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Là, dans le silence des grands rochers dans des cavernes abandonnées par le temps, on entendait des voix profondes et édifiantes qui commentaient l'Évangile du Seigneur ou louaient les sublimités de son royaume, au-dessus de tous les pouvoirs précaires de la perversité humaine.

Des torches étincelantes illuminaient ces abris souterrains que la végétation protégeait, tandis que des portes en pierre laissaient une impression d'angoisse, de tristesse et de suprême abandon.

Chaque fois qu'un pèlerin plus dévoué arrivait en ville, le même avertissement était fait à tous les convertis.

Le signe de la croix, sous n'importe quelle forme, était le mot de passe silencieux entre frères de croyance ; fait d'une manière particulière, il signifiait un avertissement dont le sens était immédiatement compris.

Au travers de ces communications incessantes, Anne était au courant de tout ce qui se passait dans les catacombes et informait sa maîtresse de tous les faits survenus à Rome concernant la doctrine rédemptrice du Crucifié.

C'est ainsi que lorsqu'on annonçait l'arrivée d'un apôtre venu de Galilée ou des régions frontalières, Livia faisait en sorte de s'y rendre accompagnée de sa dévouée et fidèle servante. Elle faisait le chemin à pied, bien que portant à présent des habits de patricienne, conformément à l'autorisation de son mari pour professer librement ses croyances. Elle savait que pour la société son attitude représentait un grave danger, mais le sacrifice de Siméon avait été un signe de lumière qui éclairait sa destinée sur terre. Elle avait acquis du courage, de la sérénité, de la résignation et une certaine connaissance d'elle-même pour ne jamais tergiverser au détriment de sa foi ardente et pure. Si ses anciennes relations amicales à Rome attribuaient sa transformation profonde à la démence ; si son mari ne la comprenait pas et si Calpurnia et Pline creusaient encore davantage le grand abîme que Publius avait ouvert entre elle et sa fille, son esprit trouvait dans la croyance un chemin divin pour fuir toutes les amertumes sur terre, sentant que le Divin Maître de Nazareth apaisait les ulcères de son âme et s'apitoyait sur son cœur déchiré par l'angoisse. Sa foi était comme une torche lumineuse qui illuminait la pénible route sur laquelle rayonnaient les lueurs de la confiance humaine en la providence divine qui transforme les douloureuses épreuves de la terre en avant-goût des joies infinies de l'éternité.

TRAGÉDIES ET ESPOIRS

La vie quotidienne est toujours prosaïque, sans fantaisie ni rêves.

Ainsi s'écoulait l'existence des personnages de ce livre, dans la toile vivante des réalités nues et pénibles dans leur environnement sur terre.

Ceux qui atteignent certaines positions sociales, tout comme ceux qui s'approchent du crépuscule de la vie fragmentaire de la terre, ont peu de choses à raconter sur les jours qui passent.

Il est une période dans l'existence de l'homme où il lui semble ne plus avoir la force psychique nécessaire à son Coeur pour renouveler ses rêves et ses aspirations premières, se figurant ainsi que sa situation spirituelle est cristallisée ou stationnaire. Au fond de lui, il n'y a plus de place pour de nouvelles illusions ou pour faire refleurir de vieilles espérances, et l'âme, comme dans une pénible période d'expectatives et de silence forcé, tombe en chemin et contemple ce qui passe, prisonnière de la routine, des semaines monotones et anodines.

À présent, en l'an 57, la vie des acteurs de ce malheureux drame se présente presque invariablement dans la répétition sans fin de ces épisodes ordinaires et angoissants.

Seul un grand changement eut lieu chez Calpurnia.

Dans la radieuse expression de sa vitalité physique, Pline Sévérus avait déjà reçu les plus grandes distinctions de la part des organisations militaires qui garantissaient la stabilité de l'Empire. De longs séjours périodiques en Gaule et en Espagne lui avaient valu de prestigieuses décorations, mais en son for intérieur, la vanité et l'orgueil avalent intensément proliféré, malgré la générosité de son cœur.

