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— Comment diable avez-vous fait cette fois pour pirater mon logiciel de conférence ? demanda Geary.

— Quoi qu’il en soit, poursuivit Rione comme si elle n’avait pas entendu, il vous faudrait trouver un individu qui consentirait à se plier à un ordre officiel de rester sur place. Quelqu’un qui connaîtrait assez bien les Syndics pour repérer leurs magouilles, parce que, bien que ceux-là aient apparemment retourné leur veste, ils continuent indubitablement de jouer au même petit jeu.

— Un ordre officiel ? » S’efforçait-elle sincèrement de l’aider ?

« L’Alliance a besoin que quelqu’un veille au grain, affirma Rione en même temps qu’elle examinait ses ongles. Quelqu’un qui pourrait conseiller ces gens militairement et politiquement. Qui pourrait leur suggérer des réformes démocratiques. » Elle inclina la tête de côté comme si une idée venait subitement de lui traverser l’esprit. « Voire leur recommander certaines tactiques de combat dont les défenseurs de ce système pourraient avoir l’usage.

— Vous êtes en train de me proposer la solution idéale aux deux problèmes que je dois régler : celui, personnel, du capitaine Bradamont et celui, plus général, du soutien que je dois apporter à ce système. Pourquoi ? »

Rione réfléchit encore, le front plissé. « Sans doute ma nature compatissante qui se réveille.

— Elle n’en est pas coutumière. Surtout ces derniers temps.

— Alors peut-être la garce en moi, guère différente, au demeurant, de celle qui se manifeste ordinairement, s’ingénie-t-elle à saboter les plans de certaines coteries de l’Alliance. » Elle chercha ses yeux. « Un officier de la flotte qui aurait collaboré avec l’ennemi après avoir été libéré d’un camp de travail syndic ? Qui aurait passé des renseignements à l’ennemi ? À un officier syndic pour qui elle aurait des sentiments personnels ? Songez à ce qu’il adviendrait si une telle fuite menaçait d’être découverte. »

Geary se pencha vers Rione. « Si vous en savez autant, déclara-t-il d’une voix de plus en plus dure, alors vous devez aussi savoir que ces fuites se faisaient sur ordre du renseignement militaire et avaient pour but de transmettre aux Syndics des informations erronées.

— Oui, amiral, je sais aussi cela. Mais je sais également qu’on peut faire chanter des gens, surtout quand l’objet même de ce chantage relève du secret défense, tant et si bien que ceux qui en détiennent l’information ne sont toujours pas autorisés à la divulguer, alors même qu’elle est obsolète. »

Geary se rejeta en arrière en se demandant s’il était encore capable de se scandaliser. « Quelqu’un ferait chanter Bradamont ? Vous l’auriez appris ?

— Oui, je le sais, répondit Rione d’une voix sourde en fixant de nouveau ses ongles. Ou disons plutôt que quelqu’un se propose de la faire chanter. Tout est prêt. On lui a déjà fait quelques allusions dans ce sens. De vagues mises en garde la prévenant de ce qui risquait d’arriver si certains agissements étaient publiquement connus. »

Ce qui expliquait sans doute la tension qu’il avait perçue chez Bradamont. « Pourquoi ?

— Pour la contraindre à de nouveau espionner, non plus des Syndics cette fois, mais une personne qui pourrait bien occuper cette cabine, et la forcer à commettre des actes auxquels elle ne consentirait jamais dans des circonstances normales. »

Geary dut s’accorder une pause, le temps d’encaisser puis de réprimer la colère qu’il sentait monter en lui à l’évocation de tels stratagèmes. « Le capitaine Bradamont a reçu le commandement du Dragon avant qu’on ne me retrouve. »

Rione le dévisagea en arquant un sourcil. « Vous croyez-vous la seule cible possible de tels actes d’espionnage et de sabotage ? La plus grande vertu d’une arme pareille, une fois amorcée, c’est qu’on peut s’en servir contre toutes les cibles qu’on juge nécessaires. Si on ne vous avait pas retrouvé et si l’amiral Bloch avait survécu, c’est lui qui aurait été visé.

— Et que serait-il arrivé à l’arme en question ?

