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Tyrosian parut une seconde éberluée puis sourit. « Le chef Ishiki va sûrement apprécier, capitaine. Faudra-t-il envisager une cérémonie pour son inauguration ?

— Si vous avez envie d’improviser quelque chose, n’hésitez pas. Tout le monde s’échine dans cette flotte et un peu de distraction ne saurait nuire.

— Non, capitaine. Ce rocher présente de bons filons de minerai. Combien de temps devrons-nous l’exploiter ? »

Geary médita la question. « Le délai reste indéterminé. Partez du principe qu’il faut travailler vite, mais, si possible, j’aimerais remplir à ras bord les soutes des auxiliaires avant notre départ. »

Tyrosian haussa les sourcils. « Ça représente des tonnes de minerai brut, capitaine Geary. Ce qui exigerait des semaines compte tenu de notre rythme d’extraction et de transbordement.

— Je ne peux pas vous garantir ces semaines, mais chaque journée comptera.

— Je me sens obligée de vous rappeler que tout ce tonnage supplémentaire risque d’affecter l’aptitude de mes vaisseaux à manœuvrer. En particulier le Titan, qui est le plus volumineux. Mais le Sorcière, le Djinn et le Gobelin n’en seront pas moins ralentis. »

Geary sentit poindre une douleur familière derrière ses globes oculaires. « Jusqu’à quel point la capacité d’accélération du Titan sera-t-elle obérée si ses soutes de minerai sont remplies à ras bord ? »

Tyrosian jeta un coup d’œil de côté ; elle manipulait visiblement des commandes. « Voici ses performances à charge pleine, capitaine Geary. »

Geary lâcha un soupir en lisant les données que venait d’afficher Tyrosian. « Ce sera vraiment un cochon volant, hein ?

— Nous préférons d’ordinaire le terme “éléphant volant”. Un cochon volant serait sans doute plus facile à manœuvrer que le Titan chargé à ras bord.

— Merci. J’apprécie le distinguo. »

Tyrosian semblait dubitative. « Tenez-vous toujours à ce qu’on remplisse ses soutes, capitaine ? »

Geary se massa l’espace entre les yeux pour tenter d’enrayer la sourde pulsation. « Oui. Si nous ne pouvons pas fabriquer ce dont nous aurons besoin à long terme, peu importe la vitesse à laquelle nous nous déplacerons dans l’immédiat. S’il me faut choisir, j’aime autant me préparer à un long trajet.

— Oui, capitaine. Demandez et nous le fabriquerons. » La vieille devise des ingénieurs de la flotte, inchangée depuis son époque, lui arracha un sourire. « Merci, capitaine Tyrosian. Je sais que je peux toujours compter sur vous et vos vaisseaux. » Cet éloge la fit également sourire.

Il regagna sa cabine en faisant mine d’ignorer les devoirs de sa charge, ragaillardi par son entretien avec le capitaine Tyrosian mais pressé de se reposer. Or on l’attendait devant le sas de sa cabine. « Madame la coprésidente. » Il espérait que sa lassitude et son peu de désir d’engager la conversation n’étaient pas trop transparents. « À quoi dois-je l’honneur de votre visite ? »

Rione inclina la tête pour lui rendre la politesse puis montra l’écoutille. « J’aimerais vous parler en privé, capitaine Geary.

— Je ne voudrais pas paraître discourtois, mais ne pourrions-nous pas remettre à plus tard ? J’ai été très occupé dernièrement.

— Je l’avais remarqué. » Rione le dévisagea en arquant les sourcils. « Tellement occupé que toutes mes autres tentatives pour vous rencontrer ont échoué. J’aimerais réellement m’entretenir tout de suite avec vous. »

Geary réussit à s’interdire un soupir trop prononcé. « D’accord. Entrez, je vous prie. » Il s’effaça pour la laisser passer la première puis lui indiqua un siège et se vautra sans cérémonie dans le sien.

