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— Je constate que je suis incriminée moi aussi, lâcha Desjani d’une voix de nouveau d’un calme mortel. Ils cherchent à vider la chaîne de commandement de la flotte, amiral. »

Timbal montra l’unité de communication de sa main libre. « Chacun de ces officiers sera relevé de son commandement, au moins provisoirement ! Pendant que nous nous efforçons de réparer la flotte, de la remettre en état et de la réapprovisionner. Ça risque de se solder par un chaos absolu ! » Il fit mine de balancer l’unité de com loin de lui par pur dépit, puis se rappela qu’elle appartenait à Geary et la lui rendit. « Heureusement, vous êtes arrivé juste avant que cela ne se sache. Si ce message était parvenu plus tôt, ç’aurait été l’enfer. Vous êtes le seul à pouvoir interdire à la flotte de réagir exagérément. »

Mais, les yeux rivés sur ceux de Geary, Desjani avait de nouveau adopté son attitude de grand calme avant la tempête. « Vous pourriez bien vous tromper, amiral Timbal. Pas à propos de la réaction de la flotte, mais du moment où ce message était censé nous parvenir. Se pourrait-il que quelqu’un ait pris les devants ? Ce message n’était peut-être censé atteindre la flotte que lorsque l’amiral Geary serait en compagnie des représentants du gouvernement et, par le fait, incapable, en leur présence, d’en avoir connaissance à temps pour réagir ou interdire à la flotte de prendre des mesures excessives en en apprenant la teneur.

« Tel serait son propos ? s’enquit Geary, les dents serrées. Pousser la flotte à réagir de façon disproportionnée ? Ma première idée, c’était qu’il était dirigé contre moi, car la plupart de mes officiers pourraient être regardés comme me restant loyaux, mais…»

L’amiral Timbal s’accorda un instant pour se calmer puis secoua la tête. « Peut-être. Peut-être. Mais, vous hors d’état de communiquer, nous n’aurions pas pu aviser la flotte de vos agissements ni de votre condition. Si jamais quelqu’un en déduisait que vous aviez été appréhendé par le gouvernement…

— C’est trop gros, affirma Desjani. Vous avez raison, amiral Timbal. Ça pourrait sans doute facilement se produire, mais je ne peux pas croire que quelqu’un serait assez stupide pour chercher à le provoquer.

— Contrairement à “assez stupide pour le provoquer par inadvertance” ? » s’enquit Geary.

Timbal hocha vivement la tête. « Oui. Ça cadrerait avec les autres agissements du QG. “Nous sommes aux commandes !” Ils ont probablement eu des échos de l’attitude adoptée par la flotte vis-à-vis de leurs derniers oukases et ils en remettent une couche.

— Il ne s’agirait donc pas du gouvernement ? » Navarro ne lui avait jamais paru le genre d’homme, ou d’imbécile, susceptible d’inciter à une telle action, mais il fallait dire aussi que Geary n’était pas un politicien.

« Non. » Timbal fixa le poste de contrôle, au bout de la coursive, où les soldats feignaient tous de ne prêter aucune attention à ce petit groupe de galonnés visiblement agités. « Quel serait l’avantage pour le gouvernement ? Il s’inquiète d’une mutinerie, et c’est précisément ce qui pourrait la déclencher. Je n’ai pas une très haute opinion de l’intelligence des politiques, mais, même moi, je sais à quel point ils sont doués pour la survie et la préservation de leurs intérêts. Je vois mal ce qu’une telle incitation rapporterait au gouvernement. Et son représentant se trouve dans la salle de conférence, également injoignable, en train de vous attendre, de sorte qu’il ne saurait rien de cette affaire, lui non plus, avant la fin de la réunion. »

Les yeux de Desjani s’étrécirent. « Ce qui lui permettrait un démenti.

