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Fulvia aurait voulu répondre énergiquement aux insultes d'Arax en réfutant ces expressions injurieuses reçues comme une audace suprême, mais Aurélia, craignant de nouvelles complications et comprenant la culpabilité de sa mère, lui prit le bras, et toutes deux se retirèrent silencieusement sous le regard moqueur du vieil Égyptien qui s'était remis à empiler des sachets de plantes entre de nombreux vases remplis de substances étranges.

Mais il ne put que consacrer peu de temps à sa besogne solitaire et silencieuse.

Deux heures plus tard, un nouveau personnage frappait à sa porte.

Arax fut surpris en voyant ce juif sournois qui venait le voir. L'éclat de ses yeux, son nez caractéristique, l'harmonie de ses traits israélites, faisaient de cet homme, encore jeune, un personnage singulier et évocateur.

C'était Saul qui faisait appel aux mêmes méthodes mystérieuses, anxieux de posséder, à tout prix, l'épouse de Pline, en venant trouver le talisman ou l'élixir miraculeux du sorcier qui servirait ses néfastes desseins.

Reçu dans les mêmes circonstances que le furent les deux personnes précédentes, Saul exposa au devin ses tortures sentimentales à l'égard de cette femme honnête et digne.

Après l'habituelle concentration, près du trépied de Delphes où il faisait ses oraisons coutumières, Arax esquissa un léger sourire discret, comme s'il avait trouvé une étrange coïncidence de plus à ses grandes études de la psychologie humaine. Son hésitation, toutefois, ne dura qu'un instant car rapidement, il fit entendre une voix posée et sombre :

Juif ! - dit-il austèrement - loue le Dieu de tes croyances car ta face fut érigée de la poussière par les mains de l'homme qu'aujourd'hui tu t'engages à trahir... Les lois sévères de ta patrie ordonnent que tu n'en viennes pas à désirer, ni même par la pensée, la femme de ton prochain et encore moins la compagne dévouée et fidèle de l'un de tes plus grands bienfaiteurs.

Fais un pas en arrière sur ton triste et malheureux chemin ! Il fut un temps où ton Esprit vécut dans le corps d'un prêtre d'Apollon, au temple glorieux de Delphes... Tu persécutas alors une jeune femme des ministères sacrés, la conduisant à la misère et à la mort par tes égarements infâmes et déplorables. N'ose pas, à présent, l'arracher aux bras destinés à son soutien et à sa protection sur la face de ce monde !... Ne t'immisce pas dans le destin de deux créatures que les forces du ciel ont faites l'une pour l'autre !...

Le jeune juif, néanmoins, bien qu'impressionné par cette exhortation incisive, ne suivit pas l'orientation violente prise par les deux femmes qui le précédèrent lors de leur mystérieuse visite.

Il arracha une bourse pleine de pièces et la caressa des mains comme pour exciter la cupidité du devin, puis s'exclama d'une voix presque suppliante :

Arax, j'ai de l'or... beaucoup d'or et je te donnerai ce que tu voudras pour l'aide précieuse de ta science... Par amour pour tes dieux, obtiens-moi la sympathie de cette femme et je te récompenserai généreusement pour l'excellence de tes efforts...

Une lueur de sentiments étranges illumina le regard du mage égyptien en contemplant cette grosse bourse reluisante d'or et comme s'il la désirait vivement, il murmura avec plus de délicatesse :

Mon ami, tu n'es pas le seul à convoiter cette femme et je pense que tu devrais contribuer à ce qu'elle ne s'éloigne pas de la compagnie de son mari !...

Mais alors, il existe encore un autre homme ?

Oui, les signes du destin me révèlent que cette créature est aussi désirée par le frère de son époux.

Saul fit un geste d'irritation, amèrement tourmenté dans un élan de jalousie et murmura entre ses dents :

Ah ! Oui... je comprends mieux maintenant le voyage précipité d'Agrippa pour Avenio !...

