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Eh bien… Bon sang ! Un autre coup d’œil vers Desjani ne lui valut qu’un hochement de tête pour toute réponse. Il allait devoir en passer par là. « Où… ? »

Desjani s’écarta d’un pas. « Ici, capitaine Geary. Je vais quitter la cabine et un bouclier virtuel chargé d’assurer votre intimité tombera autour de vous et de la coprésidente. Lorsque votre entretien sera terminé, dites : “Fin de la conférence privée, fin”, et vous pourrez de nouveau, si vous le désirez, communiquer avec les autres officiers. » Elle franchit précipitamment l’écoutille, comme soulagée de pouvoir finalement esquiver cet affrontement.

Geary la regarda sortir en s’efforçant de faire bonne figure ; et, tout en regrettant de ne pouvoir retrouver l’état d’hébétude qu’il endurait depuis son réveil, il se tourna vers la politicienne, dont le regard glacial ne semblait pas l’avoir lâché une seule seconde. « De quoi désirez-vous que nous nous entretenions ?

— De la confiance. » Sa voix n’était que d’un degré plus chaleureuse que son expression. « Plus spécifiquement, de celle que je devrais accorder à votre autorité en plaçant les vaisseaux de la République sous votre commandement. »

Geary baissa les yeux, se massa le front puis les releva pour la regarder. « Je pourrais vous répondre que votre seul autre choix serait de confier leur sort aux Syndics, et nous avons vu récemment comment ils se conduisaient en affaires.

— Ils pourraient agir différemment avec nous, capitaine. »

En ce cas, allez donc remettre votre précieux petit cul aux forces spéciales des Syndics, et vous verrez que ça ne me fait ni chaud ni froid ! Mais il savait qu’il avait besoin de tous les vaisseaux dont il disposait, et l’idée d’abandonner qui que ce fût derrière lui, consentant ou pas, lui répugnait en partie. « Ce ne serait pas une très bonne idée, m’est avis.

— Alors expliquez-moi pourquoi, capitaine Geary. »

Il inspira profondément et soutint son regard : « Parce que les Syndics ont massacré l’amiral Bloch et ceux qui l’accompagnaient quand ils ont tenté de négocier, alors même que tous les vaisseaux qui nous restaient les appuyaient. Vous-même ne disposerez que d’une fraction de ce soutien pour négocier. Croyez-vous vraiment que les Syndics traiteront mieux des gens dont la position sera beaucoup plus faible ?

— Je vois. » Elle détourna enfin les yeux et se mit à faire les cent pas le long d’une des cloisons. « Vous ne pensez donc pas que les forces combinées de la République et de la Fédération impressionneraient les Syndics ?

— Je crois même que les forces conjointes de la République, de la Fédération et de l’Alliance n’ont pas plus de chances qu’une boule de neige de survivre à une attaque massive de toutes les forces rassemblées ici par les Syndics. Nous pourrions certes leur nuire, et même gravement, mais pas y survivre. Et, à moins que les Syndics n’aient changé du tout au tout depuis l’époque où je les ai connus, ils ne jouent jamais franc-jeu. La raison du plus fort prévaut. »

Rione cessa d’arpenter la salle, fixa le pont puis le regarda. « C’est exact. Vous n’êtes pas parvenu à cette conclusion en partant du seul point de vue du combat. »

Geary gagna le siège le plus proche et s’y affala. Il ne s’était plus senti autant épuisé, moralement et physiquement, depuis son sauvetage, et, à cet égard, les médecins de la flotte s’étaient justement penchés sur lui avec anxiété après sa décongélation. Ils l’avaient prévenu, sans les connaître, des conséquences qu’une longue hibernation pourrait avoir sur son organisme. Je vais devoir tester ça sur le terrain, j’imagine. « Oui, madame la coprésidente. Je me suis efforcé d’y réfléchir.

— Épargnez-moi la condescendance. Ces vaisseaux sont le sang de la République. S’ils étaient détruits…

— Je compte rapatrier tous les vaisseaux que je pourrai.

