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À la tombée de la nuit, comme convenu, elles se rendirent à la réunion secrète des pratiques originelles du christianisme.

Des serviteurs du palais les virent bien sortir, mais sans surprise ni inquiétude. Pendant la longue période de la maladie de Calpurnia, Livia et Anne n'étaient jamais plus restées au foyer et il n'était pas étonnant que toutes deux aient décidé d'aller chez les Sévérus, cette nuit- là, d'où elles ne reviendraient certainement que le lendemain après avoir consolé l'esprit abattu de Flavia affairée aux lourdes responsabilités domestiques.

Ce fut ainsi que les heures passèrent, tranquilles et insouciantes et lorsque le sénateur s'approcha des appartements de son épouse se réjouissant déjà des immenses joies attendues le lendemain, vu le lourd silence qui y régnait, il crut qu'elle dormait calmement portée par les ailes légères et caressantes du sommeil. Imaginant que Livia se reposait dans la paix souveraine de la nuit, Publius Lentulus retourna dans son cabinet privé, l'esprit rempli de radieux espoirs dans son intention de se repentir de toutes les erreurs du passé.

Cependant, Livia était en compagnie d'Anne, à profiter des premières ombres de la nuit pour se rendre aux catacombes.

Il était plus de dix-neuf heures, lorsque toutes deux se cachèrent parmi les rochers abandonnés qui donnaient accès aux souterrains où s'accumulait la vieille poussière des défunts.

Dans une vaste salle voûtée qui avait servi autrefois aux assemblées des coopératives funéraires, un grand nombre de personnes se réunissait autour du sympathique et généreux prédicateur du culte, récemment arrivé de la lointaine Syrie. Dans un coin, se dressait une tribune improvisée où quelques minutes plus tard, allait monter Jean de Cléophas dans un halo de douceur qui auréolait sa singulière personnalité.

On pouvait remarquer sur la tête de l'apôtre d'Antioche ses premiers cheveux blancs et toute sa personne exhalait un fort magnétisme qui attirait intimement à lui ceux qui s'en approchaient, transportés par la douce affinité de sa croyance et de ses sentiments profonds.

Tous les participants semblaient captivés par sa parole séduisante et impressionnante qui se fit entendre pendant presque deux heures de suite, et qui tombait dans le cœur de l'auditoire comme la rosée sublime de l'éloquence céleste. Des idées élevées et des observations prophétiques résonnaient entre les arcades silencieuses et sombres, faiblement éclairées par la lueur de quelques torches.

En fait, l'assemblée avait raison de s'exalter à ce douloureux et sublime prophétisme car Jean de Cléophas prononçait une profonde allocution, à peu près en ces termes :

- Mes frères, que la paix de l'Agneau de Dieu, Notre Seigneur Jésus-Christ, soit avec vous dans l'intimité de votre conscience et dans le sanctuaire de votre cœur !...

Dans ses prières et ses méditations de chaque jour, le saint patriarche d'Antioche avait reçu de nombreuses révélations du Messie, ordonnant l'arrivée d'un messager au sein des travaux de la capitale du monde, afin d'annoncer de grandes choses...

- Par les révélations de l'Esprit saint, les chrétiens de cette cité impitoyable furent choisis par l'Agneau pour le grand sacrifice. Et je viens vous annoncer notre prochaine entrée dans le royaume de Jésus, au nom de ses apôtres bien-aimés !...

Oui, car ici, où toutes les gloires divines furent bafouées et humiliées par l'impénitence des hommes, les premières grandes luttes des forces du bien contre celles du mal devront s'engager, préludant l'établissement définitif, dans le monde, du message éternel et divin de l'Évangile du Seigneur !

Lors de la dernière réunion générale des croyants d'Antioche, les voix du ciel se sont manifestées dans un langage de feu, comme cela se produisit dans les jours glorieux du cénacle (12) des apôtres, après la divine résurrection de notre Sauveur ; et votre serviteur, ici présent, a été choisi comme émissaire de ces nouvelles réconfortantes, car les voix célestes nous promettent le Royaume du Seigneur d'ici quelques jours...

(12) Salle eut lieu la Cène, puis la Pentecôte (NUT)

Bien-aimés frères, je crois que nous sommes à la veille des plus atroces témoignages de notre foi par les souffrances de la rémission, mais la croix du Calvaire devra illuminer la pénible nuit de nos tourments...

J'ai eu, moi aussi, le bonheur d'entendre la parole du Seigneur aux dernières heures de sa terrible agonie sur la face de ce monde. Et que demandait-il, mes amis, sinon le pardon infini de Notre Père pour les bourreaux implacables qui le tourmentaient ? Oui, ne doutons pas des révélations du ciel... Des bourreaux inflexibles guettent nos pas et je vous apporte le message d'amour et de force de Notre Seigneur Jésus-Christ !

Rome baptisera sa nouvelle foi du sang des justes et des innocents, mais il convient de considérer aussi que l'Agneau immaculé de Dieu Tout-Puissant s'est immolé sur la poutre infamante pour racheter les péchés et les avilissements du monde !...

Nous marcherons, peut-être, sur ces voies somptueuses comme dans les nouvelles rues d'une Jérusalem corrompue, pleine de désolation et d'amertume... Les voix célestes clament, qu'ici, nous serons méprisés, humiliés, vilipendés et vaincus ; mais la victoire suprême du Seigneur nous attend au-delà des palmes épineuses du martyre dans les douces clartés de son royaume, inaccessible à la souffrance et à la mort !...

Nous laverons de notre sang et de nos larmes l'iniquité de ces marbres précieux, car un jour, mes frères, toute cette Babylone d'inquiétudes et de péchés s'écroulera bruyamment sous le poids de ses ignobles misères... Un ouragan destructeur confondra les prétentieux mensonges et renversera les fausses idoles de leurs autels... De violentes tempêtes d'extermination et de climat feront pleuvoir sur cet Empire puissant les ruines de la pauvreté et du plus triste oubli... Les cirques de l'impiété disparaîtront sous une poignée de cendres, le forum et le sénat des impénitents seront confondus par la suprême justice divine, et les guerriers orgueilleux de cette cité pécheresse ramperont un jour comme des vers sur les rives du même Tibre qui charrie leur iniquité !...

Alors, de nouveaux Jérémie pleureront sur les marbres à la lumière miséricordieuse de la nuit... les somptueux palais de ces belles et fières collines tomberont dans un funeste tourbillon de terreur et sur leurs monuments d'orgueil, d'égoïsme et de vanité, gémiront les vents tristes des nuits silencieuses et désertes...

Heureux tous ceux qui pleureront maintenant par amour pour le Divin Maître ; heureux tous ceux qui verseront leur sang pour les sublimes vérités de l'Agneau, car au ciel il existe des demeures divines pour les bien-aimés de Jésus...

L'émissaire de l'église d'Antioche parlait à la fois d'une voix douce et terrible et ses paroles résonnaient dans le profond silence des voûtes inhabitées.

Près de deux cents personnes se trouvaient là à l'écouter attentivement.

Presque tous les chrétiens présents pleuraient d'extase. Au fond de ces âmes planait une exaltation suave et mystique leur faisant ressentir les douces émotions de tous ces apôtres anonymes qui étaient tombés dans les arènes des cirques ignominieux pour cimenter de leur sang et de leurs larmes l'édification de la nouvelle foi.