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– Je n’en ai pas la moindre idée.

– Je suppose qu’au contraire, vous en avez une sacrée derrière la tête.

– Absolument pas.

– Je ne vous suis pas vraiment. Comme je viens de le dire : quel motif quelqu’un aurait-il de provoquer un arrêt cardiaque ?

– Je l’ignore, répéta Erlendur. J’espérais que vous seriez à même de répondre à ma question.

– D’accord. La première chose à laquelle vous devez penser est de n’endommager aucun des organes vitaux, expliqua Dagobert. Dès que le cœur cesse de battre, la décomposition du corps se met en route, les tissus et les organes sont menacés. On peut recourir à divers traitements médicamenteux afin de provoquer l’arrêt cardiaque, mais peut-être est-il préférable d’opter pour l’hypothermie. Je ne suis pas spécialiste en la matière.

– L’hypothermie3 ?

– C’est un procédé qui consiste à refroidir le corps, expliqua le médecin. Le cœur cesse de battre lorsque la température corporelle chute en deçà d’une certaine limite, ce qui cause effectivement la mort. Le froid se charge de conserver les organes car il ralentit l’ensemble du métabolisme.

– Et comment est-on ramené à la vie ?

– Probablement à l’aide de chocs électriques suivis d’un réchauffement rapide, j’entends par là réchauffement du corps.

– Mais ce genre d’expérience ne peut être conduite que par un spécialiste, n’est-ce pas ?

– Sans nul doute. Je ne peux pas imaginer le contraire. Il faut qu’un médecin soit présent sur les lieux, voire un cardiologue. Et évidemment, personne ne devrait se prêter à ce jeu-là.

– Combien de temps peut-on maintenir quelqu’un dans cet état avant que ça ne devienne irrémédiable ?

– Eh bien, je n’ai pas pour spécialité de provoquer des arrêts cardiaques en recourant à l’hypothermie, mais c’est une question de quelques minutes après l’arrêt du cœur, tout au plus quatre ou cinq. Je l’ignore. Il faut prendre en compte les conditions de l’expérience. Si elle se déroule en milieu hospitalier et qu’on dispose des meilleures techniques, il est peut-être possible de repousser la limite. L’hypothermie permet de maintenir des patients dans le coma le temps qu’ils guérissent de leurs blessures. Elle est également intéressante pour la conservation d’organes de personnes ayant fait un arrêt cardiaque. Dans ce cas, la température corporelle est maintenue à environ trente et un degrés.

– Et si l’expérience est pratiquée chez un particulier, quel est l’équipement nécessaire ?

Le médecin s’accorda un long moment de réflexion.

– Je ne peux… reprit-il avant de s’interrompre à nouveau.

– Quelle est la chose qui vous vient à l’esprit en premier lieu ?

– Une bonne baignoire. Un défibrillateur et suffisamment d’ampères au compteur. Et aussi des couvertures.

– Est-ce que ça laisserait des traces ? Pour peu qu’on parvienne à ranimer l’intéressé ?

– Des traces de l’expérience ? Je ne pense pas, répondit Dagobert. Je suppose que c’est un peu comme si on se retrouait pris dans le blizzard. Le froid ralentit graduellement le métabolisme, on commence par s’endormir, puis on tombe dans le coma, le cœur s’arrête et on meurt.

– N’est-ce pas exactement ce qui se produit quand les gens se perdent dans la nature ? demanda Erlendur.

– Oui, effectivement.

La femme dont on savait avec certitude qu’elle avait été la dernière à s’entretenir avec Gudrun travaillait comme conservatrice et directrice de l’un des départements du Musée national. Elles étaient cousines et les parents de l’étudiante lui avaient demandé de garder un œil sur leur fille pendant leur long périple asiatique. De trois ans l’aînée de Gudrun, plutôt petite, elle attachait son épaisse chevelure blonde en queue de cheval. Son nom était Elisabet, mais elle se faisait appeler Beta.

– Déterrer cette histoire me met mal à l’aise, expliqua-t-elle alors qu’elle venait de s’installer dans la cafétéria du musée avec Erlendur. Duna était plus ou moins sous ma responsabilité, en tout cas c’est l’impression que j’avais à l’époque, même si je n’avais, voyez-vous, aucun moyen d’empêcher quoi que ce soit. Elle a tout simplement disparu. C’était vraiment incroyable. Pourquoi reprenez-vous cette affaire aujourd’hui ?

