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Le cirque avait dûment été préparé et ils n'avaient pas lésiné sur les moyens pour réaliser cet événement dans les moindres détails propres aux grandes fêtes romaines.

Pendant que tout le monde prenait congé du sénateur et de sa fille dans une profusion de joie mondaine, après avoir tendrement embrassé sa compagne, Pline Sévérus s'adressa à Publius en ces termes :

Mon père, en raison des circonstances, je dois accompagner le questeur aux festivités populaires, mais je serai de retour dans quelques heures et je resterai auprès de vous pendant un mois afin de préparer notre départ pour Rome.

Très bien, mon fils - lui répondit le sénateur plus serein -, accompagne nos amis et représente-moi auprès des autorités. Transmets à tout le monde mon émotion et mes sincères remerciements.

A nouveau seul, le sénateur eut la sensation que ces douces et joyeuses émotions étaient peut-être les dernières de sa vie. Dans sa vieille poitrine, son cœur battait fortement, comme si un lourd nuage de sombres pensées l'enveloppait. Oui, le retour de Pline à ses bras paternels était la joie suprême de sa désolante vieillesse. Il savait maintenant que sa fille pourrait compter sur son époux sur la route de sa destinée tourmentée et qu'à lui, Publius, il ne lui restait plus qu'à attendre la mort avec résignation. En réfléchissant aux paroles affectueuses du fils de Flaminius et se remémorant le lointain passé, Publius Lentulus se dit qu'il était trop tard pour regagner l'Aventin et que son retour à Rome devait uniquement signifier pour son esprit réprouvé le symbole de sa sépulture.

En plein spectacle, Pline Sévérus, déjà à l'automne de sa vie, faisait des projets d'avenir. Il chercherait à racheter toutes ses fautes du passé envers ses chers et tendres parents ; il assumerait la direction de toutes les affaires du vieux père de son cœur en le déchargeant de toutes les angoissantes préoccupations de la vie matérielle.

De temps en temps, les applaudissements de la foule interrompaient ses pensées. La majeure partie de la population de Pompéi était là en grande fête, ovationnant les triomphateurs. Des gens de tous les alentours et plus particulièrement d'Herculanum étaient accourus, empressés d'assister au divertissement favori de ces temps reculés. Des musiciens, des chanteurs et des danseurs se trouvaient parmi les athlètes et les gladiateurs. Tout n'était que bruissement de soie dans un délicieux tintamarre de joies retentissantes au son des flûtes et des luths.

Toutefois, à un moment donné, l'attention générale fut attirée par un fait étrange et incompréhensible. Du sommet du Vésuve s'éleva une épaisse pyramide de fumée, sans que personne ne comprenne la cause de ce phénomène insolite.

Néanmoins, les jeux se poursuivirent avec animation. Mais bientôt, au centre de la colonne fumante qui s'élevait en de capricieuses spirales ascendantes, surgirent des flammes impressionnantes...

Comme tous ceux qui étaient présents, Pline Sévérus fut surpris par ce phénomène étrange et inexplicable.

En quelques minutes, la confusion et la terreur s'installèrent dans l'amphithéâtre.

Au beau milieu de ce soudain affolement général, le fils de Flaminius qui eut encore le temps de s'approcher du questeur, alors entouré de ses parents qui résidaient en ville, lui dit feignant l'optimisme, réussissant à peine à dissimuler ses profondes inquiétudes :

Mon ami, gardons notre calme ! Par la barbe de Jupiter !... Eh bien, où sont notre courage et notre fibre ?

Mais quelques instants plus tard, des vibrations sourdes et inconnues faisaient trembler la terre sous leurs pieds. Quelques colonnes tombèrent lourdement sur le sol tandis que de nombreuses statues roulaient de leurs niches improvisées recouvertes d'or et de pierreries.

Etreignant alors sa fille et entouré de nombreuses dames, le magistrat fit extrêmement

inquiet:

- Pline, rejoignons les galères, sans plus attendre !...

Mais, l'officier romain n'entendit plus ses appels. Pris d'anxiété, il céda à l'impulsion de fendre la cohue qui cherchait à fuir en niasse le cirque piétinant les enfants et les personnes âgées.

Au terme d'un effort surhumain, il parvint à atteindre la rue mais de toutes parts les gens étaient pris de panique et fuyaient leur maison en criant « au feu, au feu!... le Vésuve... ».

Pline remarqua que toutes les voies publiques étaient pleines de gens désespérés, de véhicules et d'animaux terrifiés.

Avec beaucoup de difficultés, il surmonta tous les obstacles mais le Vésuve crachait à présent vers le ciel, un brasier indescriptible et immense comme si la terre avait incendié ses entrailles les plus profondes.

Une pluie de cendres, presque imperceptible au début, se mit à tomber, tandis que le sol continuait à trembler avec des bruits sourds, effrayants.

De temps à autre, on entendait le grondement terrifiant de colonnes qui s'effondraient ou d'édifices qui s'écroulaient sous les secousses sismiques, en même temps que la fumée du volcan éclipsait petit à petit la réconfortante clarté solaire.

Plongée dans une pénombre épaisse et pris d'une indicible terreur, Pompéi assistait à ses derniers instants dans une affliction désespérée (18)...

(18) Ce passage éveille l'intérêt et l'attention du lecteur curieux et éclairé par la similitude qu'offre cette description avec un autre roman

A la villa des Lentulus, les esclaves comprirent immédiatement le danger qui approchait. Dans les premiers instants, les chevaux s'étaient mis à hennir étrangement et les oiseaux effrayés fuyaient désespérément.

Après la chute des premières colonnes qui soutenaient l'édifice, tous les serviteurs du sénateur abandonnèrent précipitamment leur poste, désireux de sauver leur vie. Seule Anne resta auprès de ses maîtres, les informant des horreurs environnantes.

Tous trois, pris d'une inquiétude bien justifiée, écoutaient la rumeur horrible de l'inoubliable catastrophe de l'Empire. La villa était déjà à moitié détruite, les cendres pénétraient par les mansardes ouvertes par la chute des toitures et commençaient leur œuvre de lente suffocation. Tous attendaient anxieusement le retour immédiat de Pline afin de décider des mesures à prendre, mais le vieux sénateur dont le cœur ne se laissait pas abuser par ses amers pressentiments s'exclama sur un ton presque résigné :