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– Comment ça ? s’agaça Baldvin. Je viens de vous raconter tout ça en détail. Quand j’ai quitté Maria et que je l’ai laissée au chalet, elle était en vie.

– Je me rappelle ce que vous m’avez dit.

– Dans ce cas, que venez-vous faire ici ?

– Vous m’avez menti sur toute la ligne, répondit Erlendur, et je me suis demandé si vous deux vous n’alliez pas enfin vous décider à me raconter la vérité, histoire de changer un peu.

– Je ne vous ai pas menti, protesta Baldvin.

– Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il ne vous dit pas la vérité ? interrogea Karolina. Pourquoi donc pensez-vous que nous vous mentons ?

– Parce que vous êtes deux menteurs et que vous avez abusé Maria. Vous avez comploté ensemble, vous lui avez monté une vraie pièce de théâtre. Et même si Baldvin prétend avoir renoncé à votre projet au tout dernier moment, ça n’en reste pas moins un crime. Vous me mentez depuis le début.

– Vous divaguez complètement, dit Baldvin.

– Et comment vous comptez prouver ce que vous affirmez ? s’enquit Karolina.

Erlendur esquissa un vague sourire et regarda sa montre.

– J’en suis incapable, répondit-il.

– Dans ce cas, que voulez-vous ?

– Entendre la vérité de votre bouche.

– La vérité, je vous l’ai déjà donnée, répéta Baldvin. Je ne suis pas très fier de mes actes, mais je n’ai pas assassiné Maria. Je n’ai pas fait ça. Elle s’est suicidée après mon départ.

Sans dire un mot, Erlendur fixa longuement Baldvin qui lança un regard à Karolina.

– Je crois qu’au contraire, vous l’avez tuée, observa-t-il. Vous ne vous êtes pas contentés de la pousser au suicide. C’est vous qui l’avez assassinée en lui passant cette corde autour du cou. Ensuite, vous l’avez pendue à cette poutre.

Karolina s’était assise sur le canapé. Baldvin se tenait debout, à la porte de la cuisine.

– Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? demanda-t-il.

– Vous avez fabriqué un tissu de mensonges à l’intention de Maria et vous continuez à mentir. Je ne crois pas un mot de ce que vous me racontez.

– C’est votre problème ! lança Karolina.

– En effet, c’est mon problème, convint Erlendur.

– Vous ne savez pas…

– Je me demande comment vous arrivez à dormir la nuit.

Baldvin restait silencieux.

– De quoi rêvez-vous donc, Baldvin ?

– Fichez-lui la paix ! commanda Karolina. Il est innocent.

– Il m’a dit que c’est vous qui l’aviez poussé dans cette voie, répondit Erlendur en la regardant. Que tout ça, c’était votre faute. J’ai eu l’impression qu’il vous mettait tout sur le dos.

– Il ment ! s’alarma Baldvin.

– Il m’a dit que c’est vous qui aviez manigancé cette histoire du début à la fin.

– Ne l’écoute pas !

– Calme-toi, conseilla Karolina, je vois parfaitement clair dans son jeu.

– Dois-je comprendre que c’était Baldvin qui était le plus déterminé ? interrogea Erlendur.

– C’est inutile, vous n’arriverez à rien, répondit Karolina. Baldvin peut bien raconter ce qu’il veut.

– Oui, évidemment, fit Erlendur. Je me demande s’il faut croire un seul mot sortant de sa bouche. Que ce soit à son sujet, le vôtre ou celui de Maria.

– Ce que vous croyez, c’est votre affaire, rétorqua Karolina.

– Vous êtes deux acteurs, observa Erlendur. Tous les deux. Et vous avez joué un rôle pour Maria. Vous avez écrit une pièce, choisi les décors. Elle ne soupçonnait rien. À moins qu’elle n’ait compris quelque chose concernant le défibrillateur.

– Le défibrillateur ? s’étonna Karolina.

– Il était là pour meubler un peu le décor, précisa Erlendur. C’était, comment dire, un accessoire qui n’était pas censé fonctionner et n’était absolument pas destiné à garantir sa sécurité. Cet appareil n’avait pas pour fonction de sauver la vie de Maria. Ce n’était qu’un objet placé sur la scène que vous aviez montée pour une seule spectatrice : elle.

Karolina et Baldvin échangèrent un bref regard, puis Baldvin baissa les yeux à terre.

