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— Vous filez déjà passablement vite, commandant. Mon coucou pourrait soutenir le rythme, mais il brûlerait ses cellules d’énergie en un rien de temps et ce serait alors à vous de le remorquer.

— Économisez-les jusqu’à notre atterrissage, conseilla Geary au lieutenant de l’aérospatiale. Nos navettes auront sûrement besoin de toute la capacité de dissuasion dont sont capables vos coucous, et sans doute aussi de l’appui de leurs tirs.

— Amiral, les croiseurs lourds accélèrent sur un vecteur parallèle au nôtre », signala le lieutenant responsable de la surveillance des opérations.

Geary consulta son écran. « Pas parallèle. Ils piquent sur les capsules de survie du cuirassé.

— Pas si le Formidable et l’Implacable peuvent les en empêcher », déclara Duellos. Les deux croiseurs de combat accéléraient à leur tour et réglaient leur course de manière à rencontrer les croiseurs lourds ennemis près de la nuée de modules de survie.

Mais ceux-ci virèrent de nouveau sur l’aile en voyant s’approcher les vaisseaux de l’Alliance. Geary hésita une seconde, la main figée au-dessus de ses touches de com ; il attendait de voir ce qu’allait faire le capitaine Savik. Mais ses craintes se révélèrent infondées : Savik avait fait se retourner les croiseurs de combat pour les placer en orbite à une bonne minute-lumière des capsules. Les croiseurs lourds rectifièrent leur vélocité et adoptèrent la même orbite, tant et si bien que croiseurs de combats, croiseurs lourds et modules de survie semblaient suspendus dans l’espace, en immobilité relative les uns par rapport aux autres, et que les capsules occupaient à présent un périlleux no man’s land entre les deux groupes de vaisseaux de guerre.

« Le neuvième escadron de destroyers se dirige vers les modules de survie, rapporta le lieutenant des opérations. Il file à 0,15 c, de sorte qu’il devrait les atteindre dans une heure et demie.

— Très bien. » Geary étudia le mouvement des destroyers, non sans s’inquiéter du niveau de leur carburant. « Si ces manœuvres à haute vélocité se poursuivent, il nous faudra transférer des cellules d’énergie des croiseurs de combat aux destroyers pour les empêcher de se retrouver à sec.

— Redistribuées entre tous ces destroyers, celles que nous détenons ne nous mèneront pas bien loin, fit remarquer Duellos. Qu’est-ce que c’est que ça ? » s’interrogea-t-il alors que retentissait une nouvelle alarme.

Deux croiseurs légers venaient de surgir de derrière la superTerre ; ils virèrent latéralement sur l’aile et prirent la direction des cargos de réfugiés. « Apparition prématurée, laissa tomber Geary. Ils ont dû recevoir l’ordre d’avancer leur attaque.

— Aucun message en provenance du cuirassé n’aurait pu les atteindre assez tôt pour qu’ils se présentent à nous maintenant, convint Duellos. Voyons comment ils réagiront en constatant qu’il n’est plus là pour les soutenir. »

Au terme d’une heure d’observation, la réponse leur creva les yeux. « Tous les vaisseaux ennemis ont désormais assisté à la destruction du cuirassé et aucun m’a modifié son vecteur, affirma le lieutenant des opérations. Mais les deux groupes de croiseurs légers filent toujours sur une interception des cargos de réfugiés.

— Et les croiseurs lourds sont encore positionnés près des modules de survie, ajouta Duellos. Peut-être ne s’agit-il plus de Syndics techniquement parlant, mais ils combattent toujours comme des Syndics. »

Geary acquiesça d’un signe de tête. En dépit de ce que racontait la propagande, rares étaient les militaires de l’Alliance qui doutaient du courage des hommes et des femmes combattant pour les Syndics. Bien au contraire, leur détermination à mourir pour un régime si manifestement injuste les mystifiait ; cela étant, ils avaient cruellement appris d’expérience que l’ennemi était aussi coriace que résolu. Mais les Syndics étaient également soumis à une stricte, sinon rigide, discipline. Ils se pliaient aux ordres à la lettre, et parfois même en zélotes. « Où en sont les réparations de votre propulsion principale et de votre contrôle des manœuvres ?

