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— Des tueurs à gages, répondit le pilote. Si vous avez de l’argent et que vous voulez placer un contrat sur une tête sans qu’on vous pose de questions, c’est sur Mars qu’il faut faire votre offre. Les seules différences entre les trois principaux gouvernements rouges, ce sont la somme qu’ils exigeront pour détourner les yeux et le contrôle dont ils disposent sur leur territoire. À propos de détourner les yeux, vous n’êtes jamais montés à bord de cette navette, vous ne nous avez jamais vus, ni moi ni Oreilles décollées, et vous ne nous avez jamais adressé la parole. D’accord ?

— Ramenez-nous à l’Indomptable et nous n’en soufflerons pas un mot, promit l’amiral. Oreilles décollées ?

— La mécano.

— Oh ! » Geary étudia les mouvements des trois autres appareils furtifs. « Si vos contrôleurs de vol peuvent capter des données sur ces trois Gorms, pourquoi ne les ciblent-ils pas ?

— Les cibler ? » Le pilote et la mécanicienne de bord secouèrent la tête de conserve puis le premier reprit la parole. « Tirer dessus, voulez-vous dire ? Les armes anti-orbitales sont prohibées sur Terre et son orbite. Même s’il y en avait, nos règles en matière de conflit sortent tout droit d’un manuel de Gandhi.

— Quoi ? s’étonna Tanya.

— On ne tire pas, s’expliqua la mécano. Pas quand on est basé sur Terre ou qu’on relève de son autorité. Les trois Gorms qui nous traquent pourraient s’y résoudre s’ils avaient une bonne chance de faire mouche, mais uniquement parce que ce sont des Rouges, et, bien qu’ils appartiennent officiellement et entièrement à un des gouvernements de Mars, on n’en trouvera aucune preuve sur eux.

— Vous n’avez pas le droit de riposter ? interrogea de nouveau Tanya comme si la signification de tout cela lui échappait.

— Pas en orbite terrestre, précisa le pilote tout en imprimant une embardée à sa navette pour se faufiler entre les trajectoires de deux autres appareils de passage. Au-delà, si nous avons dépassé Luna, ça nous est permis, mais seulement si nous avons été touchés au moins deux fois. Deux frappes d’affilée sont forcément délibérées. Auquel cas, si nous sommes encore opérationnels, nous pouvons tenter de riposter.

— C’est démentiel.

— On peut le voir sous cet angle, j’imagine, convint la mécano. Mais, officiellement, ça signifie que nous sommes en paix et que nous tenons à le rester. Cela étant, nous avons des vaisseaux par-delà Luna. S’il nous arrivait malheur et que ces Gorms étaient ensuite victimes d’un malencontreux accident sur leur trajet de retour, eh bien… Fatalitas !

— Eh ! lâcha le pilote. Ferme ton clapet !

— J’essaie juste de leur expliquer comment ça marche par ici, protesta la mécanicienne de bord. Ils doivent savoir.

— Pourquoi le Bouclier de Sol n’a-t-il été victime d’aucun “accident malencontreux” avant notre arrivée ? » demanda Geary.

Pilote et mécano haussèrent les épaules. « Si quelqu’un l’avait prémédité, et je ne suis pas en train de dire que c’était le cas, ç’aurait sûrement été très ardu, parce que les gens du Boucler de Sol, qui sont nos voisins et tout et tout, savent parfaitement comment nous procédons. Ils étaient sur leurs gardes, ils étaient puissants et ils restaient groupés.

— Vous autres n’avez pas joué selon les règles, ajouta le pilote. Mais nous, nous y sommes toujours contraints. Quand on nous tire dessus, nous ne pouvons qu’esquiver. »

Desjani sourit. « Mon croiseur nous interceptera dans sept minutes et nous ne sommes toujours pas contraints de nous plier à vos règles. Si ces appareils martiens nous créent des problèmes, ils le regretteront amèrement. »

Ses deux interlocuteurs lui décochèrent des regards horrifiés. « Non, protesta la mécano. Vous ne pouvez pas. Pas en orbite terrestre.

