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Il la ralentit davantage et simula quelques solutions.

Il souriait à présent.

Duellos le remarqua. « Ce sourire signifie que vous avez trouvé quelque chose, j’espère.

— Nous ne pouvons pas permettre aux croiseurs de combat d’accélérer au maximum pour livrer leurs assauts le plus vite possible, expliqua-t-il.

— Nous ne pouvons pas… » Duellos le dévisagea. « Comment ça ? C’est à cela que servent les croiseurs de combat.

— C’est à cela que nous les utilisons normalement : approches et attaques rapides. Mais ce qu’il nous faut en l’occurrence, c’est une approche lente. » Geary afficha sa simulation la plus réussie. « Regardez. Nous arrivons à une vélocité relativement lente pour procéder à des passes de tir alternées sur la poupe du cuirassé. Il commence à se retourner pour nous présenter sa proue. Il y est contraint. Une fois qu’il a activé ses propulseurs de manœuvre et commencé à pivoter, nous nous servons des capacités supérieures des croiseurs de combat pour modifier l’ordre de leur passage. Ce qui change complètement la manière dont il doit s’orienter pour riposter à chaque passe de tir individuelle. »

Duellos opina et, à son tour, sourit de satisfaction. « Il assistera à nos changements de vecteur et cherchera à pivoter dans l’autre sens. Mais sa masse est telle et il aura pris tant d’élan qu’il aura le plus grand mal à faire machine arrière, de sorte que nous nous réadapterons plus vite que lui. » Son sourire s’effaça soudain. « Mais, à ces vélocités relatives, nos vaisseaux lui fourniront de meilleures cibles, si du moins il parvient à réunir assez de puissance de feu pour les viser.

— Si nous cantonnons nos passes de tir à sa seule poupe, cela limitera le nombre de ses armes disponibles. Que savons-nous exactement des capacités de manœuvre d’un cuirassé syndic ?

— De ce modèle ? Beaucoup. Les vaisseaux de l’Alliance les ont vus en action lors de nombreux engagements et ont analysé ensuite leurs mouvements. Ce que contiennent nos simulations n’est pas parfait mais reste malgré tout d’une grande précision.

— Nous pouvons donc prévoir l’instant où il se mettra à pivoter et le délai qu’il lui faudra pour réagir. Ça ne marcherait pas s’il disposait d’une forte escorte pour interférer dans nos manœuvres et repousser nos assauts, ou s’il y avait deux cuirassés en mesure de se couvrir mutuellement et d’interdire à nos croiseurs de combat de leur porter de multiples frappes en un bref laps de temps. Mais, contre un unique cuirassé qui a choisi de protéger ses escorteurs plutôt que de se faire protéger par eux, ça peut être efficace. »

Duellos ne répondit pas tout de suite cette fois ; il étudiait le projet de Geary sous tous ses angles. « Amiral, je me dois de souligner que le temps de décélération supplémentaire requis pour réduire suffisamment la vélocité relative à notre approche du cuirassé sera considérable. Si cette manœuvre échoue, nous n’aurons guère le loisir de lui trouver un plan de substitution avant que le cuirassé n’arrive à portée de tir des cargos.

— Vous avez raison. Autre chose ?

— Voulez-vous que j’établisse les manœuvres de freinage des trois croiseurs de combat ?

— Oui. » Geary savait qu’il n’était pas le timonier le plus talentueux au monde, que Tanya le surpassait de très loin en ce domaine et que Duellos lui-même était sans doute plus doué que lui. Ce serait une bonne occasion de voir Roberto à l’œuvre de près.

« Amiral, la Flottille Deux altère son vecteur, rapporta l’officier de surveillance des opérations en même temps que résonnaient des alarmes. Elle vire vers l’extérieur du système et accélère vers une interception de notre formation Écho.

— Manœuvre préétablie », laissa tomber Duellos.