— Elles avancent. L’Inspiré a pratiquement récupéré toute sa capacité de manœuvre, mais les deux unités de propulsion principales qui sont encore hors ligne étaient gravement endommagées. Mes ingénieurs ne peuvent me fournir aucun délai quant à l’achèvement des travaux. »

L’Inspiré serait dans l’incapacité de rejoindre les autres escorteurs des réfugiés avant que la Flottille Un ne les atteigne. La tâche d’interdire à ces croiseurs légers et à ces avisos de s’en prendre aux cargos impuissants incomberait donc au capitaine de frégate Pajari.

Une demi-heure encore avant que la flottille ennemie n’arrive sur les cargos et leurs escorteurs, et autant pour que le neuvième escadron de destroyers atteigne les modules de survie et entreprenne de hisser les prisonniers à leur bord. « Il est temps de m’adresser à la population de Batara. Dans son ensemble. Cette fois, il me faut une diffusion couvrant toutes les fréquences de transmission et l’intégralité du système stellaire.

— À vos ordres, amiral ! répondit l’officier des trans. Une seconde, amiral. Voilà ! C’est bon, amiral. »

Geary se redressa dans son fauteuil, vérifia que son uniforme faisait aussi bonne figure que possible puis effleura la commande. « À la population et à tous les vaisseaux du système stellaire de Batara, ici l’amiral Geary de la flotte de l’Alliance. Le seul but de notre présence est le rapatriement de ceux de vos concitoyens qui ont échoué dans l’espace de l’Alliance. Nous repartirons après les avoir déposés. L’Alliance n’a aucune visée sur ce système et n’a nullement l’intention d’imposer une dictature au peuple de Batara. Néanmoins, nous avons été soumis, sans aucune provocation de notre part, aux agressions de vaisseaux de guerre dont l’allégeance nous demeure inconnue. Nous avons riposté à ces attaques et nous continuerons de le faire en prenant les mesures nécessaires pour éliminer toute menace contre nos vaisseaux et la population de Batara. En l’honneur de nos ancêtres, Geary, terminé.

— Pure curiosité de ma part, dit Duellos, mais pourquoi ne pas leur avoir directement fait savoir que nous étions en mission humanitaire ?

— Parce que j’ai appris quelque chose il n’y a pas si longtemps en bavardant avec d’ex-Syndics. Pour eux, les mots “humanisme” et “humanitaire” sont synonymes de “tripatouillages”. Ils indiquent que celui qui les emploie ment tant sur ses motifs que sur ses objectifs réels, et qu’on s’en sert pour justifier une magouille visant un profit personnel. Si je leur avais expliqué que nous étions en mission humanitaire, ils auraient eu l’impression que je reconnaissais être venu les trahir. »

Duellos fixa son écran d’un œil morose. « Il m’arrive parfois de les prendre en pitié. Les Syndics, je veux dire. Mais je me rappelle alors qu’ils combattaient férocement pour un régime qui les exploitait sans merci, je me souviens du nombre des nôtres qu’ils ont tués au nom de ce même régime, et la moutarde me monte de nouveau au nez.

— Combien de gens l’Inspiré a-t-il perdus dans le dernier affrontement ?

— Le décompte définitif des pertes s’élève à dix-sept morts et trente-cinq blessés. Tous ces blessés sont désormais hors de danger, mais certains auront encore besoin d’être sérieusement rafistolés. Nous pouvons nous estimer heureux que ce ne soit pas pire. »

L’Implacable n’avait eu que deux blessés et le Formidable un mort et huit blessés. Tous avaient infligé à l’ennemi davantage de dommages qu’ils n’en avaient subi, mais ça n’avait rien de bien réconfortant.