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« Hotte de l’Alliance, votre amiral est venu “négocier” avec nous les termes d’une reddition. » Le commandant fit un geste.

Geary sentit sa bouche se dessécher : un groupe de soldats des forces spéciales du Syndic (un pour chaque officier de l’Alliance) venait d’avancer d’un pas pour tirer à bout portant sur l’amiral Bloch et ses compagnons. Bloch et quelques autres s’efforcèrent de rester au garde-à-vous mais ne tardèrent pas à s’effondrer, leur uniforme taché de sang. Quelques secondes plus tard, tous les officiers supérieurs de l’Alliance gisaient à terre, inertes et indubitablement morts.

Le commandant en chef du Syndic montra nonchalamment les corps de la main. « Nous n’avons rien à “négocier” avec vos anciens chefs. Tous ceux qui s’y risqueront subiront le même sort que ces imbéciles. Les vaisseaux et officiers de l’Alliance qui auront capitulé bénéficieront de conditions raisonnables. Nous n’en voulons pas à ceux que des supérieurs aussi mal avisés que ceux-là ont contraints à nous combattre. » En dépit du choc qu’il venait d’éprouver, Geary se demanda si le commandant en chef du Syndic avait conscience du manque total de sincérité de sa déclaration. « Mais ceux qui tenteront de “négocier” mourront… et peut-être moins vite que leur amiral.

» Vos vaisseaux ont une heure pour se rendre. Cette heure écoulée, nous écraserons toute résistance. »

Geary continua de fixer l’écran, désormais sans image, et le visage de l’officier des transmissions s’y inscrivit de nouveau, le fixant d’un œil désespéré. Geary savait sans doute que les Syndics pouvaient se montrer impitoyables, mais jamais encore il ne les avait vus commettre un acte aussi barbare. À l’instar de nombre de choses, les Syndics avaient changé au cours de cette longue guerre, et pas favorablement.

Un bon moment se passa avant qu’il ne comprît que son commandement de la flotte, d’une flotte décimée par les combats et qui, piégée, affrontait désormais un ennemi de loin supérieur en nombre, n’avait plus rien de provisoire. Et que cette flotte ne bénéficiait que d’une heure de grâce. Et cet officier des transmissions, comme d’innombrables autres, espérait, priait, comptait sur lui pour réagir.

Il inspira profondément, conscient que le vide qu’il ressentait depuis son sauvetage l’aidait à affronter la situation le visage impavide. « Trouvez-moi le capitaine… (comment l’amiral Bloch l’avait-il appelée, déjà ?) Desjani. Le capitaine Desjani. Immédiatement.

— Oui, capitaine. Elle est sur la passerelle, capitaine. »

Sur la passerelle. Geary se souvint avec un temps de retard que Desjani était le commandant de l’Indomptable. L’avait-il déjà rencontrée ? Il ne s’en souvenait pas.

Au bout de quelques instants, la figure du capitaine Desjani s’afficha à l’écran. Probablement d’âge moyen, le visage marqué par le poids du temps, de l’expérience et du dernier et désastreux combat, tant et si bien que Geary n’aurait même pas pu imaginer à quoi elle ressemblerait en temps de calme et de paix. « On m’a dit que vous souhaitiez me parler.

— Êtes-vous au courant du dernier message du Syndic, capitaine ? »

Desjani déglutit avant de répondre : « Oui. Il était adressé à tous les vaisseaux, de sorte que tous les commandants en ont eu connaissance.

— Savez-vous pourquoi les Syndics ont assassiné l’amiral Bloch ? »

La bouche de Desjani se tordit en un rictus méprisant. « Parce que ce sont des fripouilles sans âme. »

Geary ressentit une poussée de colère. « Ce n’est pas une raison, capitaine », répondit-il.

