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— Je vois. » Geary mordit de nouveau dans son rouleau. « Le sergent-chef a-t-il rendu compte de quelque chose relatif à une activité entre les auxiliaires ? »

Desjani secoua la tête. « “Rien qui vaille la peine de déranger l’amiral”, selon ses propres mots. Autrement dit, j’imagine, l’habituel tripatouillage échappant aux senseurs, mais sans plus. » Elle goba la dernière bouchée de son rouleau. « Où en est votre lieutenant aux cheveux verts ?

— Aucune nouvelle du lieutenant Shamrock depuis notre arrivée ici, répondit Geary.

— Shamrock ?

— C’est son surnom. J’ignore pourquoi je me souviens plutôt de son sobriquet. Peut-être à cause de ses cheveux. Le lieutenant… Jamenson. »

Desjani fit la grimace. « Je me félicite que mes ancêtres n’aient pas jugé bon d’implanter des cheveux verts dans leur code génétique.

— Moi aussi. » Geary recouvra son sérieux, se remémorant les mystérieux chantiers spatiaux encore en activité dont le lieutenant Jamenson avait découvert l’existence au milieu de centaines de messages de routine portant sur des détails administratifs et autres broutilles. « Tous les ingénieurs ont travaillé vingt-quatre heures par jour aux réparations de nos avaries. Je doute qu’ils aient eu le loisir d’approfondir les recherches à ce sujet.

— Le capitaine Smyth a probablement élaboré des magouilles dont le sergent-chef Gioninni n’a fait que rêver, l’avisa Desjani.

— Tant qu’elles maintiennent mes vaisseaux en état de fonctionner, je n’en mourrai pas. » Geary avala la dernière bouchée de son rouleau. « Pas vrai ?

— Euh… ouais. Vous en voulez un autre ? »

L’équipage n’appréciait guère que la flotte eût pivoté pour intercepter plus tôt l’armada extraterrestre. Geary sentait peser sur son dos le regard soucieux des officiers de quart sur la passerelle. « Ces Vachours s’attendent certainement à ce que nous leur rentrions dans le lard, déclara-t-il à Desjani, assez fort pour se faire entendre d’eux.

— Ils vont être déçus, répondit-elle sur le même registre avant de baisser le ton. Du moins si ça marche…

— Commandant, nous recevons des relevés des senseurs du dernier projectile cinétique détourné par le dispositif de défense de la forteresse, rapporta le lieutenant Yuon.

— Que disent-ils ? s’enquit Desjani.

— Euh… commandant… que…» Yuon secoua la tête en signe d’impuissance. « Qu’il a été dévié de sa course. »

Desjani se retourna dans son fauteuil pour lui faire face. « C’est tout ?

— Oui, commandant. Ils n’ont rien détecté, sinon le changement de cap qui a interdit au caillou de frapper le fort.

— Transmettez ces relevés à toute la flotte, ordonna Geary. J’aimerais savoir si quelqu’un pourra débrouiller quelque chose là-dedans. »

Yuon hésita. « Amiral, le lieutenant Iger a dit que ces relevés étaient classés top secret et ne devaient être divulgués qu’à un seul utilisateur. »

Le renseignement ne tenait pas à ce qu’on consultât ces nouvelles données ? C’était étrangement assez logique, dans la mesure où les compétences des Vachours dans certains domaines pourraient conférer un énorme avantage à des hommes qui s’aviseraient de les retourner contre leurs propres congénères.

Mais, pour en arriver là, il faudrait encore que la flotte eût réussi à surclasser les compétences en question ; autrement dit, Geary lui-même devait les percer à jour le plus vite possible. « Prévenez le lieutenant Iger que j’outrepasse cette directive. En l’occurrence, comprendre autant que nous le pouvons la technologie de ces extraterrestres est plus vital pour la sécurité de flotte. »

Geary s’adossa de nouveau à son siège pour patienter. Il ne pouvait guère faire mieux pour l’instant.

