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— Un bouclier peut-il arrêter ce truc ?

— S’il est assez puissant, oui. » Elle donnait à présent l’impression d’être déçue. « On ne peut pas charger un champ de nullité quand on se trouve dans un puits de gravité conséquent, et la charge ne peut être maintenue que durant un bref laps de temps avant le tir. De sorte que nous n’avons pas pu les employer contre les cibles planétaires du Syndic.

— Les cibles planétaires ? Les planètes, voulez-vous dire ? »

L’agacement fit fugacement place à la déception sur les traits de Desjani, puis elle reprit contenance. « Bien sûr. »

Bien sûr. Frapper une planète habitée avec une arme capable de la volatiliser en particules, voilà qui tombait sous le sens. Qu’est-il donc arrivé à ces gens ? Comment peuvent-ils regretter de ne pouvoir détruire des planètes par cette méthode ?

Brusquement, l’attention de Geary fut de nouveau attirée par le Riposte. Une seconde vague de chasseurs avait tenté de le dépasser, mais le vaisseau de l’Alliance pivotait de nouveau, avec une agilité correspondant à son tonnage, de manière à braquer ses batteries de lances de l’enfer sur la trajectoire de l’un d’eux. Le chasseur fonçant tête baissée sur leur tir concentré, ses écrans de proue flamboyèrent puis flanchèrent, permettant ainsi aux lances de l’enfer de ravager ses flancs sur toute sa longueur et de le transformer en une carcasse démantelée fonçant à haute vélocité.

Le capitaine Desjani pointa le doigt pour attirer l’attention de Geary sur le fait que le Riposte expédiait des missiles spectres aussi vite que ses lance-missiles pouvaient se permettre d’en tirer. Le chasseur survivant réceptionna les premiers avec ses défenses, puis les torpilles commencèrent de les pénétrer, de frapper les boucliers puis de transpercer sa coque. Quelques instants plus tard, lui aussi était hors de combat.

« Il vient de larguer la majeure partie des spectres qui lui restaient, capitaine Geary, déclara Desjani. Le capitaine du Riposte utilise toutes ses ressources pour arrêter les vaisseaux de tête du Syndic. »

Geary hocha lentement la tête en s’efforçant de dissimuler ses sentiments. Il en conserve une précieuse petite partie pour affronter les suivants. Mais ensuite ça n’aura plus aucune importance, pas vrai ? Pas au regard du plan d’ensemble, quand sortir le Titan indemne de ce foutoir reste crucial. Foin du plan d’ensemble, et que les Syndics soient maudits !

Il étudia les vecteurs de mouvement en s’efforçant de pressentir la suite, maintenant que ces cinq chasseurs étaient détruits. « Il aurait pu réussir.

— Mais ce n’est pas encore joué », laissa tomber Desjani.

La vague suivante de chasseurs essuya un autre tir de barrage de lances de l’enfer et de catapultes à mitraille. Çà et là, un spectre s’insinuait dans ce chaos pour aller frapper les boucliers du Syndic, mais quatre des cinq chasseurs réussirent à passer. Trois d’entre eux avaient été ralentis de façon appréciable et ils avaient perdu de la vélocité grâce aux impacts de la mitraille, ainsi que leur capacité d’accélération en raison des avaries. Le quatrième avait manifestement gaspillé une bonne partie de son armement dans le seul dessein de dépasser le Riposte sans être touché.

« Il a réussi, déclara Desjani d’une voix que le soulagement faisait grimper d’un ton. Je vous suggère d’ordonner aux escorteurs du Titan d’abattre ce chasseur de tête avec une demi-douzaine de spectres tirés par leurs lance-missiles de poupe. Il n’y survivra pas, après tout ce qu’il a balancé pour contourner le Riposte, à moins de dévier de son cap… Et, s’il change de trajectoire, il ne sera plus en mesure d’atteindre le Titan avant qu’il n’ait fait le saut.

— Très bien. Transmettez l’instruction, s’il vous plaît. » Il n’écouta pas Desjani obtempérer… il regardait déjà d’autres chasseurs (à présent appuyés par quelques croiseurs légers) rattraper le Riposte et le cribler de tirs au passage. Bien que les vaisseaux du Syndic, de par leur haute vélocité, n’aient disposé que d’images distordues de l’univers extérieur, le Riposte avait subi de nouveaux dégâts, et il était désormais trop endommagé pour esquiver les tirs visant sa position estimée. Il lâcha un second champ de nullité, mais le croiseur léger ciblé l’évita d’une élégante embardée et n’essuya qu’un coup cinglant porté à ses boucliers.

La bataille se livrait maintenant à soixante-dix secondes-lumière de l’Indomptable. Les écrans ne montraient à Geary que ce qui s’était passé une minute et dix secondes plus tôt, mais il savait exactement ce qu’on devait ressentir à cet instant à bord du Riposte. Il s’était trouvé dans la même situation, sauf que ses chances étaient meilleures sur le moment. Tout son armement disponible (mitraille, spectres et lances de l’enfer) devait être épuisé. Les boucliers du vaisseau devaient constamment scintiller de toutes parts tandis qu’un feu nourri affaiblissait et déchiquetait ses premières couches de protection. Puis viendrait l’estocade, portée par l’impact aléatoire d’un missile sur sa coque, tandis que ses boucliers témoigneraient de faiblesses ponctuelles avant de lâcher entièrement, comme sous les coups de marteau d’un géant aveugle. Les batteries de lances de l’enfer continueraient de tirer puis se tairaient l’une après l’autre ou par petites sections, à mesure que leur alimentation en énergie serait réduite en miettes. Puis boules métalliques et faisceaux de gaz incandescents dévasteraient sa coque tout entière, de la proue à la poupe, arrivant de plus en plus vite et anéantissant tout ce qu’ils trouveraient sur leur chemin.

« Le Riposte lance ses capsules de survie. »

Difficile de dire exactement ce qui se passait. La bataille avait éparpillé tant de débris dans le vide que certains masquaient la vue. Mais les systèmes de l’Indomptable parvenaient encore à repérer les balises des capsules de survie éjectées par le Riposte et calculaient automatiquement les trajectoires éventuelles d’interception, apprenant à Geary tout ce qu’il aurait dû savoir pour recueillir les rescapés. Il les scrutait, conscient qu’il ne pourrait rien faire pour aider ces survivants, et constata qu’elles traversaient la masse de la flotte du Syndic qui arrivait sur lui. Le Syndic se chargerait de les ramasser après la bataille pour les envoyer croupir jusqu’à leur mort dans ses camps de travail. Mais je n’oublierai pas la promesse que je vous ai faite, Michael Geary. Je les en sortirai un jour.

Des vaisseaux du Syndic dépassaient désormais le Riposte à jet continu ; aucun ne s’arrêtait pour engager le combat. Ils se contentaient de tirer dessus au passage et de submerger sous leur nombre le vaisseau isolé de l’Alliance. Des croiseurs lourds commencèrent bientôt de le frôler et d’ajouter leur puissance de feu à celle qui l’accablait déjà.

« Le Riposte a cessé de tirer à soixante-quinze secondes-lumière d’ici. Toutes ses armes doivent être anéanties ou réduites à l’impuissance. »

Doutant de la fermeté de sa voix, Geary se contenta de hocher la tête. Les modules de survie continuaient de jaillir sporadiquement du Riposte, mais en bien trop petit nombre.