— Vraiment ? Au lieu de vous regrouper pour organiser une brillante contre-attaque qui se solderait par une glorieuse victoire ? N’est-ce pas plutôt à cela que vous aspirez, capitaine Geary ? »

Geary se borna à la dévisager sans chercher à dissimuler sa lassitude. « Vous croyez sans doute me connaître.

— Je vous connais, capitaine Geary. Je sais tout de vous. Vous êtes un héros. Je n’aime pas les héros. Ils mènent à leur perte armées et armadas. »

Geary se rejeta en arrière en se frottant les yeux. « Je suis censément mort, lui rappela-t-il.

— Ce qui vous rend d’autant plus problématique. » Rione fit deux pas vers l’hologramme encore visible sur la table de conférence et le montra du doigt. « Savez-vous pourquoi l’amiral Bloch a pris ce risque ? Pourquoi il a mis en jeu dans cette opération une telle puissance de l’Alliance ?

— Il m’a dit que ça lui semblait un bon moyen de mettre un terme définitif à cette guerre.

— Oh que oui. » Rione hocha la tête, le regard toujours braqué sur l’hologramme. « Un coup audacieux, hardi. Un stratagème digne de Black Jack en personne, ajouta-t-elle à voix basse. C’est une citation, capitaine. »

Geary se raidit. « Il ne m’a jamais rien dit de tel.

— Bien sûr que non. Mais il l’a dit à d’autres. Et invoquer l’esprit du grand Black Jack Geary l’a aidé à remporter l’approbation unanime quant à cette opération. Qui, comme vous le voyez, s’est si bien déroulée.

— Ce n’est pas à moi qu’il faut le reprocher ! Je sauverai ce qui reste de cette flotte si je le peux, mais je ne suis en rien responsable de sa présence ici ! »

Elle s’était accordé une pause, comme pour l’écouter plus attentivement. « Pourquoi avez-vous assumé le commandement ?

— Pourquoi ? » Il désigna l’écoutille de la main. « Parce que l’amiral Bloch me l’a demandé. Me l’a ordonné ! Et que, ensuite… ils… » Il contempla le parquet, le visage renfrogné ; il n’avait pas envie de la regarder en face. « Je n’avais pas le choix.

— Vous vous êtes battu pour asseoir votre autorité, capitaine Geary.

— Il le fallait. Sans un commandant en chef, sans une autorité légitime, cette flotte se serait effondrée et serait intégralement détruite par les Syndics. Vous avez dû vous en rendre compte, vous aussi. »

Elle se plia en deux et ses yeux cherchèrent ceux de Geary. « Puis-je me fier à Black Jack Geary ? C’est ce que vous êtes.

— Je suis un officier de l’Alliance. Et… j’ai une mission à mener, si j’en suis capable. » Il tenta vainement de ravaler ces cinq derniers mots, peu désireux de laisser transparaître un signe de faiblesse, incertain de l’impact négatif qu’il pourrait avoir sur les chances déjà bien minces de la flotte. « Je ne suis pas davantage.

— Pas davantage ? Pas même un héros de légende ? » Elle se rapprocha pour le scruter. « Qui êtes-vous, alors ?

— Je croyais que vous le saviez déjà.

— Je sais qui est le grand Black Jack Geary et je crains qu’il ne prenne une initiative héroïque insensée qui scellera le destin de cette flotte, voire ceux de l’Alliance et de mon propre peuple. Êtes-vous Black Jack Geary ? »

Il ne put s’empêcher d’éclater de rire. « Personne ne le pourrait. »

Elle l’observa longuement puis tourna les talons et s’éloigna de nouveau de quelques pas. « Où est la clef de l’hypernet ?

— Quoi ? »

Elle pivota sur elle-même, l’œil flamboyant. « La clef de l’hypernet du Syndic. Je sais que cette flotte en détient encore une. Si jamais elle a été détruite, alors vous l’avez nié devant tout le monde pour vous assurer qu’on suivrait votre plan. Elle existe toujours. Où est-elle ?