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— Ça ne veut pas dire que toute menace sera écartée, intervint Desjani. Les cargos pourraient être configurés d’une dizaine de façons différentes pour mettre automatiquement leur réacteur en surcharge à l’approche de nos auxiliaires. Quelques amorces de proximité un peu futées y suffiraient, et nous n’avons aucune chance de les découvrir toutes dans le bref délai qui nous est imparti. » Elle s’interrompit. « Les cargos ne transportent pas autant d’équipement que les vaisseaux de guerre, mais ils n’en disposent pas moins d’un tas de systèmes différents. Rien ne nous permet de dire à quoi d’autre on aurait pu relier le déclenchement de la surcharge. »

Comme, par exemple, si nous modifions la trajectoire de ces cargos sans un mot de passe spécial des équipages du Syndic. Je me retrouve confronté à vingt bombes volantes piquant vers les plus vulnérables et les plus précieux bâtiments de ma flotte. Geary évalua de nouveau la situation. « Très bien. On va se servir de ce CRX. Nous allons donc rester avec vingt vaisseaux sur les bras, que ne pourront pas approcher nos grosses unités, et vingt équipages du Syndic inconscients. » Il savait que Desjani le regardait en attendant qu’il prît sa décision, tout en se demandant comment il allait se débrouiller pour la faire coïncider avec ses inquiétudes sur le sort réservé aux prisonniers. Après tout, toute mesure prise contre des gens qui méditaient une telle attaque sournoise serait justifiée. Mais ça ne m’oblige pas pour autant à agir contre mon gré. Et mon propos est de rendre la vie difficile à ceux qui ont prémédité ce traquenard et envoyé des troupes d’assaut en mission suicide pendant qu’ils restaient tranquillement assis sur leur cul près de cette planète habitée. « De quel délai disposons-nous ? »

Carabali jeta un regard à Desjani, qui pianota rapidement sur ses commandes. De larges sphères entourant chacun des cargos apparurent sur l’écran de Geary. « Voici l’estimation du rayon d’action de ces explosions, au cas où l’un de ces vaisseaux marchands ferait sauter son réacteur. Vous pouvez voir d’ici qu’il saille légèrement d’un côté, en fonction du vecteur de mouvement du vaisseau. Si nos bâtiments s’en trouvaient assez éloignés, leurs boucliers devraient pouvoir intercepter tous les fragments qui parviendraient jusqu’à eux. »

Geary jaugea les distances et le temps qui restaient avant que les cargos ne s’approchassent trop près des auxiliaires. Le délai était relativement court, mais on pouvait espérer qu’il suffirait. « Parfait, colonel, voici ce qu’on va faire. »

Vingt minutes plus tard, sur les images vidéo qui lui étaient retransmises, Geary regardait balancer sans cérémonie les derniers matelots inconscients du Syndic dans les capsules de survie de leurs cargos. Dans la mesure où ils n’étaient pas sanglés à leur siège, ils seraient sans doute passablement brinqueballés quand elles décolleraient. Mais, puisqu’ils ont choisi de mourir, ils ne peuvent légitimement pas se plaindre de quelques plaies et bosses.

Par mesure de précaution, les sas des capsules furent laissés ouverts au cas où ils auraient été piégés, et les fusiliers de l’Alliance se hâtèrent de regagner leurs navettes, bientôt rejoints devant leurs écoutilles par leurs frères d’armes restés sur la passerelle des cargos pour décharger les instructions aux pilotes automatiques.

En voyant les navettes s’éloigner des marchands, Geary laissa échapper une bolée d’air qu’il n’avait pas eu conscience d’avoir retenue. Il vérifia l’heure tout en regrettant qu’elles ne puissent aller plus vite et s’éloigner le plus loin possible des cargos et du rayon d’action des explosions avant que les instructions téléchargées par les fusiliers ne se missent enfin en branle.

« Trente secondes », signala sans nécessité Desjani.

