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– Vous allez vous servir de ce que je viens de vous dire à propos de cet accident ?

– Je ne vois aucune raison de déterrer cette histoire. Elle remonte à très longtemps. Maria et Leonora sont toutes les deux décédées.

Baldvin le raccompagna jusqu’à la porte. Erlendur était sur le trottoir quand il se retourna vers son hôte.

– Encore une petite chose, avez-vous une douche à Thingvellir ?

– Une douche ? répondit Baldvin, déconcerté.

– Oui, ou une baignoire ?

– Les deux. Nous avons une douche et un jacuzzi. Je suppose que vous vouliez parler d’un jacuzzi ? Nous l’avons installé sur la véranda. Pourquoi ?

– Simple question. Évidemment, un jacuzzi, c’est bien ce que je voulais dire. Tous les chalets d’été sont équipés de ce genre de truc, non ?

– Adieu.

– Oui, au revoir.

Les visions de Maria ne lui posaient plus de problème depuis un certain temps lorsque son père était apparu dans le jardin en lui criant qu’elle ne savait pas ce qu’elle faisait. Personne d’autre ne l’avait vu. Personne d’autre ne l’avait entendu. Il avait disparu aussi vite qu’il était venu et ensuite Maria n’avait plus perçu que les hurlements du vent et les claquements de la barrière. Elle était rentrée se mettre à l’abri, avait fermé la porte de la terrasse à clef, s’était réfugiée dans sa chambre où elle s’était enfoui la tête sous l’oreiller.

Cette voix s’était déjà adressée à elle lors de sa visite chez Andersen. Elle lui avait crié exactement les mêmes paroles de mise en garde, mais leur sens continuait de lui échapper, ainsi que la raison pour laquelle ces mots avaient été prononcés. Elle s’interrogeait sur le crédit qu’elle devait leur accorder.

Elle n’était pas encore endormie lorsque Baldvin rentra, tard dans la nuit. Ils avaient à nouveau parlé de la séance chez Magdalena que Maria lui avait déjà racontée. Elle lui décrivit les choses avec plus de précision, de même que ses réactions, elle lui avait dit qu’elle croyait tout ce qui était arrivé là-bas, elle voulait le croire. Elle voulait croire en l’existence d’une vie après celle-ci. Croire que notre passage sur terre n’était pas la fin de tout.

Allongé auprès d’elle, Baldvin l’écoutait en silence.

– Je t’ai déjà parlé d’une de mes connaissances qui était en fac de médecine : un certain Tryggvi ? avait-il demandé.

– Non, avait répondu Maria.

– Il voulait essayer de découvrir s’il y avait une autre vie après la mort. Il s’est fait assister de son cousin. Ce dernier était médecin et il avait lu une histoire qui parlait d’une tentative d’approche de la mort réalisée par des Français. On était tous en médecine. Il y avait aussi une fille avec nous. On a tenté cette expérience à quatre.

Maria avait écouté avec attention le récit de Baldvin sur la manière dont ils avaient provoqué la mort de Tryggvi avant de le ramener à la vie. Ça avait plutôt bien fonctionné. Mais Tryggvi n’avait rien eu à raconter sur son voyage.

– Qu’est-il devenu ? avait demandé Maria.

– Je n’en sais rien, avait répondu Baldvin. Je ne l’ai pas revu depuis.

Un long silence avait envahi la chambre du couple, où Leonora avait livré son combat contre la mort.

– Tu crois que… ?

Maria avait hésité.

– Quoi ? avait encouragé Baldvin.

– Tu crois que tu serais capable de tenter ce genre d’expérience ?

– C’est très possible.

– Tu pourrais le faire avec moi ? Pour moi ?

– Pour toi ?

– Oui, pour moi… J’ai lu beaucoup de choses sur les états proches de la mort.

– Je sais.

– Cette expérience est dangereuse ?

– Elle peut l’être, avait répondu Baldvin. Je n’ai pas l’intention de…

– On peut la faire ici ? À la maison ? avait demandé Maria.

– Maria…

– Le risque est important ?

– Maria, je ne peux pas…

– Le risque est important ?