– Cet appareil est hors d’état, souligna Erlendur. Voilà pourquoi il devait aller le chercher au chalet. Il s’en est servi pour duper Maria. Ce défibrillateur factice était la preuve de son sérieux, la preuve qu’il se souciait de la sécurité de Maria.

– Qu’est-ce que vous croyez donc savoir ? demanda Baldvin.

– Ce que je crois savoir ? Que vous l’avez assassinée. Vous aviez besoin de l’argent auquel elle était la seule à avoir accès, sauf si elle mourait avant vous. Vous aviez une relation avec Karolina et ne vouliez pas qu’elle l’apprenne ; vous ne pouviez songer à divorcer à cause de cet argent. Mais vous vouliez garder Karolina. J’imagine aussi que la cohabitation avec Maria devait être fatigante à long terme. Sa mère était toujours là et, même après sa disparition, elle restait omniprésente dans cette maison. Maria pensait constamment à elle. Je suppose qu’elle ne vous intéressait plus depuis longtemps et qu’elle était devenue un obstacle. Pour vous et votre liaison.

– Vous êtes à même de prouver ce tissu d’âneries ? lança Karolina.

– Étiez-vous ici le soir où nous sommes venus informer Baldvin du décès de Maria ?

Elle hésita un instant avant de répondre d’un hochement de tête.

– J’ai cru voir le rideau du salon bouger quand je suis sorti de l’impasse.

– Tu n’aurais jamais dû venir, reprocha Baldvin.

– Alors, que s’est-il passé au chalet ? insista Erlendur.

– Ce que je vous ai raconté, s’entêta Baldvin. Rien de plus.

– Et le défibrillateur ?

– C’était pour la rassurer.

– J’imagine que la majeure partie de ce que vous m’avez dit concernant la manière dont vous l’avez plongée en état de mort temporaire est vraie. Et je suppose qu’elle s’est effectivement prêtée à l’expérience de son plein gré. Je présume en revanche que votre version à partir du moment où elle est tombée inconsciente dans le jacuzzi n’est que mensonge.

Baldvin ne lui répondit pas.

– Quelque chose a déraillé et vous avez cru bon de mettre en scène un suicide, poursuivit Erlendur. Il aurait été plus confortable qu’elle meure comme vous le vouliez, conformément à votre plan parfaitement préparé, si seulement elle avait pu décéder dans ce bassin d’eau glacée. Mais ça n’a pas été le cas, n’est-ce pas ?

Baldvin continuait de le fixer en silence.

– Vous avez échoué, reprit Erlendur. Elle s’est réveillée de son profond coma. Probablement l’aviez-vous sortie de l’eau à ce moment-là et vous vous apprêtiez à la coucher dans le lit. Vous aviez provoqué chez elle un arrêt cardiaque. Personne n’aurait soupçonné quoi que ce soit. L’autopsie conclurait à un banal arrêt du cœur. Vous êtes médecin, vous le saviez. Vous vous en tireriez sans problème. Maria avait mordu à l’hameçon. Tout ce qu’il vous restait à faire, c’était de trahir sa confiance. De trahir la confiance d’une innocente qui se trouvait depuis longtemps au bord du désespoir. Ce n’est pas très chevaleresque, d’ailleurs vous n’avez rien d’un héros.

Karolina baissait les yeux.

– Peut-être l’aviez vous déjà mise au lit. Vous vouliez prendre son pouls une dernière fois avant de rentrer à toute vitesse en ville. Vous avez téléphoné chez vous et votre maîtresse a répondu. Vous vouliez faire croire que c’était Maria qui avait appelé. Vous l’avez examinée une dernière fois et, à votre grande horreur, elle était encore en vie. Elle n’était pas morte. Le cœur battait lentement, mais il battait. Elle s’était remise à respirer. Elle risquait de se réveiller.

Karolina fixait Erlendur sans dire un mot.

– Peut-être qu’elle s’est réveillée. Peut-être qu’elle a ouvert les yeux, comme vous me l’avez dit, peut-être qu’elle revenait d’un autre monde où elle a peut-être vu quelque chose, même s’il est plus probable qu’elle n’ait rien vu du tout. Peut-être qu’elle vous a rapporté quelque chose de son expérience, mais vous lui avez laissé très peu de temps pour le faire. De plus, elle était épuisée.