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— Ils ne le pourront pas, colonel, affirma Geary en montrant l’image des pesants cargos. Dans des circonstances normales, ces marchands seraient trop lents pour qu’on s’en inquiète, et on les détruirait aisément à leur approche. Mais ils ne ralentiront pas en atteignant l’orbite. Ils continueront d’accélérer de leur mieux jusqu’à l’impact.

— Et toute frappe destinée à ces cargos devra dévier une masse énorme, ajouta Desjani en souriant à son tour. S’ils réussissent à les faire sauter, ils devront encore se soucier de leur cargaison et des épaves, qui continueront de leur foncer dessus. »

Geary aussi souriait, « Après tout, nous devons économiser notre stock d’armement à longue portée. En violant leur promesse, les Syndics nous ont fourni une corde pour les pendre, et il leur faudra désormais en subir les conséquences. » Il jeta un coup d’œil à l’écran. « Nous sommes à un peu plus de trente-deux minutes-lumière de la planète habitée. Ils ne constateront l’échec de leur mission suicide que dans une demi-heure. Laissons-leur encore dix minutes pour repérer leurs cargos et deviner leur destination. Je vais attendre encore trente minutes, pour ne pas leur mettre la puce à l’oreille, avant de diffuser un message.

— Qui ne leur parviendra que dans une heure. Bien avant que les cargos n’aient atteint leurs cibles. Ce qui leur laissera largement le temps d’évacuer leurs bases orbitales. » Desjani soupira.

« Incontournable, lâcha Geary en haussant les épaules. Elles verront arriver les cargos bien avant qu’ils ne les aient atteintes. En outre, les commandants en chef de ces bases les auront certainement quittées les premiers. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils s’en tireront sans dommages. Il leur faudra annoncer à leurs supérieurs qu’ils ont perdu tous les atouts militaires spatiaux du Syndic dans ce système, et expliquer aussi pourquoi ils ont causé la destruction de la presque-totalité de ses gros vaisseaux marchands, tout cela sans nous infliger aucune perte ni retarder notre progression. »

Le sourire de Carabali se fit plus sombre. « Sans doute devront-ils troquer leur salle du conseil contre un camp de travail.

— Peut-être, convint Geary. Et ce serait vraiment pitié, pas vrai ? »

Au terme de la demi-heure annoncée, Geary rectifia la position dans son fauteuil et s’assura que son uniforme avait fière allure, mais sans plus. Il ne tenait pas à passer pour un de ces bureaucrates habillés chez le bon faiseur qui régentaient les Mondes syndiqués.

« Début de la transmission. Peuple du système stellaire de Corvus, ici le capitaine John Geary, commandant en chef de la flotte de l’Alliance », commença-t-il de sa plus belle voix de commandement, un tantinet plus basse et sonore que celle dont il usait d’ordinaire. Il marqua une pause, le temps qu’ils prissent conscience de son identité. Il soupçonnait les Syndics de voir en lui, puisque l’Alliance croyait tenir un sauveur en la personne de Black Jack Geary, sinon une sorte de croquemitaine, du moins une menace aux allures vaguement surnaturelles. Bien sûr, cela le mettait mal à l’aise, mais il n’allait certainement pas renoncer à un atout qui lui permettrait peut-être de ramener la flotte à bon port.

« J’aimerais vous faire part de deux informations. La première, c’est que les cargos qu’on devait nous envoyer se sont révélés des chausse-trapes. Nous avions négocié en toute bonne foi avec vos dirigeants. Ils n’ont pas tenu parole et, en conséquence, ces vaisseaux constituent une clause de dédit. En ce moment même, nous les retournons à l’envoyeur en guise de représailles. Je tiens à vous faire clairement comprendre que, bien que vos chefs vous aient trahis, nous ne chercherons pas à nous venger sur vous.

» La seconde chose dont je tenais à vous informer, c’est que les équipages de ces vaisseaux marchands ont été placés, indemnes, dans les capsules de survie de leurs bâtiments et éjectés vers votre planète. Nous ne les avons ni sabotées ni piégées. Nous n’en avons pas fait des armes. Elles ne contiennent que vos soldats.

