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Casqué travaillait presque aussi vite qu’elle. Il hocha la tête. « J’obtiens le même résultat, commandant. Nous pouvons l’arraisonner.

— Envoyez-le à l’amiral sur son écran. »

Geary vit s’y dessiner les longues trajectoires de l’interception calculée. La flotte de l’Alliance pénétrait dans le système stellaire selon un angle oblique. Le cargo cinglait quant à lui vers l’étoile, visant une des deux planètes habitées. La douzaine d’unités de guerre Énigma filaient la flotte comme une meute de loups patients. « Nous devrons agir vite si nous voulons atteindre ce cargo avant leurs vaisseaux. Si tous ses occupants ont quitté l’installation, nous ne trouverons plus personne à qui parler à moins de le rejoindre entre-temps. Je vais détacher un petit groupe pour l’intercepter. La flotte maintiendra le cap vers l’installation.

— L’Indomptable est déjà…

— C’est le vaisseau amiral, Tanya. Il doit cette fois rester avec la flotte. » Il vérifia brièvement la formation puis marqua une pause avant d’envoyer une transmission. Bon sang, j’aimerais confier cette mission à Tulev, mais il faut que j’envoie les trois autres divisions de croiseurs de combat, donc Badaya et l’Illustre, et Badaya est plus ancien que Tulev.

Très bien. Badaya devrait s’en tirer. S’il doit un jour me remplacer à la tête de la flotte, il faut au moins que je sache comment il gère un détachement indépendant. « Capitaine Badaya, vous allez prendre le commandement du détachement Alpha et procéder à l’interception et à l’arraisonnement du cargo extraterrestre qui vient de quitter l’installation. » À présent, appeler les vaisseaux qui composeront le détachement. Il devrait être assez important pour triompher si besoin de la douzaine d’Énigmas et de quelques autres qui risqueraient encore de surgir, et comprendre des bâtiments d’ores et déjà proches les uns des autres. « Première, deuxième et sixième divisions de croiseurs de combat, deuxième, cinquième, huitième et neuvième escadrons de croiseurs légers, et troisième, quatrième, septième escadrons de destroyers, quittez la formation principale pour former le détachement Alpha sous le commandement du capitaine Badaya. Exécution immédiate. »

Desjani s’était légèrement affalée pour scruter son écran. « Toutes les autres divisions de croiseurs de combat y vont.

— Le détachement doit être assez costaud pour triompher de leurs vaisseaux de guerre s’ils s’avisent de défendre le cargo. Je garde l’Adroit.

— Ha-ha ! Vous m’en devez une, amiral.

— Je l’ajoute à la longue liste. »

Badaya ne perdit pas de temps. Invincible, Formidable, Implacable, Léviathan, Dragon, Inébranlable, Vaillant, Illustre et Incroyable s’arrachèrent à la flotte, en même temps que croiseurs légers et destroyers bondissaient pour les entourer.

Geste assez rare chez Rione ces derniers temps, elle se pencha vers Geary. « Badaya ? murmura-t-elle, sceptique.

— Il sait ce qu’il fait, répondit Geary sur le même registre. Et Tulev et Duellos l’accompagnent.

— C’est vous l’amiral. Mais je préconise qu’un autre se charge de communiquer avec les extraterrestres. » Rione regagna le fond de la passerelle.

Geary se retourna vers elle et Charban. « Excellente idée. Les Énigmas devraient comprendre sans peine que ce détachement va intercepter le cargo, et ils savent déjà que nous visons leur installation. J’apprécierais que vous leur adressiez un message précisant qu’en dépit de leurs provocations et de leurs gestes hostiles nous n’avons pas l’intention de nuire aux occupants de ce cargo, sauf si nous devons nous défendre.

— Nous défendre, marmonna Desjani. Encore une fois. » Elle fixa son écran en fonçant les sourcils. « Bizarre.

— Quoi donc ? s’enquit Geary.

— L’accélération de ce cargo. Quelque chose me chiffonnait et je crois avoir mis le doigt dessus. Nous savons leurs réacteurs bien plus efficaces que les nôtres. Et je ne vois aucune raison pour que ce cargo dispose d’une propulsion de type militaire. Mais son accélération est pratiquement égale à celle des nôtres. S’ils sont capables d’offrir à leurs vaisseaux de guerre une propulsion supérieure à celle des bâtiments de la flotte, pourquoi celle de leurs cargos ne l’est-elle pas aussi ? »

Geary étudia la trajectoire prévue du cargo. « Bonne question. Elle reste dans la moyenne des nôtres. Peut-être aurons-nous la réponse après son interception. »

Desjani eut un reniflement de dérision. « Ne vendez pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. »

Charban avait fini d’aider Rione à envoyer le message aux extraterrestres et il vint se planter un instant près du siège de Geary. « Je m’interroge, amiral.

— Vous aussi ?

— Les vaisseaux d’Énigma auraient dû lancer un bombardement contre leur installation dès qu’ils nous ont vus en prendre la direction. Or ils ne l’ont pas fait. Pourquoi ? Ce sont des obsédés du secret, pourtant ils vont nous laisser examiner un de leurs équipements importants sans s’y opposer ? »

Desjani adressa à l’émissaire un regard empreint de respect, le premier depuis qu’il était à bord. « Il y aurait un piège ?

— À votre place, je n’y enverrais une force de débarquement qu’avec la plus extrême prudence, amiral », déclara Charban, avant d’adresser un signe de tête à Desjani et de se retirer.

Ne restait plus qu’à regarder le détachement fondre sur le cargo et attendre la réaction de la douzaine de vaisseaux de guerre Énigma. Plusieurs heures s’écoulèrent, tandis que la trajectoire de la flotte s’incurvait vers l’installation et la lune de la géante gazeuse, que le cargo progressait lentement mais régulièrement vers l’intérieur du système, que le détachement de croiseurs de combat se séparait à vive allure de la flotte et continuait d’accélérer vers le cargo, et que les douze extraterrestres maintenaient leur position à une heure-lumière derrière la formation principale. « Ils ne réagissent pas ? » finit par demander Geary. Il ne put s’empêcher d’y mettre un point d’interrogation tant ça contrevenait aux habitudes des extraterrestres.

« Il saute aux yeux que ce détachement vise leur cargo, confirma Desjani. Et nous aurions dû les voir réagir depuis longtemps. Mais ils gardent la même position relative.

— Ils attendent les ordres ?

— Que je sois pendue si je le sais, amiral. Mais, compte tenu de leurs communications PRL, si leur poste de commandement se trouve sur cette planète, ils auraient déjà dû les recevoir. »

Le détachement n’intercepterait le cargo que dans vingt heures, soit cinq heures avant que la flotte n’ait atteint l’installation extraterrestre. Geary frappa ses touches de com. « À tous les vaisseaux. Veillez à laisser à votre équipage le temps de s’alimenter et de se reposer. » Patienter en de telles circonstances, même quand rien n’allait se produire avant une journée entière, pouvait se révéler extrêmement difficile ; si les vaisseaux de guerre extraterrestres décidaient brusquement d’accélérer pour passer à l’attaque, ils mettraient encore des heures à arriver à portée d’engagement. L’erreur la plus grossière et, en même temps, la plus facile à commettre, serait de rester assis sur ses fesses, tendu à rompre et prêt à combattre, en se laissant gagner par la lassitude et la faim, pour regarder les vaisseaux se rapprocher lentement les uns des autres alors même que les vastes distances interplanétaires interdiraient qu’il se passât quelque chose.

« Je vais aller manger un morceau et dormir un peu », annonça-t-il à Desjani.