans que personne ne remarque quoi que ce soit, comment procéderait-il ? demanda Erlendur.

Le médecin le fixa longuement.

– Vous connaîtriez un tel cas ? interrogea-t-il.

– C’est justement ma deuxième question, répondit Erlendur. Pour ma part, je n’en connais aucun.

– Autant que je sache, personne ne s’est livré à ce genre de chose de manière délibérée, si c’est ce que vous voulez dire, reprit Dagobert.

– Comment procéderait-on ?

– Tant de paramètres entrent en jeu. Quelles seraient les conditions de déroulement de l’expérience ?

– Je ne suis pas certain. Disons que quelqu’un se mette en tête de faire ça chez lui.

Dagobert lança à Erlendur un regard grave et sévère.

– Des gens de votre connaissance se seraient-ils amusés à tenter ce genre d’expérience ? demanda-t-il. Dagobert savait qu’Erlendur travaillait à la Criminelle et considérait que les troubles du rythme cardiaque dont ce dernier souffrait étaient, pour reprendre son expression, de nature professionnelle. À part ça, il était rare qu’il recoure au jargon, à la grande satisfaction de son patient.

– Non, répondit Erlendur. Et cela n’a rien à voir avec l’une de nos enquêtes. Ma curiosité a simplement été piquée au vif en parcourant un ancien dossier qui a atterri entre mes mains.

– Ce dont vous parlez, c’est de la façon dont on peut susciter un arrêt du cœur sans que personne ne le remarque et de manière à ce que l’intéressé survive ?

– Oui, je suppose, convint Erlendur.

– Pourquoi quelqu’un irait-il faire une chose pareille ?