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Geary hocha la tête, en se disant que c’était encore une des facettes de Rione qui avait changé. « Elle se montrait toujours très prudente et calculatrice auparavant, en s’efforçant d’avoir la haute main sur tout. Et maintenant elle reste cloîtrée dans sa cabine.

— Je ne vais pas m’en plaindre, déclara Desjani. J’espère que vous ne vous inquiétez pas pour elle.

— Elle nous a apporté de nouvelles instructions, Tanya. Et, comme vous l’avez vous-même fait remarquer, nous ignorons quels ordres elle a reçus elle-même. » Il se voûta et s’étreignit les mains en se rappelant sa conversation avec Rione. « Quand je lui ai parlé, juste après son embarquement, j’ai eu l’impression qu’elle cherchait à savoir jusqu’à quel point elle pouvait se pencher par-dessus le rebord de la falaise sans en dégringoler. Il s’en dégageait une sorte de témérité, le sentiment qu’elle risquait de sauter juste pour voir l’effet que ça fait de tomber en chute libre.

— Normalement, je ferais des vœux pour qu’elle passe à l’acte, murmura Desjani. Mais, si elle a reçu du gouvernement des ordres dont nous ne sommes pas informés…

— Ordres qui pourraient rendre compte des changements que j’ai remarqués en elle.

— Quelque chose qu’elle saurait ? suggéra Desjani. On ne peut jamais lui faire confiance. J’espère que vous l’avez enfin compris. Peut-être quelque chose qu’elle a fait. Il y a sûrement des milliers de squelettes dans son placard. Ou bien qu’elle doit faire. Mais j’ai du mal à croire que sa conscience puisse la tarauder. »

Geary eut un geste exaspéré. « Si c’est quelque chose de purement personnel, dommage pour elle, mais ça ne risque pas de rejaillir sur nous. Cela dit, c’est une émissaire du gouvernement.

— Est-ce que ce général… Comment s’appelle-t-il, déjà ?

— Charban.

— Ouais. Lui. Ne le saurait-il pas si ça concernait des ordres donnés aux émissaires ? » Desjani s’interrompit et son visage se durcit. « À moins qu’il n’ait été sacrifié. Un simple homme de paille qui servirait de couverture à Rione. C’est un général à la retraite. Pourquoi se priver de le manipuler ? »

Trop de questions et, comme d’habitude, jamais assez de réponses.

Bien qu’Atalia fût une destination facilement accessible depuis Varandal, ce point de départ n’offrait guère de possibilités, ce qui expliquait, entre autres, pourquoi le système n’avait pas souffert davantage, si possible, pendant la guerre. Une des options était Padronis, une naine blanche qui n’avait jamais abrité une très forte présence humaine, et dont la petite station orbitale qu’y maintenaient naguère les Syndics était abandonnée depuis des décennies. L’autre, Kalixa, aurait été jadis le meilleur choix : c’était un beau système stellaire à la population importante, nanti d’un portail de l’hypernet des Mondes syndiqués. Mais ce portail s’était effondré, manifestement à l’initiative de l’espèce extraterrestre sur laquelle la flotte de Geary était chargée d’enquêter, anéantissant toute présence humaine à Kalixa. Les seuls vestiges de cette présence étaient désormais les ruines fracassées éparpillées à la surface de l’épave qui avait été autrefois un monde habité.

Mais, de Kalixa, la flotte pouvait sauter vers Indras, dont le portail de l’hypernet devait rester intact. L’Alliance l’avait déjà emprunté lors de la campagne finale contre les Syndics.

Geary se tenait devant la table de conférence et observait à nouveau les images des commandants de vaisseau qui y siégeaient. La flotte ayant désormais adopté une formation plus compacte, les seuls délais de transmission significatifs seraient le fait des vaisseaux les plus distants. Il désigna l’écran des étoiles. « Nous allons devoir encore traverser Kalixa. »

La plupart des officiers exprimèrent écœurement ou mécontentement à l’idée de revisiter ce système stellaire dont le morne vide sidéral soulignait encore les millions de vies qui y avaient été anéanties. Mais ils savaient également, tout comme lui, que le seul itinéraire logique passait par Kalixa.