— Je sais qu’il y a beaucoup de monde là-haut, mais les systèmes de contrôle de tir de mon vaisseau peuvent trouver le bon angle et…

— Non. Vous n’avez pas le droit de tirer en orbite terrestre. Il ne s’agit pas de règles ou de règlements. C’est… mal ! »

Desjani les dévisagea, perplexe.

Le souvenir de certains paysages qu’il avait vus sur Terre revint à Geary et il hocha lentement la tête. « C’est à cause de votre passé, n’est-ce pas ? Des dommages qui ont été infligés à la Vieille Terre depuis l’orbite.

— Oui, amiral, répondit le pilote. Pas seulement des bombardements qu’on a lâchés sur nos têtes, mais aussi de ce qui est advenu quand les combats là-haut ont perturbé des systèmes orbitaux devenus cruciaux. Après, c’est devenu franchement atroce à la surface. L’enfer ! Et tout ce qui aurait pu l’empêcher était HS. Pendant longtemps, nul n’aurait su dire si la Terre survivrait à ce qui ressemblait à un suicide collectif, et si nous n’allions pas nous éteindre comme les dinosaures. Personne sur Terre ne s’aviserait plus de déclencher un conflit là-haut. Si vous le faites, vous en resterez à jamais marqués, et de la pire des façons possibles. Je ne doute pas que vous pourriez éliminer n’importe quoi depuis votre position en orbite. Mais ce serait une erreur. Une très grave erreur. »

Tanya secoua encore la tête et consulta son unité de com. « Très bien. Je comprends. Larguer des cailloux sur des cibles civiles est une infamie. »

Quelque chose dans ses paroles ou sa voix avait dû laisser transparaître le souvenir de certains épisodes de l’histoire récente qui hantaient la flotte de l’Alliance, parce que les deux Terriens la fixèrent d’un œil empreint de stupeur et de désarroi. Geary s’empressa de reprendre la parole pour les distraire. « Pouvez-vous échapper aux appareils qui nous pourchassent jusqu’à ce que l’Indomptable nous ait rejoints ? »

L’attention du pilote se reporta brusquement sur lui. « Avec les données que nous transmet votre vaisseau, oui, amiral. Je n’en jurerais pas, parce qu’ils pourraient encore nous coincer accidentellement, et qu’il me faut aussi louvoyer entre les autres appareils qui circulent là-haut, ne nous voient pas et risquent de nous caramboler si je ne les évite pas.

— Mais vous affirmez qu’ils pourraient tirer ?

— En effet, confirma la mécano. Ils ne sont pas d’ici et dissimulent leur provenance pour que leurs patrons ne soient pas inquiétés. D’autant que la réputation des Rouges ne pourrait guère se dégrader davantage sans frôler le zéro absolu. Oh-ho ! Le plus bas des trois remonte et le plus haut descend sur nous en virant sur l’aile. Ils doivent capter certaines de vos transmissions. »

Desjani releva les yeux pour scruter le pilote et la mécano. « Que préférez-vous ? Disposer d’informations précises sur ces types ou que je coupe le flux de données ? »

Tous deux hésitèrent un instant puis le pilote fit la grimace. « J’aimerais mieux y voir clair, m’dame.

— Capitaine.

— D’accord. Capitaine. À voir leurs manœuvres, nos poursuivants n’ont toujours qu’une très vague idée de notre position. Mais ils connaissent notre destination, savent que nous devons opérer la jonction avec votre vaisseau, qu’ils voient venir. Ce qui restreint considérablement le champ de nos vecteurs possibles.

— Je vais tenter de bidouiller notre matériel pour les empêcher de capter nos transmissions », déclara la mécano en s’activant sur ses commandes.

Quelques minutes s’écoulèrent, au cours desquelles la navette se livra à des réajustements modérés de sa trajectoire, vers le haut, le bas, tribord ou bâbord, afin de se faufiler le long de vecteurs différents pour trouver le chemin le plus ouvert entre leurs poursuivants et les divers objets qui croisaient dans ce secteur de l’espace en même temps qu’elle continuait de viser une interception avec le croiseur de combat de Desjani.