– Ça… ça dépend de plusieurs choses. Tu y penses sérieusement ?

– Pourquoi pas ? avait-elle répondu. Qu’est-ce qu’on a à perdre ?

– Tu en es sûre ?

– Tu as refermé la barrière ?

– Oui, je l’ai refermée en rentrant.

– Il était effrayant, avait frissonné Maria. Terrifiant.

– Qui ça ?

– Mon père. Je sais qu’il se sent très mal. Il ne peut pas aller bien. Il n’aurait jamais dû partir comme ça. Il n’aurait pas dû mourir de cette façon. Ça n’aurait jamais dû arriver.

– De quoi est-ce que tu parles ?

– Dis-m’en un peu plus sur ce Tryggvi, avait éludé Maria. Qu’est-ce qui s’est passé exactement ? Comment on s’y prend ? De quoi on a besoin pour faire ce type d’expérience ?

27

Le dimanche, Erlendur avait appelé sa fille tôt dans la matinée en lui demandant si elle voulait venir se promener avec lui. Il avait envie de consacrer sa journée à explorer les lacs des environs de Reykjavik au volant de sa voiture. Il avait réveillé Eva Lind qui avait eu besoin d’un certain temps pour émerger. Cette dernière s’était montrée plutôt réticente, mais il n’avait pas renoncé. Elle ne devait pas avoir plus à faire que n’importe qui en ce dimanche. Et elle n’allait quand même pas à la messe. Finalement, elle avait cédé. Il avait également tenté de joindre Sindri Snaer, mais était tombé sur un message l’informant que le téléphone était éteint ou hors de sa zone de couverture. Quant à Valgerdur, elle travaillait tout le week-end.

En temps normal, il se serait offert cette promenade tout seul et l’aurait appréciée, mais cette fois-ci il désirait profiter de la compagnie d’Eva, il était à coup sûr fatigué de lui-même, comme elle n’avait pas tardé à le souligner au bout du fil. Il avait souri. Eva Lind était d’humeur plus légère que d’habitude, même si son idée de rapprocher Erlendur et Halldora n’avait mené nulle part et que son rêve d’instaurer des relations convenables entre ses deux parents semblait hors d’atteinte.

Ils n’avaient même pas abordé la question lorsqu’ils avaient quitté la ville. C’était une belle journée d’automne. Le soleil brillait, bas dans le ciel, au-dessus du massif de Blafjöll, le temps était froid et calme. Ils s’étaient arrêtés brièvement dans une station où Erlendur avait acheté des cigarettes et un pique-nique. Avant de quitter son domicile, il avait préparé du café dont il avait rempli un thermos. Il avait emporté une couverture dans le coffre de sa voiture et, en sortant du magasin, il s’était fait la réflexion que jamais auparavant il ne s’était offert de promenade dominicale avec Eva Lind.

Ils commencèrent par rayonner aux abords immédiats de la ville. Erlendur avait étudié des cartes précises des environs de Reykjavik et s’était étonné de constater la kyrielle de lacs, quasi innombrables, présents dans ce périmètre plutôt restreint. Ils étaient partis de celui d’Ellidavatn où on avait récemment construit un nouveau quartier, avaient fait le tour de Raudavatn sur une route en assez bon état, puis s’étaient rendus à Reynisvatn, que le nouveau quartier de Grafarholt cachait désormais au regard. De là, ils avaient poursuivi vers le lac de Langavatn, laissant de côté ceux qui parsèment la lande de Middalsheidi avant de s’engager sur Mosfellsheidi. Ils étaient allés voir le Leirvogsvatn, juste à côté de l’embranchement de Thingvellir, puis le Stiflidalsvatn et le Mjoavatn. Le jour était bien avancé lorsqu’ils étaient enfin descendus vers Thingvellir, ils avaient tourné en direction du nord, suivi le lac de Sandkluftavatn qui longeait la route sur la face nord du plateau de Hofmannaflöt en remontant vers la dorsale d’Uxahryggir pour déboucher dans la vallée de Lundarreykdalur. Ils s’étaient arrêtés sur les rives du Litla-Brunnavatn, juste à côté de la route de Biskupsbrekka.