« Puis nous retournerons à Indras, poursuivit Geary. Mon projet initial était d’emprunter directement l’hypernet syndic d’Indras à Midway, de manière à réduire le plus possible la durée du voyage. Pourtant, nous devons passer par Dunaï, ce qui signifie qu’il nous faudra emprunter l’hypernet jusqu’à Hasadan, faire un bref saut vers Dunaï puis retourner de la même manière à Hasadan avant d’emprunter de nouveau l’hypernet pour Midway. » Exposer l’affaire de cette façon montrait bien à quel point ce crochet était fastidieux. « Un camp de travail, sur Dunaï, détient encore environ six cents prisonniers de guerre de l’Alliance. Nous allons les exfiltrer.

— À l’aller ? s’étonna le capitaine Vitali. Mais, si nous les libérions sur le trajet de retour, ils resteraient encore six autres mois sous la garde des Syndics, n’est-ce pas ?

— Exactement », convint Geary. Si la rectification de Vitali n’était pas arrivée à point nommé, Geary aurait été furieusement irrité. Il lui avait fallu des heures pour trouver la même justification à ce détour, car la flotte, pour une bonne part, refusait de croire que le gouvernement eût pu lui ordonner de passer par Dunaï ; or elle n’avait demandé que deux secondes de réflexion à Vitali. « S’il nous reste quelque capacité à embarquer des passagers supplémentaires sur le trajet de retour, nous irons recueillir ailleurs d’autres prisonniers de guerre. » Ses ordres ne le spécifiaient pas mais ne l’interdisaient pas non plus. « Nous ne nous attendons pas à des problèmes à Dunaï. »

Tulev crispa légèrement les lèvres avant de prendre la parole. « Si les Syndics avaient l’intention de tramer les pieds pour appliquer une des conditions du traité de paix, cette visite à Dunaï nous l’apprendrait.

— Ce traité nous autorise-t-il à nous rendre n’importe où dans l’espace des Syndics sans leur approbation ? s’enquit le commandant d’un croiseur lourd. C’est d’ailleurs le cadet de mes soucis, s’empressa-t-il d’ajouter à la vue de la tête que tiraient ses pairs.

— Oui, il nous autorise à entrer dans leur territoire et à en ressortir, répondit Geary. Alors même que le nouveau gouvernement syndic le négociait avec nous en toute hâte, les commandants en chef récemment nommés tenaient fébrilement à ce que la flotte gagne Midway pour la défendre contre les extraterrestres, de sorte que notre aptitude à traverser leur territoire relève de cet accord. Les Syndics espéraient certainement que cela resterait provisoire, mais nos négociateurs ont formulé cet aspect du traité de telle manière qu’il reste ouvert à la discussion.

— Il arrive parfois à nos politiciens de se montrer utiles, fit observer Duellos.

— Il faut bien qu’ils tapent juste de temps en temps, admit Badaya.

— Le hic, c’est que le traité ne nous permet de traverser le territoire syndic que si nous nous rendons à Midway ou en revenons, ce qui est le cas en dépit du crochet par Dunaï. J’y fais allusion parce que nos futures missions exigeront sans doute de nous d’autres visites à Midway, non parce que nous tenons à y aller mais parce que cet itinéraire respectera les termes du traité de paix. »

Le commandant Neeson gloussa. « Ça risque de surprendre les Syndics de Midway.

— J’imagine. »

Ses collègues repartis, Duellos resta assis à fixer Geary. « Comment allez-vous ?

— J’ai vu pire, répondit Geary en se rasseyant. Et vous ? »

Duellos sourit. « Une seule chose m’a récemment taraudé. La curiosité. J’aimerais savoir comment s’est passé votre bref séjour à Kosatka.

— Ma lune de miel, voulez-vous dire ?