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— Désolé, mais…

— Existe-t-elle encore ? »

Il chercha ses yeux en s’efforçant en même temps de décider de ce qu’il allait dire et faire, car mentir lui répugnait. « Oui.

— Où ça ?

— Je préfère ne pas répondre.

— Mettons que, si vous me répondez, je consente à placer mes vaisseaux et ceux de la Fédération sous votre commandement… »

Il réussit à esquisser un demi-sourire controuvé. « Je préférerais toujours n’en rien dire, mais, pour le salut de ces vaisseaux, je vous répondrais.

— Vous y consentiriez ? Êtes-vous conscient de l’importance de cette information ?

— Oui. Et, oui, j’y consentirais si c’était le prix à payer pour faire déguerpir ces vaisseaux d’ici, avec le reste de la flotte. »

La coprésidente plissa les yeux. « Je pourrais ensuite troquer ce renseignement contre un sauf-conduit des Syndics. »

L’idée lui avait traversé l’esprit. Il la fusilla du regard. « Pourquoi diable me dites-vous ça ?

— Pour vous faire comprendre que la confiance mal placée peut être fatale. Mais vous étiez tout prêt à m’accorder la vôtre. Je vais me montrer brutale, capitaine Geary. Je n’y consens que parce que je ne vois pas d’alternative. Les vaisseaux de la République resteront dans cette flotte et je suis persuadée que ceux de la Fédération du Rift suivront mes recommandations et mon exemple. Mais je me réserve le droit de les enlever à votre autorité si je le juge utile. »

Il haussa les épaules. « Apparemment, je n’ai pas trop le choix non plus, n’est-ce pas ? »

Rione se contenta de sourire. « Non.

— Merci. » Geary s’interrompit puis se leva précautionneusement, en se soutenant d’une main à sa chaise. « J’aimerais vous demander quelque chose. » La coprésidente se rembrunit. « J’ai besoin d’un politique. De quelqu’un capable de faire durer une discussion le plus longtemps possible. Doué pour l’éloquence et la rhétorique, en mesure d’employer un tas de mots qui ne signifient pas ce qu’ils ont l’air de dire, en évitant de se compromettre.

— Eh bien, merci du peu, capitaine Geary. » Manifestement, la coprésidente Rione hébergeait un certain sens de l’humour.

« À votre service. » Il montra de la main l’hologramme, où le front menaçant des vaisseaux du Syndic surplombait la flotte de l’Alliance. « L’ultimatum expire à présent dans moins d’une demi-heure. Nous allons avoir besoin de chaque minute pour réparer nos avaries et repositionner notre flotte afin qu’elle soit prête à foncer d’un instant à l’autre vers le point de saut. Sauriez-vous parler aux Syndics, les tenir en haleine et les retenir d’agir le plus longtemps possible ?

— Au nom de la République et du Rift, voulez-vous dire ? Ou bien de la flotte tout entière ?

— De qui vous voudrez pourvu que ça marche. Pourvu que les pourparlers s’éternisent. Gagnez-nous du temps, c’est tout, madame la coprésidente. Autant que possible. »

Elle hocha la tête. « C’est là une demande raisonnable, capitaine Geary. J’ouvrirai les pourparlers avec les Syndics dès que je serai montée à bord de ma navette. »

Il la fixa, « Votre navette ? Vous n’allez pas…

— Gagner le vaisseau amiral syndic ? Que non pas, capitaine Geary. Je viens ici. Sur l’Indomptable. Je veux vous tenir personnellement à l’œil. Vous et un très important dispositif. Oh… oui, vous ne m’avez toujours rien dit. Mais je crois pouvoir mieux préserver les intérêts de mon peuple à bord de votre bâtiment. »

Geary inspira profondément puis hocha la tête, « Je vais avertir le capitaine Desjani de votre transfert.

— Merci, capitaine Geary. » Nouveau sourire, trahissant autant de défi que celui qui brillait dans ses yeux. « À présent, je vais m’efforcer d’effrayer assez les Syndics pour qu’ils nous accordent un délai. » Sur ces mots, son hologramme s’évanouit.

