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— Non, colonel. Vous êtes censé renseigner des gens qui empêcheront les Syndics de reprendre le contrôle de la planète. Le gouvernement local dispose sans doute encore de celui du système de com et des réseaux planétaires, mais nous pouvons le pirater et en tirer les informations que nous cherchons. Personne ici ne voudra croire un mot de ce que nous dirons, mais on reconnaîtra les meneurs des réfugiés et on les écoutera. Une fois que cette foule et les forces terrestres pas trop loyalistes de cette planète auront découvert ce qui se passe, elles résoudront peut-être le problème des réfugiés sans que nous attentions à notre honneur.

— Entendu, amiral. C’est votre combat. »

La foule qui entourait le terrain d’atterrissage avait encore grossi quand on autorisa Naxos et Araya à accéder au matériel de transmission de l’Alliance et qu’ils entreprirent de saturer les réseaux de communication planétaires de leurs annonces et autres appels à un nouveau gouvernement, ainsi que d’images des nervis des autorités et des troupes militaires qui menaçaient les réfugiés rapatriés. Geary ne put qu’admirer l’habileté avec laquelle les techniciens des unités des forces terrestres se débrouillaient pour trouver des images ne montrant strictement rien des soldats de l’Alliance qui protégeaient le périmètre du site du débarquement. Si l’on se fiait aux vidéos et aux photos, les réfugiés étaient sans défense face à la violence gouvernementale imminente.

« D’autres militaires locaux sont en train de se déployer, rapporta le colonel Voston d’une voix tendue. Cuirasses et armes lourdes, ainsi que des fantassins des forces terrestres. »

Geary coula un regard vers une partition de son écran affichant un globe planétaire dont le centre était occupé par le site du débarquement : les bases militaires d’une bonne partie de la planète y figuraient. « Ça s’ébranle un peu partout, pas seulement dans votre voisinage.

— Exact. Nous sommes incapables de dire où ils vont parce que tous les ordres du gouvernement que nous interceptons leur intiment de ne pas quitter leur garnison. Mais ces troupes n’obéissent pas aux ordres. Mon équipe de pirates ne capte rien qui pourrait trahir les intentions des unités qui s’ébranlent, de sorte que, si elles communiquent entre elles, c’est par des moyens auxquels nul ne peut accéder.

— Ce système stellaire appartenait aux Syndics, fit remarquer Geary. À ce que j’ai entendu dire, trouver le moyen de communiquer sans risquer d’être intercepté est le trait le mieux partagé des sociétés syndics. »

Voston fronça les sourcils. « Amiral, nous ne savons ni pourquoi elles s’ébranlent ni où elles vont. Un tas de Syndics nous cernent à l’extérieur de notre périmètre, d’autres nous pressent à l’intérieur, et les réfugiés ne cessent d’affluer. Si de nouvelles troupes de leurs forces terrestres se pointent, la merde ne va pas tarder à toucher le ventilo.

— Ce ne sont pas des Syndics, colonel. Nous les observons de là-haut, nous aussi. Vous disposez du soutien rapproché des trois coucous qui vous survolent et de celui d’un bon nombre de vaisseaux de guerre prêts à déclencher un bombardement cinétique pour vous appuyer. » Cela étant, il comprenait parfaitement l’inquiétude du colonel Voston. Une autre fenêtre virtuelle s’ouvrit devant Geary, montrant celle-là le site du débarquement vu du ciel. Au début, une large bande dégagée entourait les soldats de l’Alliance qui protégeaient le périmètre, mais, à mesure que d’autres réfugiés arrivaient, leur masse les avait repoussés vers l’extérieur, tandis que, hors du périmètre, la foule de plus en plus compacte qui les cernait s’était lentement rapprochée d’eux. Les soldats de Voston n’occupaient plus à présent qu’une plage étroite les séparant de groupes bien plus nombreux d’individus en qui ils voyaient des Syndics, et cette plage ne cessait de rétrécir. En de pareilles circonstances, les soldats les plus calmes seraient nerveux.