* Nous aurions pu massacrer ces soldats qui, en projetant de nous attaquer sournoisement, travestis en civils, se sont d’eux-mêmes affranchis de la protection garantie par les lois de la guerre. Nous aurions pu aussi nous venger sur votre planète. Cette flotte est dotée d’assez de puissance de feu pour effacer toute trace de vie dans ce système. Nous n’en avons rien fait. La flotte de l’Alliance se soucie davantage de la vie des citoyens du système de Corvus que leurs propres dirigeants. Souvenez-vous-en.

» En l’honneur de nos ancêtres, déclama Geary en se servant de l’antique formule tout en se demandant si une locution déjà démodée de son temps n’était pas devenue caduque. Ici le capitaine Geary, commandant en chef de la flotte de l’Alliance. Fin de la transmission. »

Il se détendit, non sans remarquer le petit sourire qui jouait sur les lèvres du capitaine Desjani. « Voilà qui devrait donner de quoi réfléchir aux Syndics, du moins jusqu’à ce que les cargos frappent leurs cibles. Et plus particulièrement le recours, pour terminer votre message, à cette vieille expression officielle.

— On ne s’en sert donc plus ?

— Je ne l’ai rencontrée que dans les documents historiques. » Desjani hocha la tête sans se départir de son petit sourire. « Oui, c’est bien le genre de petite touche à leur flanquer une trouille d’enfer, parce qu’elle marque indubitablement le retour de Black Jack Geary. »

Celui-ci opina à son tour du bonnet mais garda ses réflexions pour lui. Ouais. Génial. Apprendre que je fais sans doute l’effet d’une créature de cauchemar à un tas de gens n’était pas mon vœu le plus cher.

Mais on fait avec ce qu’on a.

Sept

Quelque neuf heures plus tard, Geary veilla soigneusement à se trouver sur la passerelle de l’Indomptable pour assister au « retour au bercail » des vaisseaux marchands du Syndic.

« Ils en ont réduit deux en poussière d’étoile avec de très, très gros missiles, lui apprit Desjani. Dommage que vous ayez raté ça, mais, si vous avez envie d’assister plus tard à l’événement, l’enregistrement se trouve dans la bibliothèque tactique.

— Quelle espèce de missile peut bien produire ce genre de dégâts ? s’étonna-t-il.

— Mes spécialistes de l’armement me disent qu’il doit s’agir d’armes de bombardement planétaire. Il y a peu de chances d’atteindre un vaisseau de guerre avec, mais les cargos arrivaient sur une trajectoire déterminée et ne pouvaient esquiver. La moitié des missiles ont toutefois manqué leur cible. »

Des armes de bombardement planétaire ? Pourquoi les Syndics en auraient-ils besoin dans un système aussi reculé que celui de Corvus ? Elles devaient être stockées sur une de ces deux bases militaires en orbite, voire sur les deux, puisqu’il n’y avait pas de gros vaisseaux de guerre dans ce système ; on les y conservait donc exprès. Il se frottait le menton en feignant d’examiner les positions de la flotte alors qu’il s’efforçait en réalité d’élucider cette énigme. Le seul usage que les Syndics auraient, pu en faire, c’était contre une planète de Corvus. Mais pourquoi auraient-ils… Oh ! Secoue-toi un peu, Geary. Tu sais comment les autorités du Syndic gardent le contrôle. En recourant à tous les moyens nécessaires. Conserver sur place des armes destinées à bombarder une planète n’est pour eux qu’un des moyens de s’assurer la docilité de la population.

Je n’ai jamais aimé les dirigeants du Syndic. Je commence maintenant à réellement les détester. Il scruta l’image de la planète habitée. Pas franchement un séjour édénique. Pas assez d’eau, déjà. Une atmosphère un peu trop mince. Pourtant une planète capable de nourrir une population relativement élevée. Je ne suis pas fâché de n’avoir pas exercé de représailles contre ces gens. Ils ont déjà suffisamment de soucis à se faire avec leurs propres dirigeants. « Du nouveau sur les capsules de survie éjectées par les cargos ?