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— Tu as parlé à un politicien ? » À l’instar de la plupart des officiers de la flotte, Desjani nourrissait une animosité fortement prononcée contre la direction politique, conséquence d’un siècle d’état de guerre, d’une guerre sanglante et inefficace, ainsi que le besoin de le blâmer de son incapacité à remporter la victoire.

Elle haussa les épaules. « C’est un vieil ami de ma mère. Elle se porte garant du fait qu’il est moins mauvais que les autres, et, dans la mesure où elle m’avait hélée pour me le présenter, je pouvais difficilement tourner les talons et m’éloigner. Le hic, amiral Geary, c’est qu’il m’a certifié que nul ne sait vraiment comment gérer la paix. Il s’est passé un siècle depuis que les Syndics ont ouvert les hostilités, de sorte que les politiciens n’ont jamais connu un environnement dépourvu de toute menace active. Le gouvernement se rabat sur ce qu’il sait. Il pense que l’Alliance a besoin d’affronter une nouvelle menace pour rester unie. Point tant d’ailleurs que les extraterrestres n’en soient pas une. Nous les savons décidés à nous agresser. Nous savons qu’ils ont entrepris des actions hostiles avant même que l’Alliance ne soit informée de leur existence.

— Dommage que ce soit à peu près tout ce que nous en sachions », grommela Geary en reportant son attention sur les nouvelles. Les prisonniers de guerre bientôt de retour chez eux, selon les autorités. Enfin une bonne nouvelle. Nombre d’hommes et de femmes capturés durant cette guerre qui semblait ne devoir jamais finir, et qui croyaient ne jamais revoir leur patrie, seraient bientôt réunis à leurs êtres chers. Rapatrier les survivants serait une tâche bienvenue, encore que ternie par la triste réalité. Trop d’entre eux étaient morts loin de chez eux durant ces décennies de captivité, et leur sort restait inconnu. Chiffrer le nombre des morts dans les camps de prisonniers syndics et dresser la liste de leurs noms exigerait de longues et lugubres années de recherches. « Nous sommes déjà assez cruels envers notre propre espèce. Pourquoi des extraterrestres hostiles devraient-ils s’ajouter à nos problèmes ?

— Pose la question aux vivantes étoiles, chéri. Je ne suis que le commandant d’un croiseur de combat. La réponse dépasse de très loin mon grade. »

La manchette suivante n’était pas surlignée d’argent.

Rapport de luttes intestines dans de nombreux systèmes stellaires du territoire des Mondes syndiqués, à mesure que l’autorité des Syndics continue de s’effondrer.

« Malédiction. Ce qui reste des Mondes syndiqués ne régnera bientôt plus que sur une infime fraction de la région qu’ils gouvernaient.

— Tu as l’air de le regretter, lâcha Desjani.

— Le chaos causera plus de morts d’homme et de problèmes pour nous », rétorqua Geary en montrant la manchette suivante : Les réfugiés fuyant les combats dans l’ancien territoire syndic arrivent dans les systèmes stellaires de l’Alliance.

Elle haussa les épaules, mais il sentit dans sa voix la tension qu’elle cherchait à dissimuler. « Ce sont des Syndics. Ils ont commencé la guerre et l’ont prolongée ; et maintenant ils en paient le prix. Tu ne t’attends tout de même pas à ce que je les prenne en pitié ? »

Geary songea aux nombreux amis et compagnons que Tanya avait vus mourir pendant la guerre, dont son frère cadet. « Non. Je me rends bien compte que très peu de gens de l’Alliance verseront des larmes sur la souffrance des Syndics.

— À juste titre, marmotta-t-elle.

— Je n’en ai jamais disconvenu. »

Un coin de la bouche de Desjani s’incurva en un sourire sardonique. « Tu viens de nous rappeler que ni nos ancêtres ni les vivantes étoiles n’appréciaient le massacre de civils et de prisonniers. Très bien. Nous avons cessé de tuer tout le monde pour ne plus nous en prendre qu’aux seuls combattants. Mais ça ne veut pas dire que nous sommes prêts à aider les Syndics survivants.

— Je sais. » Il avait toujours du mal à appréhender jusqu’à quel point cette longue guerre avait perverti la tendance naturelle des hommes à venir au secours de leurs semblables en détresse, fussent-ils d’anciens ennemis. Mais lui avait dormi pendant presque toute la guerre au lieu d’en souffrir jour après jour. « Ce que je dis, c’est que, par pur égoïsme, l’Alliance devra peut-être nettoyer le foutoir qui était naguère le territoire syndic. Quelque chose devra bien se substituer à l’ancienne autorité dans les zones qui échappent à l’emprise du gouvernement central. Elle devra donc s’assurer que ces successeurs sont représentatifs et pacifiques plutôt que despotiques et belliqueux, ne serait-ce que parce que c’est la plus intelligente des lignes d’action. »

Desjani jeta un coup d’œil à son écran avant de répondre. « À propos de foutoir, comment se comporte notre propre gouvernement ces jours-ci ?

— Pas très bien, manifestement. La manchette suivante dit : Les sénateurs de l’Alliance nouvellement élus exigent une enquête sur la corruption pendant la guerre.

— Enquêter sur la corruption au sein du gouvernement en temps de guerre pourrait occuper pas mal de gens pendant quelques décennies, fit-elle observer.

— Tant que je n’en fais pas partie…» Geary lut la manchette suivante avec une incrédulité croissante. Des sources bien informées affirment que Black Jack aurait demandé et reçu carte blanche du Grand Conseil de l’Alliance pour mener la campagne qui a mis fin à la guerre. « C’est faux ! Je n’ai strictement rien demandé. Qui a bien pu répandre ce bruit ? »

Desjani jeta un coup d’œil au titre. « Quelqu’un qui n’est pas content de la façon dont s’y prennent les politiques pour s’en attribuer tout le mérite. Certains autres politiciens qui cherchent à en tirer profit. Des officiers de la flotte qui ont entrevu la vérité et en ont déduit que tu avais menacé le Conseil. Là encore, les possibilités sont multiples.

— Pas étonnant que le gouvernement voie en moi une menace.

— Tu en es une, lui rappela-t-elle. Si tu n’avais pas convaincu le capitaine Badaya et ses pareils que tu dirigeais secrètement le gouvernement et prenais toutes les graves décisions en coulisse, ils auraient déjà tenté un coup d’État en ton nom. La situation pourrait être bien pire. »

Geary étudia de nouveau les manchettes en s’efforçant de lire entre les lignes. « Quelqu’un du gouvernement doit bien se rendre compte, comme nous, de ce qui retient la flotte ici. Agir ouvertement contre moi risquerait encore de provoquer un coup d’État que je ne pourrais pas contrecarrer, puis une guerre civile si certains systèmes stellaires s’avisaient d’y réagir en rompant avec l’Alliance. » Il avait mis longtemps à accepter l’idée que l’Alliance pût être à ce point fragile, mais un siècle de guerre, avec son coût énorme, tant en argent qu’en vies humaines, l’avait singulièrement usée aux entournures.

« Ça ne veut pas dire qu’ils ne tenteront pas quelque chose, fit remarquer Desjani.

— Le gouvernement serait-il à ce point stupide ? »