Elle le fixa quelques instants. « Ils ont décapité notre commandement, capitaine Geary. Dans cette situation, une flotte du Syndic s’effondrerait, et ils présument que nous fonctionnons sur le même principe. Ils cherchent à nous décourager par le spectacle de ce carnage et, en massacrant tous nos chefs, à s’assurer que nous serons incapables d’organiser une résistance. »

Il la dévisagea à son tour, sans trouver ses mots, puis : « Cette flotte n’est pas privée de commandement, capitaine Desjani. »

L’expression de son interlocutrice s’altéra et elle écarquilla les yeux : « C’est vous qui le prenez ?

— C’est ce qu’a dit l’amiral Bloch. Je vous croyais informée.

— Je l’étais, mais… je me demandais comment vous alliez réagir, capitaine Geary. Comptez-vous l’exercer ? Louées soient les vivantes étoiles ! Je dois alerter les autres vaisseaux. Je participais à une discussion portant sur ce que nous devrions faire quand on m’a priée de vous appeler. »

Prenant conscience des implications de la déclaration de Desjani, Geary en oublia ce qu’il comptait répondre. « Une discussion ? De quoi discutent donc les commandants des autres vaisseaux ?

— De ce qu’il faut faire. De la façon dont nous devons réagir au meurtre de l’amiral Bloch et de nos autres officiers supérieurs.

— Comment ça ? » La glace en lui se fendillait. « N’étaient-ils donc pas informés, eux aussi, que l’amiral Bloch m’avait placé à la tête de la flotte ?

— Si, capitaine.

— Aucun n’a donc contacté le vaisseau amiral pour demander des instructions ? »

Le visage de Desjani, qui l’instant d’avant irradiait l’espoir, afficha une tout autre expression : la prudence dont fait preuve un officier chevronné quand son patron ou sa patronne menace de grimper aux rideaux. « Euh… non, capitaine. Aucune communication n’a été adressée au vaisseau amiral.

— Ils débattent des mesures à prendre et n’ont pas contacté le vaisseau amiral ? » Geary avait beaucoup de mal à appréhender cette idée. Renoncer à la coutume du salut était une chose, mais des commandants de vaisseau faisant fi de la voie hiérarchique… ? Qu’était-il donc advenu de la flotte de l’Alliance qu’il avait connue ?

Le capitaine Desjani le scrutait, guettant l’explosion qu’elle sentait venir. Mais Geary se contenta de se contraindre au calme et de trouver les mots justes pour lui répondre, mots qui jaillissaient de quelque part en lui et se dévidaient comme un vieil enregistrement ressuscité : « Contactez tous les commandants des vaisseaux, je vous prie, capitaine. Signalez-leur que le commandant en chef de la flotte exige leur présence à bord du vaisseau amiral pour une réunion stratégique.

— Il ne nous reste même pas une heure avant l’expiration de l’ultimatum du Syndic, capitaine Geary.

— J’en suis conscient, capitaine Desjani. » Et je le suis encore davantage de la nécessité de montrer à ces gens que j’ai pris le commandement de la flotte avant qu’elle ne s’éparpille en morceaux, et de m’informer sur ces officiers-là avant de prendre une décision erronée fatale. J’en sais bien trop peu sur tout. « L’amiral Bloch m’a montré sa salle de réunion. Il m’a dit que je pouvais y rassembler ses commandants pour une visioconférence.

— Oui, capitaine. Le réseau est toujours opérationnel au sein de la flotte.

— Parfait. Je veux qu’ils se tiennent prêts dans dix minutes pour cette réunion, et qu’ils en donnent acte individuellement dans les cinq minutes qui viennent ; et, si jamais l’un d’eux tentait de se défiler, dites-lui que l’assistance est obligatoire.

— Oui, capitaine. »

Il se rappela brusquement, pris d’une bouffée de remords, qu’il venait de donner un ordre au commandant d’un bâtiment, sur son propre vaisseau, sans faire beaucoup montre de courtoisie. Lui-même avait trouvé ce comportement odieux autrefois, quand il en avait été personnellement victime. Il lui faudrait désormais s’en souvenir. « Merci, capitaine. Retrouvez-moi, s’il vous plaît, devant la salle de réunion du vaisseau amiral dans… huit minutes. »