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Entre-temps, l’élan des Syndics avait sans doute lourdement contraint leurs vaisseaux à poursuivre leur attaque, mais, s’ils prenaient enfin conscience de ce que préparait Geary, ils pouvaient encore réagir de multiples façons. Cela dit, en raison de leur incapacité à voir les mouvements des vaisseaux de l’Alliance avant un certain laps de temps, il leur faudrait quelques minutes pour comprendre que les mâchoires du casse-noix commençaient de se refermer sur la trajectoire qu’ils avaient adoptée, tant au-dessus d’eux qu’au-dessous. Quelques minutes plus tard, ils verraient ses joues comprimer leurs flancs. Mais, même ainsi, ils pourraient encore se persuader qu’ils avaient le temps d’engager le combat avec le corps principal de la flotte ennemie avant que ces mâchoires ne les broient ; or les manœuvres de freinage de Geary avaient suffisamment retardé l’instant du contact pour permettre à l’étau de se refermer, et ce plusieurs minutes avant que le bélier du Syndic ne frappe le corps principal de l’Alliance.

Ils peuvent encore tenter d’obliquer vers le haut ou le bas pour s’en prendre séparément à l’une des mâchoires, mais, s’ils s’y risquent, je devrais pouvoir, de toute façon, lâcher sur eux le corps principal, et mes unités légères seront encore en mesure de pilonner leurs flancs. Ils ne s’en sortiront pas indemnes.

« Les vaisseaux du Syndic passent dans le bleu, signala la vigie tactique.

— Ils accélèrent ? demanda Desjani.

— Ils tentent de contrecarrer l’effet de notre décélération pour engager plus vite le combat. Ils se croient sans doute en mesure de s’extraire du piège en traversant le corps principal, fit remarquer Geary. Je doute qu’ils y parviennent. Duellos et Numos ne devraient avoir aucun mal à compenser cette accélération en élargissant leur angle d’interception.

— Mais, à cette vitesse, ils nous donneront plus de fil à retordre.

— Pas vraiment. Nous savons où ils vont. Ce sont eux qui vont s’en mordre les doigts, car la distorsion leur interdira davantage de nous repérer nettement. »

Alors que défilaient les dernières minutes précédant le contact, Geary dut recourir à son imagination pour visualiser les événements, le décalage temporel l’empêchant d’y assister en direct. Les senseurs de l’Indomptable et ses propres yeux lui disaient certes que les mâchoires du casse-noix se refermaient encore, alors qu’au même moment le disque supérieur des vaisseaux de l’Alliance tranchait déjà dans le vif du marteau du Syndic, à angle aigu, tandis que le disque inférieur, plus loin derrière, opérait de même selon un mouvement ascendant. Et, le temps pour les vaisseaux de l’Alliance de traverser la formation du Syndic dans sa largeur, chacun d’eux entrait en contact avec l’ennemi pendant quelques courtes minutes et pouvait ainsi frapper tous les bâtiments adverses à sa portée puis poursuivre sa course avant que ses propres défenses ne fussent soumises à trop rude épreuve. Mais, alors que ceux de l’Alliance s’extirpaient de ce piège en laissant à leurs boucliers le loisir de se renforcer, les vaisseaux du Syndic continuaient d’être frappés à coups redoublés par de nouveaux bâtiments de l’Alliance, à mesure que sa formation en disque s’enfonçait dans le marteau du Syndic.

Mais Geary ne pouvait se laisser absorber trop longtemps par cette image. « À toutes les unités du corps principal. Ouvrez le feu à mesure que les vaisseaux ennemis entrent dans votre enveloppe d’engagement tactique. Veillez à tirer d’abord des mitrailles puis des spectres. »

L’espace d’un instant, il craignit d’avoir trop affiné le minutage et, dans sa volonté d’opposer aux bâtiments de la formation syndic épargnés par les deux scies circulaires de l’Alliance un tir de barrage concentré, donné trop tard ce dernier ordre de feu à volonté. Mais il entendit l’officier responsable de l’armement de l’Indomptable signaler que les trajectoires prévues des bâtiments ennemis entraient dans l’enveloppe tactique du vaisseau amiral puis, un instant plus tard, que ses systèmes d’armement faisaient feu. Même en tenant compte du délai que mettait son ordre à parvenir à chaque vaisseau du corps principal, tous devraient avoir ouvert le feu à point nommé.

