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Mais il y avait également le capitaine Tyrosian du Sorcière. Expérimentée, certes, mais pas exceptionnellement chevronnée. Ingénieur estimé, officier bien noté, assez d’ancienneté pour briguer un commandement plus élevé. Pour ce que ça valait, elle avait belle allure sur le papier.

Geary passa un autre appel. Le capitaine Tyrosian était sur sa passerelle et se rendit aussitôt disponible. Elle lui jeta un regard respectueux, mais il lui sembla lire une certaine méfiance dans ses yeux. « Oui, capitaine ? »

Respect de l’étiquette. Ça lui ajoute tout de suite des points. « Je prends simplement contact en personne avec tous les commandants des auxiliaires. Comment se comporte le Sorcière ?

— Comme nos rapports l’indiquent, capitaine. Nous n’avons que peu souffert pendant la bataille dans le système mère du Syndic, de sorte que, pour l’heure, notre travail consiste surtout à reconstituer les réserves de munitions de la flotte.

— Où en êtes-vous de vos stocks de matériaux bruts ? »

Le capitaine Tyrosian n’hésita pas une seconde. « Il nous en faudrait davantage.

— Dans quel délai pourriez-vous me fournir un rapport sur les possibilités de réapprovisionnement ? »

Elle le fixa d’un œil encore plus cauteleux. « Dès que vous me le demanderiez, capitaine, mais il vous faudrait faire passer cette requête par mon commandant de division. »

Parfait, capitaine Tyrosian. Vous savez ce qui se passe, vous êtes prête à faire ce qu’on vous demande, mais aussi à me rappeler que je dois me plier à la voie hiérarchique. « Merci, capitaine Tyrosian. »

Il consulta l’heure. Laissons s’écouler un délai acceptable. Deux heures.

Il consacra cet intervalle à travailler à ses simulations de combat destinées à l’entraînement de la flotte, tandis que celle-ci s’enfonçait à une allure paresseuse dans le système de Caliban, puis rappela le Djinn. « Capitaine Gundel ? »

Gundel donnait l’impression d’être encore plus irascible. « J’ai un tas de choses à faire.

— Alors vous ne serez pas mécontent d’entendre ce que j’ai à vous dire, capitaine Gundel. Je me suis rendu compte que j’avais besoin d’un homme susceptible de travailler à l’établissement des besoins à long terme de cette flotte. Quelqu’un d’assez expérimenté pour rassembler de façon exhaustive toutes les données requises, même si cette tâche demande un bon bout de temps. » Il sourit à Gundel, lequel, de manière un tantinet condescendante, tentait de donner l’impression qu’il approuvait cette décision. « Mais, si d’autres responsabilités venaient sans arrêt distraire cet officier de sa mission, il lui serait impossible de se concentrer sur elle. Je vous prends donc dans mon état-major, capitaine Gundel, à titre d’ingénieur en chef-conseil. » Il lui sourit de nouveau.

Gundel semblait maintenant en état de choc.

« Bien entendu, reprit Geary sur le ton de l’excuse, vous êtes conscient que le règlement de la flotte interdit le cumul des postes de commandant de vaisseau ou plus élevés en grade avec ceux d’officier d’état-major. Trop de préoccupations et de responsabilités conflictuelles. Le professionnel que vous êtes doit sûrement le comprendre. De sorte que, pour pouvoir jouir de l’avantage exclusif de vos conseils, je me dois de vous relever de votre commandement du Djinn. Vous aurez besoin d’un bon bureau pour rédiger le rapport que vous m’adresserez, et je sais qu’un petit vaisseau comme le Djinn ne dispose guère d’espace libre ; vous devrez donc vous transférer sur le Titan. Je veillerai à ce qu’on vous fournisse un bureau convenable à son bord. Et de même, bien sûr, dans la mesure où vous ne commanderez plus le Djinn, le capitaine Tyrosian du Sorcière sera désormais le commandant de la division des auxiliaires.

» Alors, pas de questions ? Excellent. Puisque nous sommes pressés par le temps, veuillez remettre avant minuit le commandement du Djinn à votre second. Vous serez transféré dès demain sur le Titan. »

Gundel retrouva enfin sa voix. « Vous… Vous ne pouvez pas…

— Oh que si. » Geary reprit un visage austère et sa voix se fit plus sèche. « Mes ordres seront transmis au Titan, au Djinn et au Sorcière dès la fin de cette conversation. Nul officier aussi chevronné que vous ne songerait à tergiverser en recevant l’ordre d’une nouvelle affectation, j’imagine. » Geary marqua une pause, sachant que ces paroles ne manqueraient pas de rappeler à Gundel l’exemple de l’ex-commandant Vebos de l’Arrogant. Puis il contint encore un instant son irritation, le temps de le laisser réfléchir aux avantages qu’offriraient à un officier de son acabit l’exonération de ses responsabilités de commandement et la possibilité de se consacrer à un interminable projet de recherches sans qu’on pût pour autant le soupçonner d’avoir été relevé de ses fonctions pour une raison de service. Geary vit l’expression de Gundel s’altérer dès qu’il prit conscience de l’aubaine que représentait une telle affectation pour un officier aux ambitions limitées. « Cela posera-t-il un problème ?

— Non. Non, aucun. » Geary vit le regard de son interlocuteur changer de nouveau d’expression, comme s’il réfléchissait encore aux choix qui s’offraient à lui, puis Gundel hocha pensivement la tête et reprit contenance. « Un emploi avisé de votre personnel. Il va sans dire que je regrette de devoir quitter le Djinn.

— Bien sûr.

— Mais j’ai formé moi-même mon second. Il devrait avoir profité des leçons qu’il aura prises durant ma période de service et faire un commandant très convenable pour le Djinn.

— C’est bon à savoir.

— Le capitaine Tyrosian aura également, me semble-t-il, tiré profit des observations qu’elle a pu faire quand j’étais commandant de division.

— En ce cas, il ne saurait être question de revenir en arrière, affirma Geary, pressé de mettre un terme à ce torrent apparemment inépuisable de rodomontades.

— Vous vous rendez compte, bien entendu, que la rédaction du rapport que vous me demandez exigera un très long processus, du moins si je veux rendre un travail convenable.

— Prenez tout le temps nécessaire. » Plus ce sera long, mieux ce sera, puisque vous ne serez plus dans mes jambes ni dans celles de personne. « Merci, capitaine Gundel. » Geary coupa précipitamment la connexion avant que son interlocuteur n’ajoutât autre chose. Avec un peu de chance, je n’aurai plus jamais à lui parler. Il peut travailler sur ce rapport autant d’années qu’il lui plaira, jusqu’à sa retraite si besoin, et le transmettre ensuite au malheureux qui commandera alors la flotte.