– Nous sommes sur le point de la classer, répondit Erlendur en espérant que cette explication suffirait. Il n’avait aucune idée de ce qui le poussait à rechercher cette étudiante ou encore David, en dehors de sa passion des disparitions et du fait que, contrairement à l’accoutumée, la situation était plutôt calme au commissariat.

– Donc, à partir de maintenant, elle n’aura plus aucune chance d’être retrouvée ? interrogea Beta.

– Cela remonte à très longtemps, observa Erlendur afin de ne pas lui répondre directement.

– Je n’arrive vraiment pas à imaginer ce qui a pu arriver, reprit Beta. Un beau jour, elle part au volant de sa voiture et pouf, la voilà disparue. Son véhicule est resté introuvable et elle n’a pas laissé la moindre trace. Apparemment, elle ne s’est arrêtée à aucune station-service ni à aucune ferme, que ce soit sur la route qui mène vers le nord ou ici, dans les environs de Reykjavik.

– Certains ont émis l’hypothèse d’un suicide, avança Erlendur.

– Ce n’était vraiment pas son genre, répondit immédiatement Beta.

– C’est une question de genre ?

– Non, je veux dire, elle n’était pas comme ça.

– Personnellement, je ne connais personne qui soit comme ça, observa Erlendur.

– Enfin bref, vous voyez ce que je veux dire, conclut Beta. D’ailleurs, en parlant de sa voiture, elle ne s’est tout de même pas suicidée elle aussi, non ?

Erlendur sourit.

– Nous avons dragué les ports dans toute l’Islande, envoyé des plongeurs explorer les abords des jetées, au cas où elle aurait perdu le contrôle de son véhicule. Nous n’avons rien trouvé.

– Elle adorait sa petite Mini, nota Beta. Je n’ai jamais réussi à m’imaginer qu’elle puisse la faire plonger dans la mer depuis une jetée. Cette idée m’a toujours semblé à côté de la plaque. Complètement saugrenue.

– Elle ne vous a fait part d’aucun projet au cours de votre dernière conversation ?

– Non, aucun. Si j’avais su ce qui allait se passer, ç’aurait été différent. Elle m’a téléphoné pour me demander à quel numéro de la rue Laugavegur se trouvait un salon de coiffure dont je lui avais parlé. Elle prévoyait d’y aller. C’est d’ailleurs pour cela que je n’ai jamais cru au suicide. Il n’y avait aucun signe qui aurait pu laisser penser une telle chose.

– Y avait-il une raison, une occasion particulière ?

– Pour qu’elle aille chez le coiffeur ? Non, je crois simplement qu’il était temps pour elle d’aller se faire couper les cheveux, répondit Beta.

– Et vous n’avez parlé de rien d’autre ?

– Non, en fait, non. Ensuite, je n’ai plus eu aucune nou-velle. Je la croyais partie dans le Nord, j’ai appelé chez elle deux ou trois fois, mais elle était absente, enfin, c’est ce que je croyais. En réalité, elle avait disparu. Ce n’est pas facile de s’imaginer ce qui a bien pu arriver. Pourquoi une jeune fille dans la fleur de l’âge comme elle devrait-elle disparaître de façon aussi inattendue et sans crier gare ? Qu’est-ce que ça peut bien signifier ? Comment est-ce possible de comprendre et d’accepter ça ?

– Elle n’avait jamais été en couple, vécu avec un garçon ou bien… ?

– Non, jamais, il lui restait toutes ces choses à découvrir.

– Où avait-elle l’habitude de se rendre quand elle partait en voiture ? Je sais que cette information est consignée dans nos dossiers, mais on ne pose jamais trop la question.

– Dans le Nord, évidemment. Parfois, la ville d’Akureyri lui manquait et elle y allait dès qu’elle en avait l’occasion. Elle parcourait également les environs de Reykjavik, la péninsule de Reykjanes, parfois elle allait à Selfoss ou bien à Hveragerdi pour s’acheter une glace, enfin, des choses habituelles. Vous savez aussi qu’elle se passionnait pour les lacs.