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— L’amiral Geary a détruit leur flotte et les a contraints à signer un traité de paix.

— De paix ? » Benan donnait l’impression d’entendre ce mot pour la première fois et d’ignorer sa signification. « C’est… Mais vous avez attaqué cette planète. Les fusiliers ont donné l’assaut à ce camp.

— Le commandant en chef syndic refusait de se plier aux clauses du traité, expliqua Geary. Nous n’avons fait que prendre les mesures nécessaires à votre libération et celle de vos camarades.

— Oui. » Benan restait indécis. « Nous pouvons vous aider à cibler vos prochains bombardements. Certaines installations sont enfouies et bien cachées, mais nous connaissons leur position.

— Nous ne bombarderons plus cette planète, capitaine.

— Mais… les manufactures… les métropoles…»

Geary sentit se durcir sa voix. « La flotte ne fait plus la guerre aux civils, capitaine. Nous n’attaquons que des cibles militaires, et seulement pour contraindre les Syndics à se plier aux clauses du traité de paix. »

Benan regarda Geary comme s’il s’exprimait dans une langue étrangère inconnue de lui.

Rione lui étreignit doucement le bras et s’exprima en leur nom à tous les deux. « Mon époux doit être évalué et passer un examen médical, amiral. J’aurai l’occasion en même temps de le mettre au courant des derniers événements. J’espère que vous nous pardonnerez.

— Bien sûr. » Geary avait honte de s’être mis en colère un instant plus tôt. Benan était encore sous le choc de sa captivité et sidéré par les derniers rebondissements, comme tous ceux qui avaient été délivrés avec lui. Ils devraient se rendre compte que tout avait changé, que la flotte avait renoué avec les pratiques honorables de leurs ancêtres.

Reportant le regard sur les autres ex-détenus, Geary s’aperçut qu’un général et un amiral le fixaient. Il est temps de bouger avant de me faire agrafer. « Je dois regagner la passerelle », déclara-t-il à la cantonade d’une voix assez forte pour porter, avant d’adresser en souriant aux deux hommes un bref signe de la main puis de prendre congé sans leur laisser le temps de sortir du rang.

Il regagna la passerelle vingt minutes après son départ et constata que tout se passait au mieux. Certes, il aurait pu diriger l’opération de n’importe où sur l’Indomptable, mais les hommes savent depuis toujours que, pour donner des ordres, leurs chefs doivent se montrer dans un cadre professionnel approprié. Geary avait découvert que circulait encore l’antique anecdote (apparemment authentique) de l’amiral qui, durant un combat, avait donné les siens en sirotant une bière depuis le confort douillet de sa cabine.

La navette de Carabali fut la dernière à s’amarrer au Tsunami. « Toutes les navettes ont été récupérées, tous les fusiliers sont portés présents et tous les prisonniers ont été retrouvés et libérés, amiral, rendit-elle compte. Les navettes n’ont souffert d’aucun dommage et les blessures du personnel se limitent à quelques entorses survenues lors de l’atterrissage.

— Excellent travail, général. » Geary laissa échapper un long soupir de soulagement qu’il lui semblait retenir depuis des heures. « À toutes les unités, adoptez la formation Novembre à T 40. »

La flotte de l’Alliance se scinda en cinq longs rectangles, dont le plus important, centré sur l’Indomptable, occupait le milieu de la formation. Elle accéléra bientôt, s’éloignant de la planète syndic pour gagner le point de saut qui la ramènerait à Hasadan. Mais, cette fois, elle y emprunterait l’hypernet vers Midway. Geary se releva et s’étira pour dissiper la tension accumulée. « Je vais aller faire une pause dans ma cabine, capitaine Desjani.