Il se contenta de hocher la tête, le regard oscillant entre les navettes des fusiliers, la sphère d’action des explosions entourant les cargos et les auxiliaires de l’Alliance, qui se rapprochaient de plus en plus du point de rendez-vous.

« Zéro ! »

Geary retint de nouveau son souffle, s’attendant plus ou moins à ce que l’instruction donnée aux systèmes automatisés des vaisseaux marchands de fermer hermétiquement les capsules de survie déclenchât leur destruction. Les navettes des fusiliers devaient désormais, du moins si l’on pouvait se fier aux estimations, s’en trouver assez éloignées pour être en sécurité. Mais une « estimation » peut être erronée.

« Les capsules devraient avoir été lancées, annonça Desjani.

— Là ! » Geary montrait du doigt son écran, sur lequel les systèmes de l’Indomptable inscrivaient la trace des capsules de survie. Une autre minute s’écoula, durant laquelle ils eurent tout le temps de se demander si leur lancement n’allait pas déclencher l’explosion du réacteur des cargos. Mais ceux-ci poursuivirent imperturbablement leur route vers la flotte de l’Alliance, à une allure si régulière qu’elle en était presque exaspérante. « Voyons ce qui se passe si nous dévions la trajectoire des cargos. »

Quelques instants plus tard, les instructions téléchargées par les fusiliers ordonnaient aux commandes des cargos de les retourner pour les faire piquer vers le bas. Lents, volumineux et lourdement chargés des stocks réquisitionnés par la flotte de l’Alliance, les vaisseaux marchands pivotèrent péniblement jusqu’à ce que leur proue tournât le dos à la flotte, en même temps qu’ils piquaient du nez, « Ne reste plus qu’une seule occurrence », déclara Desjani.

Les propulseurs principaux des vaisseaux du Syndic s’allumèrent puis luttèrent contre la masse et l’inertie de leur cargo respectif pour dévier sa course dans l’espace. Geary s’efforça d’estimer leur progression alors qu’ils continuaient de se rapprocher de la flotte. « Doit-on ordonner au Titan et au Djinn de manœuvrer pour s’éloigner davantage de ces bombes à retardement ? »

Desjani étudia les mouvements relatifs des vaisseaux en plissant les lèvres puis secoua la tête. « On devrait d’une minute à l’autre commencer à voir les distances s’accroître. Ces cargos ne seront bientôt plus une menace, à moins qu’une panne ne coupe ces propulseurs. »

Mais ceux-ci continuèrent de s’activer, chacun déployant toute son aptitude à détourner son vaisseau respectif. Lentement, les trajectoires présumées des pesants cargos commencèrent de se modifier, de façon de plus en plus perceptible à mesure qu’ils déviaient de leur route originelle, puis de s’altérer encore plus vite lorsqu’ils accélèrent, autant qu’ils en étaient capables, sur leur nouveau cap.

« Où vont-ils ? » demanda l’hologramme du colonel Carabali.

Geary eut un sourire pincé. « Chez eux. »

Elle fronça les sourcils.

« Non, colonel, la rassura Geary. Nous rendons leurs vaisseaux aux Syndics, mais ils ne vont guère apprécier la politesse. Il fallait bien faire quelque chose de ces vingt cargos, et les gens qui ont ordonné cette attaque contre nous devaient en payer le prix. Deux bases militaires orbitent autour de la planète habitée. Les instructions téléchargées par nos fusiliers pour les systèmes de manœuvre de ces cargos ordonnent à dix d’entre eux de continuer d’accélérer, dans la mesure de leurs capacités, vers le point de l’espace où se trouvera l’une de ces bases quand ils l’atteindront. Les dix autres visent la seconde base. »

Le visage renfrogné du colonel s’éclaira, cédant la place à un grand sourire. « Dix vaisseaux marchands chargés à ras bord fonçant sur une cible en orbite fixe ? Les Syndics vont avoir du mal à les arrêter tous.