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Dans un angle de la cabine, Victoria Rione et le chef Gioninni écoutaient les conversations tout en s’entretenant à voix basse. Ils avaient l’air de s’entendre à merveille en dépit de l’accueil initial assez frais de Rione.

Le docteur Nasr finit par se tourner vers Geary en hochant la tête. « Oui, amiral. Nous pouvons appliquer à la surface externe d’une cuirasse de combat une chaleur suffisante pour que rien n’y survive…

— Pardonnez-moi, doc, le coupa le sergent artilleur Orvis, mais, par ce “rien”, vous n’entendez pas aussi le fusilier qui se trouvera dans la cuirasse, au moins ? »

Nasr agita les mains, comme stupéfait. « Non, non, bien entendu. Elle protégera son occupant. Mais elle sera fichue, naturellement. Ses senseurs externes grilleront, ses articulations fondront et ses couches protectrices seront sévèrement endommagées. Le fusilier lui-même sera indemne, mais il faudra l’en désincarcérer après. »

Orvis se gratta la tête puis fit la grimace. « Indemne veut dire qu’il ne sera pas blessé. En règle générale. Mais ce ne sera agréable pour personne. Il fera une chaleur insoutenable dans cette cuirasse tant qu’on ne l’aura pas forcée. Cela étant, ses supports vitaux internes lui fourniront de l’oxygène le temps nécessaire, sans qu’on ait au moins à s’inquiéter de cela.

— Mais vos fantassins seront assurément capables de supporter cet inconfort, n’est-ce pas ? » s’enquit Rione.

Au tour du sergent Orvis d’afficher sa surprise. « Oh, bien sûr. Nous sommes des soldats. L’inconfort, une chaleur insupportable, nous faire tirer comme des canards ou prendre des coups, c’est le quotidien pour nous. Ce n’est que quand nous nous sentons vraiment à l’aise que nous sommes déstabilisés, tellement ça nous semble inhabituel. »

Rione marqua une pause pour regarder autour d’elle, le visage inexpressif. « Personne n’en a parlé jusque-là, mais qu’en est-il de vos deux lieutenants ? Ils ne porteront pas de cuirasse, eux. Ils auront été exposés à l’agent infectieux. Une seule bactérie suffit, n’est-ce pas ? Comment allons-nous gérer ça ? »

Le docteur Nasr fit la moue. « Nous pourrions apporter deux autres cuirasses et les enfermer dedans. Avec un peu de chance, si leurs crétins de kidnappeurs ne sont pas sortis de leur appareil et ne se sont pas trop exposés, il n’y aura pas de contamination à l’intérieur, à l’exception de ce que les fusiliers pourraient y introduire en dépit de tous nos efforts pour réduire les risques. Mais il faut malgré tout envisager la possibilité d’une contamination, de sorte qu’après la stérilisation de leur cuirasse les deux officiers devront être placés en isolement médical complet jusqu’à ce qu’on ait la certitude qu’ils n’ont pas été infectés. Nous ne pouvons guère faire mieux, et ça nous permettra de nous assurer que, même s’ils sont… pour ainsi dire déjà morts… l’infection ne se répandra pas.

— Je peux comprendre la nécessité de recourir à des solutions qui ne sont qu’un poil moins néfastes que nos autres options, admit Rione. Merci. Celle-ci nous offre nos meilleures chances de réussite sans compromettre nos mesures de sécurité.

— Mes gens prendront soin de faire endosser leur cuirasse de rabe aux deux officiers aussi vite et convenablement que possible, lui promit le sergent Orvis.

— Ensuite, vous devrez ramener tout le monde à bord, lui intima Geary. Vous êtes sûr de n’avoir pas besoin d’une des navettes pour vous débarquer à la surface et revenir ensuite vous chercher ?

— Seulement une pour le saut, amiral. De très haut. Mais pas pour nous ramener. Si la navette se posait, elle serait perdue. Pas moyen de pasteuriser intérieurement et extérieurement un coucou, comme l’a décrit votre médecin, sans tout bousiller. » Orvis tapota sur sa tablette et des images apparurent au-dessus. « Europa n’est pas une très grosse lune. On n’a pas à s’inquiéter d’une trop forte gravité. Un peu plus d’un dixième de g. Nous n’aurons besoin d’une navette que pour nous conduire aussi bas que l’autorise la quarantaine, puis nous sauterons et nous freinerons la chute avec nos réacteurs dorsaux. »

De minuscules fusiliers en cuirasse de combat sautèrent d’une mininavette pour ensuite chuter vers une représentation de la surface d’Europa.

