« Âme sœur de mon être,
Fleur de lumière de ma vie,
Sublime étoile tombée
Des beautés de l'immensité !...
Quand j'errais de par le monde,
Triste et seul sur mon chemin,
Tu es arrivée tout doucement,
Et tu as rempli mon cœur.
Envoyée par la bénédiction des dieux,
Dans la divine clarté,
Pour tisser ma félicité,
Avec des sourires de splendeur !...
Tu es mon trésor infini,
Je te jure mon éternelle alliance,
Parce que je suis ton espérance,
Comme tu es tout mon amour ! Âme sœur de mon être,
Si je te perds un j our,
Je serai l'obscure agonie
De la nostalgie dans ses voiles...
Si un jour tu m'abandonnes,
Tendre lumière de mes amours,
Je t'attendrai parmi les fleurs
De la clarté des cieux... »
Quelques minutes plus tard, la voix harmonieuse se tut comme contrainte par une divine immobilité. Le sénateur se retira alors, les yeux pleins de larmes, se disant à lui- même : - « Oui, Livia, dans deux jours je te prouverai que tu as toujours été la lumière de ma vie... J'embrasserai tes pieds avec mon humilité reconnaissante et je saurai verser dans ton cœur le parfum de mon repentir... »
Dans son appartement, après avoir déposé sur un meuble favori la lyre de ses souvenirs, Livia s'agenouilla comme toujours devant la croix de Siméon qui, ce jour-là, montrait à ses yeux spirituels une clarté plus intense.
Au cours de ses prières, elle entendit la parole de l'ami invisible dont la tonalité profonde semblait se graver pour toujours au fond de sa conscience : « Ma fille -s'exclama la voix amicale venue du plan spirituel -, réjouis-toi en notre Seigneur, car la veille de ton bonheur éternel est arrivée ! Elève ton humble pensée à Jésus, parce qu'il n'est pas loin l'heureux instant de ta glorieuse entrée dans son Royaume !... »
Livia laissa transparaître dans son regard une expression de joie et de surprise, mais pleine de confiance et de foi en la providence divine, elle garda au plus profond de son cœur, le réconfort de ces paroles sacro-saintes.
DANS LES CATACOMBES DE LA FOI ET AU CIRQUE DU MARTYRE
Le lendemain, les deux grandes amies se trouvaient ensemble. Ce n'était déjà plus une maîtresse et sa servante mais deux âmes unies par les mêmes idéaux, liées par les liens les plus sacrés du cœur.
Anne venait d'arriver à la maison, après avoir rempli quelques obligations au forum Olitorium.9 Lorsqu'elle trouva Livia seule, sur un ton confidentiel, elle lui dit :
Marché aux légumes. - Note d'Emmanuel
Madame, ce soir une nouvelle voix s'élèvera au sanctuaire des catacombes pour prêcher notre foi. Ce matin, des amis m'ont avertie que depuis quelques jours déjà, il y a un émissaire de l'église d'Antioche en ville, dénommé Jean de Cléophas (10) , porteur de révélations significatives pour nous autres, chrétiens de cette cité...
Jean de Cléophas, nom d'un des deux disciples qui virent Jésus après sa mort sur le chemin d'Emmaus (NDT).
Livia laissa transparaître une lueur de satisfaction profonde dans ses yeux et s'exclama:
Ah ! Oui... il faut que nous allions aujourd'hui aux catacombes. J'ai besoin de communier avec nos frères de croyance dans une même vibration de foi ! En outre, je dois remercier la miséricorde du Seigneur de ses immenses grâces...
Et élevant un peu la voix, comme si elle désirait communiquer à son amie toute la joie de ses espoirs les plus profonds, elle dit avec un tendre sourire qui illuminait son visage calme:
Anne, depuis le décès de Calpurnia, je remarque que Publius est plus serein et plus ouvert... Ces derniers jours, il m'a adressé la parole avec la tendresse du passé et m'a affirmé, hier encore, que son cœur me réservait une douce surprise pour demain après la remise de récompense des sénateurs. Je sens qu'il est trop tard pour être encore heureuse en ce monde, mais au fond, je suis satisfaite, parce que je n'ai jamais désiré mourir en désaccord avec le compagnon que Dieu m'a accordé pour les luttes et les joies de la vie. Je crois que jamais il ne me pardonnera le crime d'infidélité qu'il croit que j'ai pratiqué
Il y a vingt-cinq ans de cela, mais je pleure de joie en constatant qu'à la sévérité de ses yeux, Publius me croit rédimée !...
Et elle pleurait, émue, tandis que sa vieille servante lui affirmait avec tendresse :
Oui, Madame, peut-être a-t-il reconnu votre abnégation sanctifiée dans votre foyer pendant ces longues années de sacrifices bénis.
Je remercie Jésus d'une telle miséricorde - répondit Livia, émue. - Je crois même que je ne suis pas loin de partir pour le monde des réalités célestes où tous les affligés doivent être consolés...
Et après une courte pause, elle poursuivit :
Hier encore, alors que je priais auprès de l'humble croix dans ma chambre, j'ai entendu une voix qui m'annonçait le Royaume de Jésus pour très bientôt.
En l'entendant, Anne se souvint subitement de Siméon et des heures qui précédèrent ses sacrifices, et se sentit plongée dans de pénibles pensées. Ses souvenirs remontaient à un passé lointain quand la voix de Livia la ramena à la réalité :
Anne - dit-elle avec les héroïques décisions de sa foi -, je ne sais pas comment je serai appelée par le Messie, mais dans l'hypothèse de mon proche départ, je te demande de rester dans cette maison et de continuer ton apostolat de travail et de sacrifices, car Jésus bénira tes labeurs sanctifiants.
La vieille servante des Lentulus voulut changer le cours de cette conversation poignante et s'exclama avec la sérénité judicieuse qui la caractérisait :
Madame, Dieu seul sait laquelle de nous deux partira la première. Oublions, à présent, ce sujet pour ne penser qu'à vos joies sanctifiées.
Et, comme pour chasser l'angoissante impression de cet entretien privé, elle conclut en demandant discrètement :
Alors, irons-nous bien aujourd'hui aux catacombes ?
Oui, c'est entendu. À la tombée de la nuit, nous partirons pour prier et nous rappeler le doux souvenir du Messie nazaréen. J'ai besoin de cet apaisement spirituel, après ces longs mois passés auprès de ma noble Calpurnia ; en outre, je veux demander à nos frères de prier avec moi pour elle et témoigner en même temps au Seigneur ma sincère reconnaissance pour ses grâces divines...
Avant de partir, je te demande de me rappeler que je dois amener au nouvel apôtre une sportule (11) destinée à l'église d'Antioche.
(11) Antiquité romaine : don versé (NDT)
Demain, Publius va recevoir la suprême récompense d'un homme du monde, je veux supplier Jésus de ne pas abandonner son cœur intrépide et généreux pour que les vanités de la terre ne l'empêchent pas un jour d'aspirer au royaume merveilleux du ciel !
Ainsi convenu, elles se séparèrent pour s'occuper des tâches domestiques. Et tandis que le sénateur prenait de nombreuses mesures pour que rien ne manque à l'éclat personnel de son grand triomphe le lendemain, Livia passait ses heures, l'âme tournée vers le Christ plongée dans de ferventes prières.