— Les armes sont remplaçables par définition », répondit Rione. Le ton dur et plat de sa voix laissait clairement entendre ce qu’elle-même pensait de ces méthodes.

« Si j’ai bien cerné Bradamont, elle cédera au chantage, affirma Geary.

— Et vous perdrez un commandant de croiseur de combat.

— D’une façon comme de l’autre. » Rappelée par le gouvernement, relevée de son commandement jusqu’à la fin de l’enquête sur ces « allégations », tandis que les charges pesant contre elle parviendraient aux médias afin que son nom fût traîné dans la boue, et que la colère et le mépris de ses pairs la poussent peut-être à un suicide « honorable ». « Vous n’aidez pas seulement le capitaine Bradamont dans sa vie amoureuse. Vous épargnez aussi sa vie et son honneur.

— Ne soyez pas ridicule, lâcha Rione. Je protège avant tout l’Alliance et mes propres intérêts. Toute incidence secondaire sur l’existence de cette femme serait pure coïncidence.

— Pourquoi ne m’en avez-vous pas parlé plus tôt ?

— Pour je ne sais quelle raison, les gens qui trempent là-dedans n’ont pas cherché à se servir d’elle avant votre départ de Varandal. Une fois l’espace de l’Alliance quitté, on n’aurait pas pu la contraindre par le chantage à coopérer, du moins à mon insu. »

Information capitale. « Certaines de ces personnes participent à notre expédition ?

— Je n’ai aucune certitude à cet égard. Je sais seulement que je n’ai pas entendu parler d’elles. Vous avez… deviné qu’on me forçait la main en me faisant chanter, et que je ne consentais à me plier aux desiderata de ces gens que si mes agissements ne risquaient pas de vous nuire, à l’Alliance ni à vous. Tirez-en vous-même les conclusions. Si cette Bradamont avait été menacée d’un chantage alors que nous étions sortis de l’espace de l’Alliance, je l’aurais su et vous en auriez eu vent aussitôt. Contrairement à la croyance populaire, il existe des méthodes que je n’approuverai jamais. »

Il ne put s’empêcher de sourire. « Et, contrairement à la croyance populaire, vous avez aussi un cœur.

— Mensonge, amiral. Je vous serais reconnaissante de ne pas le répandre, encore que je doute fort qu’on y accorderait foi si vous vous y risquiez. » Rione se leva. « Si mon mari se remet, ce sera grâce à vous. Me croyez-vous vraiment assez froide pour oublier que je vous suis redevable d’au moins cela ? Appelez Bradamont, offrez-lui le poste. Je peux vous garantir que tant les émissaires que le gouvernement de l’Alliance approuveront la nomination d’un agent de liaison dans ce système, car ce sera véritablement profitable à l’Alliance. »

Rione sortit sans rien ajouter, en refermant hermétiquement l’écoutille derrière elle.

Geary médita encore quelque cinq minutes puis tendit la main vers son panneau de communication. « Capitaine Bradamont, je dois m’entretenir avec vous en privé. » Il allait lui faire cette offre et, si elle l’acceptait, tout le monde en sortirait gagnant. Sauf ceux qui voulaient recourir au chantage, et ceux-là ne méritent jamais de gagner.

Cela prit un bon moment mais, cette fois, Boyens répondit à son message. Il affichait toujours le même sourire pas franchement sincère et indubitablement forcé. « J’ai le regret de devoir rappeler à l’amiral Geary et aux représentants du gouvernement de l’Alliance que le traité de paix entre l’Alliance et les Mondes syndiqués, s’il autorise effectivement vos vaisseaux à voyager librement entre votre territoire et le système de Midway, ne le permet pas aux bâtiments relevant d’autres gouvernements… ou d’autres espèces. Un vaisseau de guerre extraterrestre vous accompagne, qui n’est pas un bâtiment de l’Alliance et ne relève donc pas de ce traité. En vertu de mes responsabilités de citoyen des Mondes syndiqués, j’insiste pour que vous rameniez tout vaisseau n’appartenant pas à l’Alliance à Prime, où mon gouvernement pourra alors décider des dispositions à prendre à son égard.