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Dès l'instant où il l'avait vue dans sa robe de mariée, l'heureux jour de ses noces, il semblait avoir découvert la créature idéale de ses rêves les plus profonds et les plus lointains.

En réalité, les fils de ses anciens maîtres méritaient son respect et toute sa considération ; mais une force supérieure à tous ses sentiments de gratitude le poussait à vouloir posséder Flavia Lentulia, à tout prix, et cela même à celui de sa propre vie.

Ces beaux yeux rêveurs, sa grâce aimante et spontanée, son intelligence lucide et délicate, toutes ses qualités physiques et spirituelles qu'il avait subtilement observées durant les quelques jours de son séjour en ville, l'autorisaient à croire que cette femme était bien celle de ses rêves.

Et c'est plongé dans le tourbillon de ses sombres pensées que deux mois s'écoulèrent dans l'attente inavouable et angoissante, sans qu'il perde la moindre occasion de démontrer à Flavia l'intensité de son affection, de son admiration et de son estime sous le regard amical et confiant de Pline.

Dans la solitude de ses inquiétudes profondes, Saul se disait que, si elle l'aimait et si elle répondait à la passion violente de son esprit impétueux et égoïste, il oublierait à jamais d'exercer la vengeance qu'il planifiait sur le cœur de son père en allant chercher le jeune Marcus Lentulus et en le ramenant à son foyer, effaçant ainsi son passé de visions ténébreuses. Néanmoins, si le contraire se produisait, il exécuterait ses projets diaboliques en se laissant enivrer par le vin haineux de la mort.

À cette époque, l'année 47 suivait son cours, et FuMa et sa fille se trouvaient, à nouveau, sous l'emprise de sentiments cruels et funestes.

En vain, Aurélia avait épousé Emilien Lucius qui ne correspondait en rien au type d'homme que son tempérament supposait avoir trouvé en Pline.

Et ce fut ainsi qu'après les premiers désenchantements et les premières disputes dans l'ambiance domestique, sur les conseils de sa mère et en sa compagnie, elle chercha à recourir aux sciences étranges d'Arax, célèbre sorcier égyptien, qui avait une boutique de produits exotiques à proximité de l'Esquilin.

Tout le monde connaissait le commerce criminel d'Arax avec ses sources inépuisables de filtres miraculeux d'amour, d'infirmité et de mort, c'était un initié de l'ancienne Egypte, dévié néanmoins de la mission sacrosainte de la charité et de la paix dans sa violente passion pour l'argent de sa nombreuse clientèle romaine pleine à l'excès de vices tapageurs, œuvrant ainsi à la dissolution des coutumes les plus belles et les plus sacrées de l'institution familiale.

Explorant ses passions inférieures et ses habitudes vicieuses, le mage égyptien employait presque toute sa science spirituelle à l'exécution de tous les maléfices et de tous les crimes, provoquant d'énormes préjudices avec ses drogues toxiques et ses étranges conseils.

Discrètement sollicité par Fulvia et par sa fille, il fut informé des raisons de leur visite et à cet endroit même au milieu de grandes cornues, de sachets de plantes et de substances diverses, il prit sa tête dans ses mains, comme si son esprit pénétrait les moindres secrets du monde invisible devant un trépied de Delphes et bien d'autres ustensiles de sciences occultes avec lesquels, en grand psychologue, il cherchait à impressionner l'esprit influençable des nombreux consultants qui venaient trouver une solution aux problèmes de leur vie.

Au bout de longues minutes de concentration, les yeux brillant étrangement, le mage égyptien s'adressa à Aurélia, en lui affirmant avec ces mots impressionnants :

Madame, je vois devant moi les sombres tableaux de votre vie spirituelle dans un lointain passé!... Je vois Delphes, aux jours glorieux de son oracle et je contemple votre personne qui cherche à séduire un homme qui ne vous appartenait pas... Cet homme est le même aujourd'hui... Les mêmes âmes déambulent à présent dans d'autres corps et vous devez penser à la réalité des jours qui passent, en vous résignant à l'évidente séparation des lignes du destin !...

