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Le capitaine Hiyen se leva au garde-à-vous. « Je retire ma question, amiral. Non parce que je n’aurais pas dû la poser mais parce qu’on y a répondu. »

Encore extrêmement embarrassé, Geary réussit à recouvrer la voix : « Si nous en avons terminé, merci à tous. Je vous tiendrai au courant de mes projets au fur et à mesure. »

Les images des officiers assistant virtuellement à la réunion s’évanouirent rapidement, tandis que les dimensions apparentes de la salle et de la table revenaient à la réalité. Clignant des paupières pour se réadapter à la taille présente du compartiment, Geary se retourna pour emboîter le pas à Desjani, mais trouva Rione plantée à côté de lui en train de l’attendre. « Merci », dit-il.

Elle agita la main. « Je vous savais trop modeste pour dire ce qu’il y avait à dire. Vous avez une minute ?

— Y a-t-il autre chose ? » Il perçut lui-même l’accent tranchant de sa voix, affûté par la conduite énigmatique qu’avait adoptée Rione au cours des derniers mois, et il se demanda comment elle allait y réagir.

Le visage impassible, Desjani soutint un instant le regard de Rione puis, sur un geste de Geary, entra dans le sas et ferma l’écoutille derrière elle, les laissant seuls.

Rione hocha la tête en réponse à sa question. « Vous savez aussi bien que moi que la réponse que j’ai faite ici n’est jamais qu’un cautère sur une jambe de bois. La plaie continue de s’infecter.

— J’en suis parfaitement conscient, croyez-moi.

— Une fois la flotte sur le chemin du retour, le moral s’améliorera grandement. Vous l’avez déjà ramenée chez elle une première fois. Ils sont persuadés que vous recommencerez. » Elle s’interrompit pour le fixer d’un œil spéculateur. « Vous recommencerez, n’est-ce pas ? »

C’était à nouveau l’ancienne Rione, acerbe et sarcastique même quand elle offrait son aide. « Je l’espère, répondit Geary. Pour l’heure, je ne suis même pas sûr de pouvoir l’arracher à ce système. Mais j’y travaille.

— Pas seul. » Elle avait mis dans ce constat comme un commandement péremptoire.

« Tanya me secondera et je compte bien faire appel à toute l’aide dont j’aurai besoin.

— Parfait. Les relations de travail pâtissent parfois d’une tournure trop personnelle. » Rione jeta un regard de côté en tordant la bouche. « Je suis prête à répondre à une autre question, amiral. »

Geary se figea pour la fixer d’un œil de nouveau soupçonneux. « Vous vous conduisez depuis le début de cette expédition comme si vous déteniez un tas de secrets, madame l’émissaire. Pourquoi vous sentez-vous enfin prête à les divulguer ?

— En raison des circonstances, amiral. Même si mes ordres devaient vous rester inconnus, la découverte d’une nouvelle espèce intelligente pourrait bien avoir mis certains d’entre eux en branle.

— Je vois. Une question ? » Un hochement de tête lui répondit. « D’accord. Quels sont vos ordres ? »

Elle lui jeta un de ses étranges regards d’antan, sorte d’amusement à peine voilé assorti d’un sentiment de supériorité. « Je ne peux pas répondre à celle-là. Essayez-en une autre. Sur ce que je compte faire, par exemple, plutôt que sur la teneur même de ces ordres. »

Geary s’assit et lui désigna un des autres sièges d’un geste. « Je serais heureux d’apprendre ce que vous comptez faire, Victoria. »

Elle obtempéra en soutenant son regard. « Tout mon possible pour que la flotte rentre chez elle.

— Est-ce nouveau ?

— Par rapport à mes intentions personnelles ou à ce que demandaient mes ordres ?

— Aux deux.

— Ça fait deux questions, fit-elle remarquer. Voire trois.

— Pouvez-vous au moins me dire d’où venaient ces instructions ?

— Non. » Elle détourna le regard. Elle avait blêmi. « Il y a… Je vous en donne ma parole, amiral, je suis de votre côté, même si j’ai été quelque peu entravée jusque-là.

— Très bien. » Pouvait-il la croire ? Au moins l’ouvrait-elle. « Travaillez-vous avec quelqu’un d’autre ? Je présume que vous avez des agents dans la flotte.

— Il se pourrait.

— Savez-vous ce qui est arrivé au capitaine Jane Geary ? Pourquoi elle s’est soudain mise à se comporter avec une telle agressivité ? »

Rione arqua un sourcil. « Je n’y suis pour rien. Je ne vois personne qui puisse l’inciter à se conduire comme une enfant illégitime du capitaine Falco. Ça ne veut pas dire que ce personnage n’existe pas, mais, autant que je sache, le changement s’est fait sans l’aide de personne. »

Il ne savait pas pourquoi mais il voulait bien la croire. On ne pouvait accuser Rione d’avoir influencé Jane Geary. « Que devrais-je savoir que j’ignore encore ?

— C’est une autre question. » Elle agita sous son nez un index accusateur. « Vous êtes vous-même devenu très agressif, amiral. »

Il se pencha pour la scruter. « De nombreuses vies dépendent de ce que je déciderai de faire, madame l’émissaire.

— En effet. » Elle s’interrompit ; des pensées secrètes passèrent dans ses yeux puis elle se concentra de nouveau sur lui. « Sincèrement, je crois que vous savez tout ce qu’il vous faut savoir pour le moment. Et peut-être même certaines choses que j’ignore moi-même.

— J’aimerais pourtant connaître ce qui vous dictait votre conduite ces derniers temps. »

Le visage de Rione s’assombrit. « Mes priorités n’ont pas changé. »

Elle faisait donc allusion à l’Alliance, et à un homme en particulier. « Comment se porte Paol ? » Son mari, fait prisonnier pendant la guerre, présumé mort pendant des années et libéré encore assez récemment d’un camp de travail syndic. Geary avait reçu des rapports médicaux sur Paol Benan, de sorte qu’il connaissait l’état de santé du capitaine Benan, mais il tenait à entendre ce que Rione avait à en dire.

Elle se tut un moment puis secoua la tête. « Il reste sous surveillance médicale. » C’était un constat. « En observation. »

Il sentit comme une gêne dans sa voix. « Êtes-vous en sécurité ?

— Je n’en sais rien. Je crois. Je soupçonne les Syndics de lui avoir fait subir certains traitements dont il ne se souvient plus, et dont les séquelles restent invisibles à ceux qui l’examinent. Il est toujours très en colère, amiral. » Elle le regarda de nouveau droit dans les yeux. « Je l’ai exhorté à vous éviter, faute de quoi je le quitterais. C’est pourquoi il n’y a plus eu d’algarades. Je suis le dernier fragment de sa vie antérieure auquel il peut encore se raccrocher. »