Entre la force du Syndic et le corps principal de celle de l’Alliance, l’espace se remplit soudain de brefs éclairs, une rafale de missiles tirée par l’ennemi venant de s’y enfoncer avant d’être anéantie par une vague de mitraille. Quelques instants plus tard, devant l’Indomptable, une large zone de l’espace s’illumina quand les vaisseaux du Syndic foncèrent la tête la première dans le barrage de mitraille et que les billes explosaient, vaporisées par les collisions avec leurs boucliers qui convertissaient en lumière et chaleur leur énergie cinétique. À croire qu’on avait repeint de lumière tout un pan de l’espace.

Le monstrueux éclair pâlissait toujours quand d’autres, encore plus grands et brillants, commencèrent de fuser comme autant d’ampoules de flash. Geary s’efforçait de rester impassible, conscient qu’il assistait à l’extinction de petits vaisseaux du Syndic que leurs boucliers débordés avaient laissés sans défense, exposés à davantage de rafales de mitraille qui les frappaient à une vitesse relativiste élevée.

Une vague de spectres suivit immédiatement la mitraille, martela les boucliers affaiblis et, dans nombre de cas, les transperça pour toucher la coque.

Le bélier de l’armada du Syndic avait été balayé en quelques instants.

Geary ravala sa salive en s’efforçant de ne pas songer aux nombreuses vies qui avaient pris fin dans ces éclairs aveuglants. Il jeta un regard à Desjani, qui étudiait toujours passionnément son hologramme, tout en crispant et décrispant alternativement les poings.

Les vagues suivantes de vaisseaux du Syndic maintenaient le cap, encore que leur élan ne leur laissât guère le choix, en se frayant péniblement un chemin à travers les épaves qui avaient formé leur bélier. Au lieu de frapper avec de nouveaux assaillants un corps principal de l’Alliance déjà affaibli, elles avaient été, elles aussi, victimes de ses deux scies circulaires avant d’être encore décimées par le champ de débris. Côté Alliance, les vaisseaux de Geary étaient pratiquement intacts et leurs boucliers à leur maximum.

Puis la charge du Syndic passa à portée de tir des lances de l’enfer de l’Alliance et l’espace se peupla d’éblouissantes décharges d’énergie convergeant vers les trajectoires qu’adopteraient les vaisseaux ennemis. Presque aussitôt après, Geary vit précipiter des champs de nullité à la rencontre de ces vaisseaux.

Il ne saurait jamais avec certitude ce qu’il avait réellement vu et ce qu’il avait imaginé de façon fulgurante quand les deux flottes s’étaient entremêlées, chacune filant à une vitesse supérieure à 0,1 c, tant les images de leur jonction défilaient vite, trop pour que l’esprit humain pût les enregistrer. Mais déjà le mal était fait.

Alors même que les boucliers de l’Alliance essuyaient un puissant tir de barrage, des bâtiments du Syndic à l’armement inférieur se ruaient déjà dans celui, nettement plus nourri, de la formation de Geary. Les boucliers des Syndics flanchaient ou laissaient passer des tirs meurtriers, tandis que les champs de nullité ouvraient de subites béances dans les fuselages et que les lances de l’enfer les flagellaient.

Les instruments de l’Indomptable, qui détectaient et évaluaient les dommages à une vitesse surhumaine, apprirent à son équipage que la plupart des vaisseaux du Syndic qui passaient devant Geary avaient essuyé des avaries. Nombre d’entre eux donnaient l’impression de n’être plus guère que des épaves emportées par leur élan avec leurs congénères indemnes. Le corps principal de l’Alliance traversait la zone de l’espace naguère occupée par les Syndics et Geary se rendit compte qu’un grand nombre des impacts qui touchaient les boucliers de l’Alliance n’étaient dus qu’à des débris des vaisseaux ennemis détruits.