— Alors qu’il est à la tête de l’État ? Prétendre qu’il n’est au courant de rien ne l’avancerait absolument pas. Il n’en ferait que plus mauvaise figure. Du moins si la flotte n’éventrait pas avant la station pour le supprimer.

— Son statut de martyr l’aiderait peut-être à se faire réélire, suggéra froidement Desjani. Moi-même, je serais assez encline à voter pour un politicien mort.

— Les héros morts ne le restent pas toujours, affirma Timbal en inclinant la tête vers Geary.

— Alors, que faisons-nous ? » Desjani regarda Geary, imitée par Timbal.

Cela non plus n’avait pas changé. Il n’était affecté à aucun commandement pour l’heure, mais tout le monde se tournait encore vers lui pour lui demander conseil. « Nous sommes convenus que le fond de l’affaire, c’est que la flotte va péter un plomb. L’ordre vient du QG. Le seul moyen de l’annuler est de passer par-dessus la tête du QG et du gouvernement. Je dois assister malgré tout à cette réunion. C’est la meilleure méthode et probablement la seule façon de résoudre vite cette affaire.

— Le chambard a déjà dû commencer dans la flotte, amiral, lâcha Desjani.

— Je sais. » Il leva son unité de com et fronça les sourcils en apercevant l’icône indiquant qu’il ne captait pas. « Pourquoi ne puis-je plus envoyer un message ? J’ai reçu celui-là il y a une minute. » Timbal fit la grimace. « C’est la station. Elle abrite tant de coursives, de conduits et de compartiments qui se comportent comme des réflecteurs, des canaux et des pièges qu’ils font fluctuer le périmètre de la zone de sécurité. Impossible de dire jusqu’où il vous faudrait reculer pour obtenir une liaison.

— Nous n’en avons pas le temps. » Geary appuya sur « Enregistrer » et s’exprima avec la plus grande prudence. « À tous les vaisseaux du système de Varandal, ici l’amiral Geary. Je viens d’être informé de la communication concernant les charges pesant sur de nombreux officiers de la flotte. Je suis sur le point de régler cette affaire. Toutes les unités devront se maintenir sur l’orbite qui leur aura été assignée et s’abstenir de toute action illicite. En l’honneur de nos ancêtres. Geary. Terminé. »

Il tendit la com à Desjani. « À vous de circonscrire cet incendie, maintenant. Sortez de la zone de sécurité et transmettez ce message, puis empêchez-les de faire des sottises.

— Je ne suis pas une des vivantes étoiles, protesta-t-elle en prenant l’unité de com. Et même eux ne pourront pas s’interdire d’être stupides.

— Si vous leur annoncez à tous que je suis au courant et que je m’en occupe, ils vous croiront. Et vous écouteront. »

Elle le fixa droit dans les yeux. « À quel titre suis-je censée agir ? Selon ce message, je devrais renoncer sur-le-champ au commandement de l’Indomptable.

— Vous restez son commandant jusqu’à nouvel ordre de ma part. » Ce n’était pas correct. Pas réglementaire. Seul son grade supérieur lui permettait de donner cet ordre. Mais Black Jack Geary s’en sortirait. S’il ne faisait pas fi du règlement, le chaos qui les guettait prendrait très vite la forme d’une spirale destructrice. « Amiral Timbal, j’apprécierais que vous secondiez le capitaine Desjani. J’ignore quelle influence elle pourra avoir sur les militaires de ce système stellaire qui n’appartiennent pas à la flotte.

— Probablement davantage que vous ne le croyez, affirma Timbal. Tout le monde est informé de votre… relation. Mais nous ne serons pas trop de deux pour étouffer cette affaire. Si je déchiffre bien l’attitude de la flotte, elle se persuadera que ces accusations ne sont que la première salve et que votre arrestation suivra dans la foulée. De trop nombreux vaisseaux mourront d’envie de peler cette station comme un oignon jusqu’à ce qu’ils vous aient débusqué. Et quelqu’un d’autre finira certainement par riposter.