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Cette fois, Geary sourit largement. L’absence de toute opposition dans le système l’avait, pour une fois, mis d’excellente humeur. « Je peux le comprendre. Vous avez fait du bon travail. Que puis-je pour vous maintenant ?

— J’aimerais vous présenter une suggestion et une requête. » Une petite fenêtre s’ouvrit, montrant une représentation du système de Caliban. « Nous avons la confirmation qu’il existait ici des mines de métaux.

— Ouais. Et elles ont été fermées, comme tout le reste.

— Certes, mais mes gens pourraient réactiver leur équipement automatisé s’il est encore intact. À en juger par les apparences, les habitants de Caliban n’ont pas dû beaucoup entamer les réserves de minerais de ce système, et nous pourrions utiliser certains de ces métaux à la fabrication de pièces détachées et d’armement pour les vaisseaux de la flotte. »

Geary s’adossa à son siège et réfléchit à la proposition. « Pourrez-vous raffiner tout le minerai que nous extrairons ou devrons-nous réactiver aussi les installations sidérurgiques du Syndic ? »

Le capitaine du Titan balaya l’argument d’un geste. « Aucun problème, capitaine. J’en ai la conviction. Certaines de ces mines se trouvent sur des astéroïdes. Ce qui implique des filons de minerai pur. Nous n’aurons ni à le raffiner ni à le purifier. Nous devrons le transformer en alliage, mais nous en avons la capacité.

— Dans quel délai ? Combien de temps vous faudra-t-il pour réactiver les mines, extraire le minerai et le charger sur le Titan ? Et quelques-uns des autres auxiliaires en auront aussi l’usage, j’imagine ? »

Le capitaine du Titan hésita pour la première fois. « Si tout marche à la perfection, le minerai sera à bord dans une semaine. Et, oui, effectivement, d’autres vaisseaux des forces auxiliaires peuvent utiliser ces métaux. Nous attarder dans ce système comporte un risque, j’en suis conscient, mais, avec ces métaux, nous pourrions usiner tout ce dont nous aurions besoin pour continuer. »

Geary baissa les yeux et réfléchit. Si tout ne marche pas à la perfection, et ce sera probablement le cas, ça prendra sans doute plus d’une semaine. Malheureusement, je n’ai aucune idée exacte du temps que mettront les Syndics à comprendre que nous sommes allés à Caliban, ni du délai qui leur sera ensuite nécessaire pour y expédier une force conséquente. C’est donc une gageure. Mais je comptais de toute façon passer un bon moment dans ce système. Et, si je ne tiens pas ce pari, qui sait quand nous aurons de nouveau l’occasion de réapprovisionner les ateliers de ces auxiliaires ?

À propos d’auxiliaires, qui donc commande cette division de la flotte ? Qui aurait dû m’appeler pour me présenter lui-même cette suggestion ? Il tapota quelques touches et ressentit une certaine satisfaction en réussissant à activer la bonne commande, tandis que les données correctes s’affichaient sous ses yeux. « Une dernière question. Je crois comprendre que le commandant de la division des auxiliaires est le capitaine Gundel du Djinn. Pourquoi ne m’a-t-il pas fait cette proposition au nom de tous les vaisseaux qui pourraient en profiter ? »

Geary se persuada qu’il venait de surprendre une fugace lueur de culpabilité dans le regard du commandant du Titan. « Le capitaine Gundel est très occupé, capitaine. De nombreux problèmes réclament son attention immédiate.

— Je vois. » Il me semble, du moins. « Très bien. Entamez les préparatifs de concrétisation de votre projet. Dès que vous enverrez des équipes inspecter physiquement les installations, faites-le-moi savoir.

