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Le terrible conflit entre Othon et Vitellius avait divisé toutes les classes de la société romaine en factions hostiles qui se haïssaient à l'extrême.

Finalement, la fameuse bataille de Bédriac donna le trône à Vitellius qui instaura un nouveau cycle de cruautés dans tous les milieux politiques.

Toutefois, la diplomatie interne veillait dans l'ombre et examinait attentivement la situation, afin d'empêcher de nouvelles vagues d'extermination et d'infamie.

Vitellius ne conserva le gouvernement que pendant huit mois et huit jours car en cette année 69, les légions du territoire africain manipulées par l'orientation subtile de ceux qui avaient renversé Néron et ses partisans, proclamèrent Vespasien à la suprême investiture de l'empire. Le nouvel empereur, qui se trouvait encore sur le champ de bataille engagé dans la pacification de la Judée lointaine satisfaisait les plus grandes exigences de toutes les classes civiles et militaires, fut reçu en triomphe au poste suprême, initiant ainsi l'ère prestigieuse des Flaviens.

Vespasien faisait partie de ce groupe de patriciens laborieux qui avaient contribué, sans vanité, à la chute des tyrans.

Ami personnel de Publius Lentulus, l'empereur s'était rendu célèbre, non seulement par ses victoires militaires, mais également par son judicieux apprentissage de la politique, remarqué à Rome depuis l'époque des jours turbulents de Caligula.

Sous sa direction administrative, une trêve dans les immoralités gouvernementales allait s'instaurer, une nouvelle période de compréhension des besoins populaires allait commencer et, dans le cadre de ses plans économiques et financiers, l'empire allait vers les jours régénérateurs d'une ère nouvelle.

Soixante-sept années de luttes et de fortes expériences de la vie faisaient que Publius vivait tous ces événements avec une joie relative. Mais à la clarté sereine de la vieillesse, sa fibre morale et sa résistance physique étaient toujours les mêmes.

Face aux perspectives de jours meilleurs dans le cadre des réalisations patriotiques, il considérait à présent que tout le temps volé à sa fille aveugle pour répondre aux travaux du bien collectif avait bien été employé ; et ce fut dans cet état d'esprit, la conscience satisfaite du devoir accompli, conformément à ses idées, qu'il se rendit au palais pour répondre à l'appel personnel de l'empereur qui, à de nombreuses reprises, n'avait pas hésité à recourir aux conseils de ses plus anciens compagnons d'idéal.

Sénateur - lui dit Vespasien dans l'intimité tranquille d'un des magnifiques cabinets de la résidence Impériale -, je vous ai fait appeler pour me soutenir avec votre dévouement habituel à l'empire, et trouver la solution à une affaire que je juge de la plus haute Importance.16

Dites, Auguste !... - répondit Publius, touché.

(16) Vespasien se trouvait à Rome juste après sa proclamationNote d'Emmanuel.

Mais l'empereur, courtoisement, lui coupa la parole :

Non, mon cher, parlons-nous avec la vieille intimité d'autrefois. Laissons de côté les protocoles, pour l'instant.

Et voyant que le sénateur esquissait un sourire de reconnaissance face à sa parole naturelle et généreuse, il continua à exposer la question qui l'intéressait :

Appelé à Rome à la charge suprême, je n'ai pas osé désobéir aux injonctions sacrées qui m'astreignaient à l'accomplissement de ce grand devoir, et j'ai été obligé de laisser mon fils œuvrer à la pacification de la Judée mutinée. Un travail que je considérerai toute ma vie comme le plus grand effort pour la vitalité de l'empire dans le développement de ses glorieuses traditions.

Il se trouve, néanmoins, que le siège de Jérusalem dure depuis trop longtemps, causant les plus sérieuses conséquences à mes projets économiques dans le programme de restauration que je me suis proposé de réaliser au sein du gouvernement.

Je pense que mon valeureux Titus a besoin d'un conseil de civils, en plus des assistants militaires qui l'accompagnent dans cette audacieuse entreprise, et j'ai pensé le constituer avec mes amis les plus proches parmi ceux qui connaissent Jérusalem et ses alentours.

Lors de mes premières incursions dans l'édilité, j'ai pris connaissance de vos procédures de réforme administrative en Judée, et j'ai appris que vous avez séjourné à Jérusalem il y a plus de vingt ans.

Je manifeste donc le souhait que vous acceptiez avec quelques autres compagnons, la charge de mieux orienter la tactique militaire de mon fils. Titus a besoin de la coopération politique de ceux qui connaissent la ville dans ses moindres recoins, ainsi que sa langue populaire, de manière à vaincre la situation qui devient de plus en plus difficile.

Publius Lentulus pensa un instant à sa fille malade, mais se souvenant du dévouement absolu d'Anne qui pourrait parfaitement substituer ses soins pendant quelque temps, il répondit avec décision et énergie :

- Mon noble empereur, votre parole auguste est la parole de l'empire. L'empire ordonne et j'obéis, je m'honore d'accomplir vos décisions et je réponds à l'élan généreux de votre confiance.

Merci beaucoup ! - dit Vespasien en lui tendant la main, extrêmement satisfait. Tout sera prêt, de manière à ce que votre départ, et celui de deux ou trois de nos amis, se fasse dans deux semaines, au plus tard.

Et il en fut ainsi.

Après les poignants adieux de sa fille qui restait aux soins de la dévouée servante au palais de l'Aventin, le sénateur monta sur une somptueuse galère qui, en quittant Ostie, prit rapidement le large en route vers la Judée.

Le vieux patricien revécut avec une pénible sérénité, les péripéties du voyage de sa jeunesse heureuse en compagnie de son épouse et de ses deux enfants, à l'époque où il ne savait pas donner au bonheur sa vraie valeur.

Oui, la petite figure de Marcus, son fils disparu, semblait ressurgir à ses yeux, sous une auréole d'enchantement radieux et sanctifié.

Un jour, à Capharnaum, porté par les propos calomnieux de Sulpicius Tarquinius, il avait douté de l'honorabilité de sa femme, croyant plus tard que l'enlèvement de son fils fut une conséquence de son infidélité. Mais Livia était à présent rédimée de toutes ces accusations au tribunal de sa conscience. Ses sacrifices familiaux et sa mort héroïque au cirque étaient la plus grande preuve de la pureté sublime de son cœur. Dans ces instants de réflexion, il se figurait revenir au passé avec ses souffrances interminables, se heurtant toujours à l'ombre accablante du mystère lorsqu'il essayait de relire les pages de ce pénible chapitre de son existence.

Dans quels abîmes insondables et inconnus avait été emporté le petit qui aurait perpétué sa noble lignée ?

Ses émotions paternelles semblaient s'alarmer à nouveau, après tant d'années et tant de souffrances en famille.

Et même si les plus pénibles doutes planaient dans ses pensées, dans la rigidité de sa fibre morale, le sénateur préférait croire au fond que Marcus Lentulus avait été assassiné par de vulgaires malfaiteurs, adonnés au vol et aux malveillances pour n'avoir jamais fait appel à ses sentiments paternels.