Aurélia l'écoutait à la fois surprise et effrayée, tandis que l'esprit astucieux de sa mère suivait cet entretien, touchée d'une impression indéfinissable.

Que me dites-vous? - répliqua la jeune femme au comble de sa sensibilité blessée. - D'autres vies ? Un homme qui ne m'appartenait pas ?... Mais qu'est-ce que tout cela veut dire?

Oui, notre esprit, en ce monde - rétorqua le sorcier avec une sérénité imperturbable -, vit une longue série d'existences qui enrichissent notre âme des plus grandes connaissances sur les devoirs qui nous incombent dans la vie !

Madame, vous avez déjà vécu à Athènes et à Delphes, pendant une longue période de profondes erreurs en matière d'amour, et vous sentant aujourd'hui proche de l'objet de vos ardentes passions coupables d'autrefois, vous pensez pouvoir à nouveau satisfaire vos désirs violents et indignes !...

De nombreuses créatures sont déjà passées par ici. À beaucoup d'entre elles, j'ai conseillé la persévérance dans leurs projets parfois injustifiables et médiocres ; mais dans votre cas, une voix parle plus fort à ma conscience. Si votre inconscience en arrive à provoquer cet homme honnête jusqu'à présent, il est possible que son cœur qui est aussi inquiet en vienne à répondre à vos caprices ; néanmoins, cherchez à ne pas vous livrer au dérèglement de cette provocation, car le destin l'a uni, à présent, à l'âme sœur qui est la sienne et un rude chemin d'amères épreuves l'attend à l'avenir pour consolider leur confiance mutuelle, leur affection et leur grandeur spirituelle !... Ne vous interposez pas sur le chemin de cette femme considérée par votre esprit comme une puissante rivale !... S'interposer entre elle et son époux serait aggraver vos propres peines, car en vérité votre cœur n'est pas prêt aux grands renoncements sanctifiants, et ce que vous supposez être un profond et sublime amour, n'est qu'un funeste caprice de votre cœur de femme obstinée et peu disposée à se sacrifier pour l'affection d'un compagnon aimant et loyal, mais plutôt à multiplier les amants par purs désirs artificiels...

Aurélia était livide en entendant ces paroles qu'elle considérait intrépides et offensantes.

Elle aurait voulu se défendre, mais une force puissante semblait comprimer sa gorge, annulant les efforts de ses cordes vocales.

Fulvia, néanmoins, prise de rancœur pour les expressions insultantes de cet homme, prit la défense de sa fille en l'accusant énergiquement :

Arax, sorcier impudent, que veux-tu dire par là ? Nous insultes-tu ? Nous pourrions faire tomber sur ta tête le poids de la justice de l'Empire en te faisant jeter en prison et en révélant à la société tes sinistres secrets !...

Et n'en n'auriez-vous pas aussi par hasard, noble dame ? - rétorqua-t-il imperturbable - ; seriez-vous sans faute pour ne pas hésiter à me condamner ?

Tremblante de haine, Fulvia se mordit les lèvres et s'exclama furieuse :

Tais-toi, infâme ! Ne sais-tu pas que tu as devant les yeux la femme d'un préteur ?

On ne dirait pas - murmura le sorcier avec une sereine ironie -, en effet les nobles matrones de cette lignée ne viendraient pas ici solliciter ma coopération pour commettre un crime... Et que dirait-on à Rome d'une patricienne qui se rabaisserait au point de venir voir, en cachette, un vieux sorcier de l'Esquilin ?

Il est vrai que j'ai beaucoup pratiqué le mal dans ma vie, mais tout le monde sait que je procède de la sorte et que je ne cherche pas l'ombre des bonnes situations sociales pour couvrir la laideur de mon existence misérable !... Même ainsi, je veux sauver la jeunesse de ta fille du sombre chemin de tes perversités, car dans l'hypothèse où elle suivrait tes intrigues de vipère en prenant la voie d'une épouse criminelle et infidèle, elle finira dans la prostitution et le malheur, foudroyée par la mort ignominieuse à la pointe d'une épée...