« Le boulot fait, nous redécollerons en nous servant de ce qu’il restera d’énergie dans nos propulseurs pour regagner l’orbite. La puissance augmentée de la cuirasse, ajoutée aux réacteurs, devrait faire l’affaire.

— Vous pouvez réellement sauter de la surface jusqu’à orbiter autour d’Europa ? demanda Rione, sceptique.

— Avec l’assistance des réacteurs d’appoint, oui, madame. Mes fusiliers et moi-même, nous devrons certes sauter aussi haut que nous le permet la cuirasse, concéda Orvis. Mais nous serons très motivés. Le seul geste que vous pourriez faire pour nous motiver davantage serait de suspendre des canettes de bière à un sas. Ça nous fournirait un objectif.

— Le surcroît de motivation de la bière mis à part, quelle serait la marge d’erreur quant à votre capacité à atteindre l’orbite ? demanda Geary.

— Dix pour cent, amiral, admit Orvis.

— Pas énorme, mais largement suffisant. La couche de glace supportera-t-elle ce rôle de tremplin ? »

Cette fois, ce fut Desjani qui opina. « Pas de problème. Les senseurs de l’Indomptable ont étudié la surface. L’appareil furtif a atterri dans une zone où la glace est très épaisse et durcie. Pour ce qui nous concerne, il pourrait tout aussi bien s’agir de roche solide. »

Le docteur Nasr tapota à son tour sur sa tablette de données. « Les armes de l’Indomptable peuvent être recalibrées pour émettre un faisceau capable de stériliser l’extérieur d’une cuirasse sans tuer son occupant. Nous détruirons complètement sa couche supérieure afin de nous assurer que rien ne s’introduise dans le vaisseau. »

La chef Tarrini sourit. « Les artilleurs vont prendre leur pied à dégommer des fusiliers flottant dans le vide.

— J’aurais préféré que vous n’abordiez pas ce sujet, observa le sergent Orvis. Nous disposons de trois cuirasses de réserve, mais l’une d’elles est HS parce que nous avons dû emprunter certaines de ses pièces détachées pour en réparer une autre. Cela étant, nous n’avons besoin que de deux. Une fois dans l’appareil furtif, les lieutenants les enfileront et nous dégagerons tous. »

Nasr soupira. « Ne pourriez-vous pas envoyer un peu moins d’hommes pour tenter de sauver aussi quelques occupants de l’appareil ? » implora-t-il.

Geary consulta ses interlocuteurs du regard, mais tous se contentèrent de le lui retourner. Un des pires privilèges du pouvoir. Je vais devoir répondre moi-même à cette question. « Nous n’avons aucune idée de leur nombre, docteur. Compte tenu de sa taille, ils pourraient être six aussi bien que trente. S’ils sont trente, je leur enverrais les quarante fusiliers de l’Indomptable que nous ne serions pas franchement à notre avantage dans un assaut.

— Mais… s’ils ne sont que six ?

— Comprenez, docteur, ce que disait tout à l’heure l’envoyée Rione n’était que par trop exact. Même si nous arrachons certains d’entre eux à Europa, les locaux tiendront très probablement à les exécuter. »

Nasr hocha la tête, les yeux rivés au pont.

« Mais je verrai ce qu’on peut faire, promit Geary. Envoyée Rione, chef Gioninni, quand vous parlementerez avec les gens de l’appareil, tâchez de découvrir combien ils sont et s’il est possible de passer un marché avec eux. » Si cela n’avait pas d’autre utilité, savoir le nombre de criminels qu’abritait l’appareil furtif serait au moins précieux pour les fusiliers.

« En parlant des locaux, comment allons-nous nous en dépêtrer ? intervint Desjani. À voir le commandant Nkosi et le lieutenant Cole, ils ne permettront certainement pas à nos hommes de sauter sur Europa, d’en remonter puis de s’éclipser à bord de l’Indomptable.