Geary hocha la tête. La Flottille Un, à des heures-lumière de la planète habitée, avait commencé à bouger il y avait des heures. Si celle du cuirassé ne s’était pas dévoilée un peu plus tôt, elle n’aurait été repérée que depuis très peu de temps par les vaisseaux de Geary, et l’image de la Flottille Un, piquant elle aussi sur les cargos de réfugiés, l’aurait suivie de près. « Ils ne se rendront compte du sabotage de leur timing que dans une heure et demie environ. S’ils continuent de venir sur nous, le capitaine de frégate Pajari s’en chargera. »

Cette dernière affirmation n’était pas dénuée non plus d’un soupçon de superstition : elle plaçait toute sa confiance en Pajari en même temps que tous ses espoirs en une manière de vœu pieux.

Geary se concentra de nouveau sur le cuirassé en s’efforçant de pressentir les mouvements de tous les vaisseaux, les délais qui les séparaient, induits par les vastes distances que devait franchir la lumière, d’anticiper les prochaines manœuvres et de s’y préparer.

Le brouhaha étouffé des échanges à voix basse du personnel de la passerelle en train de s’activer lui parvenait, tout comme il entendait les ordres que Duellos passait pour les manœuvres et ses réponses aux appels successifs des commandants du Formidable et de l’Implacable, qui tous se résumaient plus ou moins à cette phrase : « Que diable sommes-nous en train de faire ? »

L’Inspiré bascula et se retourna presque entièrement. Sa propulsion principale s’alluma. Non loin, le Formidable et l’Implacable épousèrent le mouvement. Ils luttaient à présent contre l’énorme vélocité qu’ils avaient acquise un peu plus tôt, tandis que leurs systèmes de propulsion s’échinaient à freiner leur élan sur leur trajectoire initiale pour le reprendre ensuite en direction du cuirassé.

Le vecteur des croiseurs de combat dans l’espace s’incurva pour plonger vers le cuirassé et ses escorteurs. La vélocité relative continua de se réduire quand ils dépassèrent en trombe l’ennemi qui arrivait sur eux, en le survolant tout en se maintenant légèrement à l’écart, hors de portée de ses armes sauf des missiles, qu’il préféra s’abstenir de tirer.

À un moment donné, une fois la flottille adverse dépassée, leurs deux vecteurs se confondirent fugacement. Durant ce bref espace de temps, les croiseurs de combat de l’Alliance comme le cuirassé et ses escorteurs parurent suspendus dans l’espace, comme figés dans une immobilité relative.

Puis, leurs unités de propulsion s’activant à plein régime, leur coque et leurs tampons d’inertie protestant avec vigueur contre les forces qui s’exerçaient sur eux, les croiseurs de combat entreprirent d’accélérer droit sur le cuirassé.

Toujours dans son fauteuil de commandement, Duellos avait l’air détendu, mais ses yeux ne quittaient pas Geary ; il guettait les ordres qui, du moins fallait-il l’espérer, feraient de ces passes de tir le succès requis.

« Toutes les armes sont parées à tirer, annonça la vigie des systèmes de combat. Boucliers au maximum. Contrôle des dommages pleinement opérationnel. »

Un point lumineux apparut sur l’écran de Geary, signalant que deux lance-missiles de l’Implacable venaient de tomber en rade. « Défaillance de la jonction électrique ! rapporta son commandant, l’air prête à mordre une bouchée de sa propre coque. Je réactiverai ces foutus machins dès qu’on arrivera à portée, même si je dois le faire à la main ! »

Elle n’aurait pas à patienter bien longtemps pour s’atteler au problème. Les croiseurs de combat continuaient d’accélérer et se rapprochaient du cuirassé. L’Inspiré était en première ligne pour le frapper, suivi par le Formidable puis l’Implacable. Cette fois, pas de formation fantoche : le Formidable arrivait juste derrière l’Inspiré, mais légèrement décalé d’un côté, tandis que l’Implacable suivait, décalé de l’autre. Geary avait tenu à adopter la plus simple des formations afin de présenter aux systèmes de contrôle des manœuvres du cuirassé des solutions aussi trompeuses que possible et à inciter ses officiers humains à la suffisance.