Sa conduite lui valut un autre regard de Rione. « Vous ne m’avez guère l’air, aujourd’hui, du héros de légende à la volonté d’acier, capitaine Geary.

— Le héros de légende à la volonté d’acier est diablement fourbu aujourd’hui, madame. Que puis-je pour vous ? »

Sa brutale franchise parut légèrement surprendre Rione, mais elle finit par s’asseoir dans le siège qu’on lui indiquait. « Ma question est simple, capitaine Geary. Quelles sont vos intentions ? »

Il haussa les épaules. « Comme je l’ai déclaré à chaque fois qu’on me l’a posée, je compte ramener cette flotte à bon port.

— En ce cas, pourquoi nous attarder à Caliban ? »

Celte femme a vraiment le don de poser des questions embarrassantes. Il réfléchit un instant avant de répondre. « Nous avons besoin de temps. Nous ne sommes pas oisifs. Comme vous le savez sans doute, nous rapportons des minerais aux vaisseaux qui pourront en faire usage. Le Titan et ses pareils fabriquent de nouvelles cellules d’énergie, des pièces détachées pour l’équipement endommagé ou détruit et des munitions pour remplacer celles qui ont été dépensées ; nous procédons, à l’extérieur de nos vaisseaux, à de grosses réparations qui n’ont pu être effectuées dans l’espace du saut, nous récupérons tout ce qui pourrait nous servir dans les installations désaffectées et, surtout, plus capital encore, nous nous livrons à des manœuvres d’entraînement.

— D’entraînement. » Rione plissa les yeux. « Pourquoi ?

— Comme vous le savez aussi, j’en suis sûr, madame la coprésidente, nous nous entraînons au combat. Je veux, la prochaine fois que nous affronterons une flotte puissante du Syndic, que celle de l’Alliance se comporte en organisation militaire plutôt que comme un ramassis de bleus bien intentionnés mais superagressifs. » Diable ! Il devait prendre garde à ne pas se montrer trop abrupt avec Rione. Qu’une telle déclaration fût trop largement répercutée l’afficherait mal !

« Capitaine Geary, à notre première rencontre, je vous ai déclaré que cette flotte était “friable”. Vous en êtes convenu avec moi. Comment pouvez-vous parler aujourd’hui d’affronter une flotte ennemie puissante ? » À mesure que Rione s’exprimait, sa voix se faisait plus dure et plate.

Regrettant de ne pouvoir s’abriter de ces fortes paroles derrière des boucliers, Geary se contenta d’opiner. « J’étais effectivement d’accord avec vous sur le moment. Mais on peut reforger l’acier quand il présente des pailles, madame la coprésidente. Et il retrouve sa dureté première.

— Dans quel but ? »

D’accord. Elle refuse, j’imagine, de m’accorder sa confiance quand nous abordons ce genre de sujet. Très bien. Confiance ou pas, elle n’aura droit qu’à la vérité. « Rentrer. J’en ai fermement l’intention. Écoutez… » Il se pencha pour taper une commande apprise par cœur puis montra l’hologramme des étoiles qui venait d’apparaître entre eux au-dessus de la table. « Le recours au système des sauts successifs implique que nous sommes encore très loin de chez nous. Je peux certes continuer de deviner les intentions des Syndics et de les prévoir à long terme, assez pour leur interdire de nous piéger, mais je ne peux pas tabler sur le fait qu’ils ne devineront pas les nôtres ou ne joueront jamais de bonheur. Autant dire que je ne peux pas m’attendre à ne jamais tomber sur une flotte ennemie qui pourrait sérieusement nous nuire. Que se passera-t-il alors ? Si la flotte de l’Alliance restait dans l’état où je l’ai trouvée avant de la conduire hors de leur système mère, elle courrait le risque d’être anéantie. Mais, madame la coprésidente, si je puis enseigner à ces spatiaux l’art de se battre aussi efficacement que vaillamment, alors nous aurons peut-être une chance de nous frayer un chemin à travers cette flotte ennemie en combattant. »