« Et voilà ! lâcha Desjani. Il leur a fallu moins d’une minute pour changer de cap après nous avoir vus adopter une nouvelle trajectoire. »

Geary hocha la tête, les yeux rivés sur l’écran : les vaisseaux de l’armada extraterrestre s’étaient déportés sur bâbord afin d’opérer encore plus vite le contact avec la flotte. « Minute ! Ils réduisent leur vélocité. Dans quelle mesure ?

— Passablement. » Desjani avait l’air songeuse. Elle tapota quelques touches et de nouvelles données s’affichèrent sur l’écran. « Intéressant. Quand nous avons pivoté les uns vers les autres, la vitesse combinée à laquelle nous entrerons en contact s’est accrue.

— En effet. Jusqu’à 0,25 c si les deux flottes maintiennent leur vélocité actuelle. Trop vite pour permettre à nos systèmes de combat de compenser la distorsion relativiste. » Plus un vaisseau se déplaçait vite dans l’espace conventionnel soumis aux antiques lois de la relativité, plus l’image qu’il obtenait de l’univers extérieur était gauchie. Quand il fallait viser une cible, lors d’une enveloppe d’engagement d’un millième de seconde, la plus infime discordance entre l’image qu’il recevait de l’univers et la réalité se traduisait par un coup manqué. Certes, les systèmes de combat de la flotte pouvaient compenser assez efficacement cette distorsion, du moins jusqu’à 0,2 c, mais, au-delà, ils accumulaient trop d’erreurs pour rester précis. « Je m’attendais à ce qu’ils ralentissent à un moment donné. Mais ils ont tout de suite réduit leur vélocité.

— Et ils continuent de freiner, affirma Desjani. Ces supercuirassés mettent un bon moment à perdre de la vitesse. Lieutenant Castries.

— Oui, commandant ?

— Surveillez les manœuvres de l’armada ennemie et prévenez-moi dès que sa vitesse sera stabilisée. » Desjani se renversa dans son fauteuil en fronçant les sourcils, le regard aussi fixe que si elle était en train de viser. « Avant, ils avaient déjà cessé d’accélérer plus tôt que je ne m’y attendais. » Elle enfonça quelques touches. « Ouais. Notre vélocité combinée au moment du contact aurait alors été de… 0,17 c.

— 0,17 c. » Geary se frotta le menton. « Je croyais qu’ils attendaient d’être plus proches pour accélérer de nouveau, mais ils ne tenaient peut-être pas à engager le combat à une vitesse supérieure à celle-là.

— Vous voulez parier qu’ils vont encore freiner de manière à nous croiser à 0,17 ? demanda Desjani.

— S’ils s’y résolvent…» Geary sentit poindre un sourire. « Nos systèmes de visée sont meilleurs que les leurs.

— Bien meilleurs. Mais pourquoi croyez-vous qu’ils réduisent si tôt leur vélocité ? Pourquoi ne pas attendre ?

— Bonne question. » La réponse risquait de mettre tout le plan en péril, puisqu’il se fondait sur une charge bille en tête de l’ennemi. Geary transmit la question aux experts civils, dans l’espoir qu’ils auraient peut-être des éclaircissements à lui fournir.

Il se passa près d’une demi-heure avant que le lieutenant Castries ne hèle Desjani : « Leur vitesse s’est stabilisée, commandant.

— Merci. Que disent nos systèmes de manœuvre de la vélocité combinée de nos deux flottes au moment où elles se croiseront ?

— Si aucune n’altère encore la sienne… 0,17 c, commandant. »

Desjani eut un petit rire. « Touché !

— Bien vu, Tanya. » Geary réactualisa son plan en tenant compte de cette nouvelle donnée : l’armada vachourse limiterait sa vélocité à 0,17 c au moment du contact. « Ça reporte notre manœuvre suivante à une heure et demie.

— Quelqu’un d’un transport d’assaut demande à vous parler, amiral, annonça l’officier des trans. Mais vous avez réglé votre unité de com pour bloquer les communications. »