Et haussant la voix comme s'il jouait la dernière carte de son ambition, il dit avec anxiété :

Arax, je te le demande encore une fois !... Fais tout ce que tu peux !... je te payerai royalement !...

Le front du mage se plissa à nouveau dans une attitude de profonde réflexion, comme si son esprit cherchait dans l'invisible quelques forces ténébreuses propices à ses funestes desseins.

Au bout de quelques minutes, il lui fit sur un ton bienveillant et amical :

Il semblerait qu'il y ait une occasion opportune à ton affection, d'ici quelque temps!...

Le jeune juif l'écoutait dans une angoissante expectative tandis que les affirmations continuaient :

Les signes de la destinée disent que pour consolider leur profonde affection, leur confiance réciproque et leur progrès spirituel, les deux conjoints sont destinés à de tristes épreuves d'ici quelques années ! Il se passera quelque chose que je ne peux préciser dans leur propre foyer qui les séparera. Je sais uniquement qu'ils vivront tous deux une longue période d'ascétisme et de pénible abnégation dans le contexte sacré de la famille... À cette occasion, peut-être, pourras-tu mon ami révéler cet amour ardemment convoité !...

Il se passera quelque chose alors? - demanda Saul, curieux et affligé dans ses questionnements sur ce sujet transcendant - mais que se produira-t-il qui les séparera au sein de leur foyer ?

Moi même je ne saurais le dire...

Et chacun d'eux sera contraint à un ascétisme fidèle et à un dévouement absolu ?

Le déterminisme de la destinée veut qu'il en soit ainsi, mais le mari ou sa compagne peut interférer dans ces épreuves en contractant une nouvelle dette morale ou en rachetant son douloureux passé avec les valeurs morales nécessaires aux souffrances en usant dans le déterminisme des épreuves purificatrices de sa bonne ou de sa mauvaise volonté...

Sache que les tendances humaines tendent plus vers le mal, rendant tes prétentions possibles à ce moment-là.

Et combien de temps devrai-je attendre pour que cela arrive ? - demanda l'affranchi profondément inquiet.

Quelques années.

Et tout effort avant cela serait inutile?

Parfaitement inutile. Je sais que mon noble client a de nombreux intérêts dans une cité lointaine et il serait juste que, pendant cet intervalle, il veille à ses affaires matérielles.

Saul fixa longuement cet homme qui semblait connaître les plus profonds secrets de sa vie alors qu'il passait ces commentaires au crible de sa conscience.

Il lui donna la bourse pleine, le remercia de son attention et lui promit de revenir en temps opportun.

Quelques jours plus tard à la veille de ses adieux, le jeune Juif profita de quelques minutes de pure et simple intimité avec la jeune Flavia pour lui adresser la parole en ces termes :

Noble dame - commença-t-il d'une voix presque timide mais avec la même lueur étrange de sentiments Inférieurs dans les yeux -, j'ignore les raisons qui me poussent à vous faire cette révélation, mais le fait est que je pars pour Massilia en gardant votre image au plus profond de ma pensée !...

Seigneur - lui fit Flavia Lentulia, en rougissant, contrariée -, je ne dois vivre en pensée qu'avec celui dont les dieux ont illuminé ma destinée !...

Noble Flavia - riposta le Juif subtilement, percevant que ce coup porté était prématuré et inopportun -, mon admiration ne se rattache pas à des sentiments indignes. Pour moi, vous êtes doublement respectable, non seulement par votre haute condition de patricienne, mais aussi pour être la compagne d'un des plus grands bienfaiteurs de ma vie.

N'ayez crainte quant à mes propos car dans mon cœur seul existe l'intérêt le plus loyal pour votre bonheur auprès du digne époux que vous avez choisi.

Je ressens pour vous ce qu'un esclave doit ressentir pour une bienfaitrice de son existence, car dans nia triste condition d'affranchi, je ne peux présenter à votre générosité les lettres de créance d'un frère qui vous vénère et vous estime beaucoup.