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Le docteur Setin, qui se présenta lui-même comme le responsable du groupe d’experts (« sans pour autant en être le chef au sens strictement hiérarchique du terme »), réussit à s’échapper assez longtemps du Tsunami, où Carabali les avait entassés, pour gagner l’Indomptable par navette. « Une fantastique opportunité ! affirma-t-il à Geary. Rencontrer une autre espèce intelligence que la nôtre, vous rendez-vous compte à quel point c’est excitant ?

— Oui, répondit Geary en lui souriant poliment, tout en repensant à la bataille de Midway.

— Mais vous les avez vous-même rencontrés ! Comment était-ce ?

— Excitant. »

Le docteur Setin était muni d’autorisations lui permettant de consulter les archives de la flotte portant sur les contacts avec les Énigmas, de sorte que Geary lui fournit les informations requises et le renvoya sur le Tsunami.

La veille du départ, tenant à mesurer par lui-même les progrès des réparations du cuirassé et le moral de son équipage, Geary s’offrit une tournée virtuelle à bord de l’Orion. Il avait pris la triste habitude de voir ce bâtiment lui faire faux bond lorsqu’on avait le plus impérieusement besoin de ses services et, en dépit de toute la confiance que Desjani plaçait en Shen, il ne pouvait s’empêcher de penser que le remettre sur ses rails risquait de tenir du miracle.

Shen semblait plus furibard que jamais lorsqu’il guida la présence virtuelle de Geary à travers l’Orion, en désignant de temps en temps une pièce mais en laissant le plus souvent la parole à ses hommes d’équipage. Un nombre assez remarquable de réparations avaient d’ores et déjà été effectuées, mais Geary fut davantage impressionné par la perspicacité de ces hommes lorsqu’ils lui parlaient de leur travail. « Tous les servants des batteries sont pleinement brevetés, tous les projecteurs de lances de l’enfer opérationnels à cent pour cent », déclara fièrement un sergent-chef. Geary s’arrêta pour examiner sa batterie.

Shen regarda autour de lui avec la tête d’un homme affligé d’une ampoule au pied et concentra son attention sur le sergent-chef. « Lironi a terminé sa qualification ? »

Le chef montra un des spatiaux d’un rang proche. « Oui, commandant

— Il était temps. » Shen s’adressa directement au matelot. « Vous auriez pu faire ça dix mois plus tôt et vous commanderiez à présent à cette batterie. La prochaine fois, tâchez de ne laisser tomber ni l’Orion ni vous-même. »

« Ils ont bonne allure, lui confia Geary en partant. Tant le bâtiment que les hommes. »

Fronçant les sourcils comme si Geary venait d’enfoncer une porte ouverte, Shen salua avec raideur juste avant que l’amiral ne coupe la connexion. Geary resta un bon moment planté dans sa cabine à se masser la nuque en se demandant comment réagirait l’Orion la prochaine fois qu’il ferait appel à lui.

Le lendemain, Desjani et lui s’assirent sur la passerelle de l’Indomptable ; Geary s’apprêtait à donner à la flotte l’ordre de quitter l’orbite autour de Varandal pour gagner le point de saut vers Atalia, dans l’espace des Mondes syndiqués, ou, plutôt, dans ce qu’avait été l’espace syndic avant que l’autorité des Mondes syndiqués ne commence à s’effondrer. Le statut actuel d’Atalia restait indécis, ce qui était déjà beaucoup mieux qu’hostile.

Ainsi qu’il l’avait plus ou moins redouté et s’y était à moitié résigné, une transmission urgente lui parvint. « Amiral Timbal ? » s’enquit-il. Timbal était jusque-là resté un soutien fiable, mais à présent son masque était rigide. « J’espère que vous n’appelez que pour nous souhaiter bon vent. » Timbal s’en était déjà acquitté quelques heures plus tôt, mais Geary pouvait toujours espérer.

Compte tenu de la distance de la station d’Ambaru, la réponse de Timbal ne lui parvint que trente secondes plus tard. « Avez-vous reçu des instructions relatives à vos auxiliaires, amiral Geary ?

— À mes auxiliaires ? » Le plan de Smyth serait-il déjà compromis ? La flotte partait dans une heure. « Non.

— Je viens de recevoir des ordres hautement prioritaires m’instruisant de reprendre le contrôle immédiat du Titan, du Tanuki, du Kupua et du Domovoï. Ils doivent être détachés sur-le-champ de la Première Flotte pour être affectés à d’autres missions. »

Sept

« Quoi ? » Il n’en croyait pas ses oreilles. Pas seulement la moitié de sa force auxiliaire mais les quatre plus gros. En termes de pure capacité, c’était lui ôter les deux tiers de son soutien logistique. « Pourquoi ? » Quelqu’un aurait-il découvert le petit micmac du capitaine Smyth ? Mais les premières réquisitions basées sur ce calcul n’avaient été envoyées que depuis deux jours, délai bien trop court pour qu’elles aient atteint le QG et encore moins été analysées. Ces instructions avaient dû être émises une semaine plus tôt.

« La raison n’a pas été précisée. » Timbal s’efforçait de parler d’une voix égale, mais il était manifestement contrarié.

« Les autres flottes doivent opérer dans l’espace de l’Alliance. Elles n’ont nullement besoin du soutien d’auxiliaires.

— Je sais. J’ai d’abord cru à une mesure de restriction, parfaitement mal avisée au demeurant, mais les instructions précisent très clairement que les auxiliaires seront affectés à d’autres missions, pas désarmés.

— Je vais…» Quoi ? Que pouvait-il bien faire ? Ces ordres n’étaient pas adressés à Geary mais à Timbal. « Ces bâtiments ne sont même pas sous votre commandement, amiral. Pourquoi ces instructions vous ont-elles été adressées et pas à moi ? » À moins que le QG n’ait deviné que je tenais compte de tous les facteurs potentiels avant de décider d’appliquer les ordres et qu’il tente ce faisant de me couper l’herbe sous le pied parce qu’il se doute que je vais trouver de bonnes raisons de garder ces auxiliaires par-devers moi.

Timbal s’accorda un instant de réflexion puis hocha la tête. « Vous avez raison, amiral. Mon opinion de professionnel, c’est que ces ordres ont été envoyés par erreur et ne peuvent pas être exacts. Les vaisseaux en question vous ont été affectés, ils sont sous votre commandement, de sorte que toute requête aurait dû vous être adressée ; ou, à tout le moins, vous être notifiée en tant que maillon de la chaîne de commandement. Le QG n’aurait certainement pas manqué délibérément de vous prévenir, car ce serait une infraction au protocole opérationnel. » Timbal parlait lentement et distinctement, afin de s’assurer que l’enregistrement de la conversation constituerait une justification de sa conduite. « Comme je ne puis imaginer une autre raison plausible de les soustraire à présent à votre autorité, il s’ensuit probablement que ce message m’a été envoyé par erreur. Sans doute fait-il partie d’un exercice et m’a-t-il été retransmis par inadvertance.

— Certainement », convint Geary, conscient que, comme lui, Timbal savait que le QG l’avait vraisemblablement évincé volontairement. Mais il leur fallait s’exprimer comme s’ils n’avaient aucunement l’intention de désobéir à un ordre légitime. « En outre, cet ordre aurait dû être accompagné d’un code de haute priorité.