« Capitaine Duellos, ordonnez à votre officier des trans d’établir un contact direct avec quelques-unes des unités des forces terrestres locales qui sont en train de s’ébranler. Je veux aussi une ligne me permettant d’écouter d’ici les soldats du colonel Voston. »

Plus il prêtait l’oreille aux communications des forces terrestres, plus Geary sentait ces vétérans déjà traumatisés par les combats devenir fébriles et dangereux, à mesure que la foule qui les cernait s’en rapprochait, grossissait et se faisait plus agitée. De manière assez ironique, son idée de recourir à Naxos et Araya pour exacerber l’agitation populaire remportait un tel succès qu’elle menaçait de tourner au désastre. Si d’aventure les troupes carbonisées par les combats de Voston subissaient une trop forte pression et ouvraient le feu…

« Lieutenant Popova, ici l’amiral Geary.

— Sorcière nocturne, s’il vous plaît, amiral, répondit aussitôt la pilote de l’aérospatiale.

— Conduisez vos coucous au-dessus du site du débarquement des réfugiés, aussi bas que possible. Je tiens à ce qu’ils aient l’air aussi dissuasifs que ça leur est permis. Il faut impérativement retenir cette foule.

— On s’en occupe, amiral. »

Sans doute n’avait-il guère d’autres atouts dans sa manche, mais au moins disposait-il des nombreuses navettes qui avaient servi à débarquer les réfugiés. « Capitaine Duellos, ordonnez à vos gens des opérations de contribuer à disposer les navettes de manière à exfiltrer le régiment du colonel Voston en deux coups les gros.

— Ça risque d’être coton, amiral, prévint Duellos.

— Je sais. C’est bien pourquoi je leur demande de s’y atteler. » C’était pour moitié un aveu de ce qu’il éprouvait ou espérait réellement, et pour moitié l’expression publique de la confiance qu’il plaçait en l’équipe de Duellos, confiance qui la pousserait peut-être à faire mieux qu’elle ne le croyait possible. Les systèmes automatisés auraient sans doute régurgité les chiffres et le plan d’embarquement en quelques secondes, mais seuls des humains étaient capables de débusquer des méthodes non conventionnelles pour contourner des obstacles qu’un logiciel borné aurait jugés insurmontables.

— Amiral, ça s’envenime très vite ! annonça Voston.

— Je suis en plein dedans », répondit Geary en s’efforçant d’avoir l’air sûr de lui sans pour autant donner l’impression qu’il tenait les sérieux problèmes qu’affrontaient les soldats de Voston pour négligeables. « La foule…

— Ce sont plutôt les militaires locaux et les gros bras du gouvernement ! Soit ils bousculent les gens pour se rapprocher de nous, soit ils forcent les civils qui sont devant eux à progresser dans notre direction ! Nous… »

Voston dut s’interrompre : un AAR de l’Alliance venait de passer en rugissant juste au-dessus de sa tête avant de pivoter et de freiner simultanément pour entreprendre de dériver à l’aplomb du mince cordon des soldats de l’Alliance ; ses réacteurs de décollage vertical crachèrent, tonitruants, une véritable tempête de gaz d’échappement qui n’affectèrent aucunement les soldats en cuirasse de combat mais forcèrent les plus proches civils à battre en retraite.

Geary consulta sa vue du ciel et constata que les deux autres AAR jouaient le même rôle. « On a presque fini, colonel. Les dernières navettes de réfugiés sont en train de descendre.

— Compris, amiral. » Le sourire de Voston était crispé, et une pellicule de sueur couvrait son visage. « On tient bon.

— Nous avons une connexion avec une unité blindée locale, amiral ! »

Malgré le mouron qu’il se faisait pour Voston et ses soldats, Geary se vit contraint de reporter son attention sur une nouvelle fenêtre virtuelle qui venait brusquement de s’ouvrir devant lui et montrait une femme au visage sévère dont l’uniforme, rappelant le modèle syndic d’origine, n’avait été que légèrement modifié. Elle se trouvait visiblement dans un véhicule blindé, lequel progressait à vive allure. « Je dois connaître vos intentions, déclara Geary sans autre préambule.