Geary resta assis un bon moment à fixer la place que Rione avait donné l’impression d’occuper. Peut-être est-elle effectivement capable d’effrayer les Syndics au point de les pousser à reporter leur attaque. Toujours est-il qu’elle m’effraie, moi.

Le capitaine Desjani réagit à l’annonce de l’arrivée imminente de la coprésidente Rione comme s’il ne s’agissait que d’un autre événement malheureux dans une journée déjà noire. « Au moins ses vaisseaux restent-ils avec nous.

— Oui. » Geary regarda autour de lui. « Où est l’état-major de l’amiral Bloch, capitaine Desjani ?

— Son état-major ?

— Oui. Tous les officiers qui lui ont été affectés en tant que commandant en chef de la flotte. Où sont-ils ? J’aurais cru qu’ils chercheraient à me joindre. »

Desjani afficha brièvement une expression interloquée, puis son visage s’éclaira : « Oh, je vois. Vous pensez au bon vieux temps. Pardon, ajouta-t-elle précipitamment, comme en réponse à l’expression qui venait d’altérer le visage de Geary. Mais beaucoup de choses ont changé. Nous avons pendant longtemps manqué d’officiers aguerris. Les états-majors que vous avez connus ont été cannibalisés pour permettre à ces officiers d’être librement affectés aux vaisseaux. »

Geary secoua la tête. « Les pertes auraient-elles été si lourdes ?

— Lourdes ? » Desjani hésita. « Nous avons perdu de nombreux vaisseaux au cours de la guerre. Et les Syndics encore plus que nous, ajouta-t-elle aussitôt.

— Je me demandais aussi pourquoi tant de capitaines de vaisseau avaient l’air si jeunes.

— Nous ne… pouvons pas toujours nous permettre le luxe de laisser nos officiers connaître une longue carrière avant qu’on ait besoin d’eux pour commander un bâtiment.

— Je comprends », laissa tomber Geary, même s’il n’y comprenait pas grand-chose. Tous ces jeunes capitaines, tous ces vaisseaux neufs… L’espace d’un instant, la glace se reforma en lui, tandis qu’il prenait conscience que tous les vaisseaux dont il avait étudié les données étaient neufs ou presque. Sans doute parce que les plus anciens étaient restés derrière en raison de leurs moindres capacités, avait-il présumé sur le moment. Mais, maintenant, il se demandait combien il restait de ces vaisseaux plus anciens, et à quel point exactement l’espérance de vie des officiers, matelots et vaisseaux de l’Alliance s’était amenuisée sous la pression de la guerre.

Le capitaine Desjani continuait de s’expliquer, comme si elle ressentait le besoin de justifier personnellement cette situation, « Les pertes n’ont pas toujours été aussi lourdes. Mais elles sont parfois énormes. Un siècle de guerre coûte un tas de spatiaux et de vaisseaux à une flotte. » Elle donnait l’impression d’être tout à la fois lasse et courroucée. « Un tas. Deux aides de camp, des officiers supérieurs, avaient été affectés à l’amiral Bloch. Peut-être ne les avez-vous pas vus monter avec lui et son chef d’état-major à bord de la navette qui a rejoint le vaisseau amiral du Syndic.

— Non. » Mais, sur le moment, je n’étais pas conscient de grand-chose.

« Ils sont tous morts maintenant, bien sûr. Quelques officiers chevronnés étaient également affectés à l’état-major, mais ils appartiennent tous à l’équipage du vaisseau. Leur principal travail est à bord de l’Indomptable.

— Et l’on a besoin d’eux sur place à présent, j’imagine ?

— Oui. Bien que l’un d’eux soit mort et un autre trop grièvement blessé pour quitter l’infirmerie. J’aimerais pouvoir conserver leur fonction principale aux deux autres… »

Geary leva la main pour l’empêcher de poursuivre. « Bien entendu. Je les verrai dès que les circonstances le permettront. Pourriez-vous me dire comment l’amiral Bloch arrivait à commander une flotte avec un état-major aussi restreint ? »