— Mangez aussi un morceau. »

Geary résista à l’envie pressante de lui répondre « Oui, m’dame ! » et la salua devant les officiers présents sur la passerelle, puis regagna sa cabine après être passé dans un compartiment du mess pour récupérer quelques rations de combat. Ce n’étaient pas exactement des victuailles, et bien des disputes s’élevaient encore dans la flotte s’agissant de savoir si ces rations méritaient le nom de « nourriture », quelle que soit la définition qu’on donnait à ce mot, mais elles coupaient au moins la faim et n’exigeaient qu’un minimum d’ingestions quotidiennes.

Il était presque arrivé quand Desjani s’avança d’un pas vif à sa rencontre dans la coursive menant à sa cabine, l’air très tendue. Elle lui fit signe d’y entrer sans mot dire et y pénétra sur ses talons avant de refermer soigneusement la porte derrière elle. Elle se tourna vers lui, le visage exprimant une fureur tout juste contenue, d’autant plus inquiétante qu’un feu glacé brûlait dans ses yeux. « Permission de parler franchement, amiral ?

— Tu n’as nullement besoin de me demander la permission, répondit-il en s’efforçant de parler sur un ton uni.

— On m’a informé de l’identité d’un des prisonniers libérés. Son mari.

— En effet. » Geary se demanda un instant si Tanya lui en voulait de ne pas le lui avoir appris, mais ce n’était apparemment pas ce qui suscitait sa colère.

« Quelle surprenante coïncidence ! Elle monte à bord avec de nouveaux ordres, détourne la flotte de son itinéraire prévu et de sa mission originelle pour libérer un camp de travail de ce système stellaire où précisément son mari est détenu. » Desjani donnait l’impression de cracher des grappes de mitraille. « Nous sommes là pour la servir…

— C’est possible, mais…

— Possible ? Elle a fait faire un crochet à la flotte pour des raisons personnelles…

— Laisse-moi parler, Tanya ! » Il attendit qu’elle eût inspiré profondément, mais ses yeux continuaient de flamboyer et l’on sentait qu’elle se retenait. « J’ai eu tout le temps d’y réfléchir. Au début, elle m’a semblé sidérée de revoir son époux. Mais elle est très douée pour donner le change, de sorte que cette première impression est loin d’être certaine.

— Elle est…

— Les autres V. I. P. m’inquiètent bien davantage. »

Desjani inspira une autre longue et lente goulée d’air ; elle était toujours furibonde, mais elle se maîtrisait. « Façon Falco ?

— Décuplée. »

Elle plissa les yeux ; le feu qui y brûlait se fit fournaise. « Pourquoi ? Elle n’aimait pas Falco. Le gouvernement non plus. À quoi bon libérer des dizaines de ses pareils ?

— Je n’en sais rien. » Geary s’assit, une main sur le front, en s’efforçant de réprimer colère et frustration. Ses rations de combat étaient encore intactes et son appétit pour l’instant évanoui. « Ma seule certitude, c’est qu’ils ont embarqué avec nous et que nous les emmenons dans l’espace Énigma.

— Des centaines de grenades dégoupillées. » Desjani semblait maintenant désemparée. « À qui ça pourrait bien profiter ?

— Je crois que Rione sait pourquoi on nous a envoyés les récupérer.

— Ses ordres secrets. Mais pourquoi le gouvernement se refuserait-il à laisser le plus longtemps possible ces Falco en puissance entre les mains des Syndics ? Pourquoi faire de leur délivrance une priorité ?

— Je n’en sais rien non plus. » Geary laissa son regard dériver vers l’écran des étoiles flottant au-dessus de la table, et dont le centre était occupé par le système de Dunaï. « Même si elle savait son époux détenu à Dunaï, pourquoi le gouvernement aurait-il consenti à ce qu’elle détourne la flotte pour un motif personnel ? Elle a été démise de ses fonctions. Pour quelle autre raison plausible le lui aurait-il permis s’il avait été informé de la présence de tous ces officiers supérieurs ?

— Ce doit être le prix qu’elle a exigé pour remplir cette mission, suggéra Desjani. En contrepartie de son acceptation et de sa bonne volonté. » Elle avait l’air prête à ordonner l’arrestation de Rione.