— À vos ordres, capitaine. »

Geary fixa quelques instants le point de l’espace où s’étaient affichées les dernières images tout en réfléchissant à ses options. Puis il haussa les épaules et contacta directement le capitaine Gundel. La vigie de la passerelle du Djinn répondit sur-le-champ, mais un bon moment s’écoula avant que Gundel lui-même n’apparût, l’air visiblement contrarié. Il servait manifestement dans la flotte depuis un bon moment : sa tenue oscillait étrangement entre l’étalage obsessionnel de ses nombreuses décorations et le débraillé de son uniforme. « Oui ? Qu’y a-t-il ? »

Geary ne put s’empêcher de remarquer que, en dépit du tempérament belliqueux de son interlocuteur, aucune de ces décorations ne récompensait un acte d’héroïsme au feu. Il demeura impassible mais arqua un sourcil. « Capitaine Gundel, ici le capitaine Geary, commandant de la flotte.

— Je sais. Que voulez-vous ? »

Parle-moi encore sur ce ton et je te fais pendre par les pieds. « J’aimerais qu’on me recommande la ligne à suivre pour réactiver les installations minières désaffectées du Syndic afin d’en extraire des minerais pour les auxiliaires. »

Les lèvres de Gundel s’activèrent hargneusement. « Je vais devoir étudier l’affaire. Pendant… un mois, disons. Il me faudra sans doute ordonner une inspection préalable exhaustive de ces installations avant de vous faire parvenir mes recommandations écrites.

— Il me les faut aujourd’hui même, capitaine Gundel.

— Aujourd’hui ? Impossible. »

Geary patienta un instant, mais Gundel n’avait manifestement pas l’intention de lui proposer une alternative. « Quels sont les besoins prioritaires du Djinn à l’heure actuelle ? »

Gundel cligna des yeux, de toute évidence pris de court. « Je peux vous les transmettre sous quelques jours… Pas sûr.

— Vous êtes le commandant du Djinn. Vous devriez n’avoir que cela en tête.

— J’ai de nombreuses responsabilités ! Vous et moi n’avons visiblement pas la même conception des devoirs d’un commandant de division ! »

Vous et moi n’avons visiblement pas la même conception du commandement de cette flotte ! Mais, bien que la moutarde lui montât au nez, Geary s’astreignit à faire bonne figure. « Merci, capitaine Gundel. »

Il coupa la communication, conscient que cette interruption brutale agacerait infiniment Gundel, puis fixa encore le vide quelques instants. Si Gundel se conduisait ainsi avec ses supérieurs, on n’avait aucune peine à s’imaginer comment il se comportait envers ses subordonnés. Ce qu’on pouvait sans doute tolérer de la part d’un officier capable, mais pas d’un homme qui donnait l’impression de briller par son incompétence et refusait de se plier à des ordres limpides. Qu’il dût gicler crevait les yeux, mais la relève d’un officier supérieur d’une telle ancienneté devrait se faire avec doigté, sans donner à des gens comme le capitaine Numos d’autres justifications à la colère qu’ils couvaient contre Geary. La voie la plus directe et la plus diplomatique serait sans doute une promotion le soustrayant à son commandement… mais le moyen, dans une flotte n’offrant aucune possibilité d’avancement, de bombarder une vieille baderne à un grade supérieur ?

Qu’aurait dit mon vieux chef ? À part, bien sûr, « Prends une cuite et regarde si ça va mieux au réveil ». Minute. Le règlement. Il affirmait qu’on peut toujours y trouver de quoi justifier ce qu’on envisage. Jusque-là, ce conseil m’a toujours profité.

Il afficha le règlement de la flotte et entreprit quelques recherches à l’aide de mots-clés, en explorant les textes en quête d’un article qui pourrait éventuellement l’aider. À sa grande surprise, la réponse jaillit assez vite. Mais ai-je vraiment envie de faire ça ? Il revint aux états de service et afficha les données des dossiers personnels des autres commandants de vaisseau de la division des auxiliaires. Le commandant du Titan, comme il l’avait pressenti, était passablement jeunot pour occuper ce poste, même en tenant compte de la moyenne d’âge actuelle des officiers de la flotte. Ce qui expliquait sans doute son zèle et son empressement à le contacter pour lui faire part de sa suggestion. D’un autre côté, étant donné son ancienneté, Gundel était trop âgé pour commander le Djinn, vaisseau d’un moindre tonnage. Toute la différence qui sépare un officier ambitieux, compétent et soucieux de bien faire d’un type qui cherche uniquement à se planquer dans sa confortable sinécure.