Les premières âpres jalousies de son épouse furent suivies de conséquences néfastes et regrettables.

Aux projets criminels de Saul étaient venues s'ajouter les confidences perfides de ses amies sournoises, et Flavia Lentulia, loin de jouir du bonheur conjugal auquel elle avait droit par ses qualités élevées de cœur, était tombée sans s'en rendre compte, vu sa jalousie démesurée, dans les ténébreux abîmes de la souffrance et des épreuves.

Pour un homme tel que Pline, il était bien plus facile de substituer le milieu familial à celui des festivités bruyantes du cirque en compagnie de femmes de joie qui ne manquaient pas en tous lieux dans la métropole du péché.

Rapidement, l'amour de son épouse fut remplacé par l'affection superficielle de nombreuses maîtresses.

En vain, Calpurnia chercha à intercéder avec ses bons offices en lui donnant des conseils plein d'affection, mais la jeune épouse de l'officier romain persévérait dans son martyre constant et silencieux.

Les rares plaintes de Flavia étaient gardées pour le cœur généreux de la mère de son mari ou bien confiées à son père lors de confidences amères et pénibles.

Comprenant l'importance de la coopération féminine dans la régénération des coutumes et dans la revalorisation du foyer et de la famille, Publius Lentulus Incitait sa fille à la plus grande résignation et à la tolérance, en lui faisant comprendre que la femme d'un homme est l'honneur de son nom et l'aliment de sa vie et que, pendant qu'un mari se pervertit pris dans le tourbillon des passions effrénées, raillant tous les dons de la vie, il suffit parfois d'une larme de son épouse pour que la paix conjugale revienne à briller dans le ciel sans nuages de l'affection pure et réciproque.

Pour l'esprit de Flavia, la parole paternelle avait un fond de réalité indéniable et elle cherchait à s'appuyer sur ses promesses et sur ses conseils, jugés précieux, en attendant que son mari revienne un jour à son amour parmi les bénédictions du chemin.

Pendant ce temps, Pline Sévérus dépensait au jeu et aux plaisirs une véritable fortune. Sa prodigalité avec les femmes était devenue légendaire dans les lieux les plus élégants de la cité, et il revenait de temps à autres dans sa famille où, d'ailleurs, tout était fait pour éclairer tendrement son esprit dévié du droit chemin.

La mort du vieux préteur Salvius Lentulus, peu avant l'an 50, avait contraint la famille de Publius et les proches de Flaminius aux protocoles sociaux auprès de Fulvia et de sa fille, à l'occasion des hommages prêtés aux cendres du défunt qui, enveloppé du mystère de sa passivité résignée et incompréhensible, avait quitté le monde.

Cette occasion avait suffi pour qu'Aurélia en profite. Un regard, une rencontre, une parole et le fils cadet de Flaminius, passionné par les beautés coupables, renoua les liens affectifs qu'un amour sanctifié et pur avait rompu auparavant.

Bientôt, tous deux étaient remarqués dans les théâtres, dans les cirques ou lors des grands rassemblements sportifs de l'époque avec des regards significatifs dans les yeux.

De toutes ces douleurs, Flavia Lentulia en fit un calvaire d'agonies silencieuses dans le foyer que sa fidélité honorait. Dans ses méditations silencieuses, combien de fois avait-elle regretté ses altercations du passé pleines d'une jalousie injustifiable qui avaient ouvert la première porte aux déviations de son mari des devoirs sacrés de la famille. Mais dans son orgueil de patricienne, elle se disait qu'il était trop tard pour s'en repentir et qu'au fond son unique recours était d'attendre le retour de son mari à son cœur fidèle et dévoué en toute humilité et avec beaucoup de patience. Dans ses moments de chagrin, elle écrivait des pages amères et lumineuses qui traduisaient des pensées élevées, tantôt implorant la pitié des dieux dans de ferventes suppliques, tantôt décrivant ses angoisses personnelles dans des vers émouvants que seul lisait son père qui, pleurant d'émotion, se demandait souvent si la malchance conjugale de sa pauvre fille n'était pas aussi un héritage singulier et malheureux.