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— Une leçon édifiante, portant sur ce que nous sommes capables de faire à ceux qui nous cherchent des noises, pourrait les convaincre de ne pas nous sous-estimer, amiral », avança Smyth.

C’était un solide argument. Geary le médita un instant. Desjani s’exprima alors qu’il y réfléchissait encore : « Nous ignorons ce dont eux-mêmes sont capables. Nous ne savons rien de leur technologie. Peut-être sauraient-ils désamorcer notre piège. Auquel cas ils détiendraient l’Invulnérable et toute la technologie humaine encore intacte à son bord. »

Smyth fronça les sourcils puis opina. « Effectivement. Vous marquez un point.

— En ce cas, réglez-le pour se saborder dès que nos vaisseaux auront dégagé le secteur, ordonna Geary.

— Très bien, amiral. On s’en occupe. Oh, le Kupua vient de m’annoncer qu’il a procédé à la vérification de la principale unité de propulsion de l’Orion et qu’elle sera réparée sous dix heures. D’ici là, ce bâtiment pourra nous suivre, du moins tant que la flotte ne se livrera pas à une manœuvre trop audacieuse. » Le capitaine Smyth soupira de manière appuyée juste avant de couper la communication : « Tout ce matériel à bord de l’Invulnérable ! »

Geary se tourna vers Desjani. « J’aurais cru que vous soutiendriez son projet de piéger l’Invulnérable. »

Elle lui décocha un petit sourire en coin. « Je vous laisse le soin de le deviner. En outre, je me montrais seulement pragmatique. » Sur ces mots, un nouveau message leur parvint. Le médecin en chef de la flotte fixait Geary, radieux. « Amiral, des sondes automatisées examinent des restes des assaillants extraterrestres. Peu nombreux et pour la plupart à l’état de fragments, mais nous devrions pouvoir partiellement reconstituer le puzzle. »

Guère prometteur. « Pouvez-vous déjà dire s’ils sont d’origine humaine ou Énigma ? »

La question parut sidérer le médecin. « Non, absolument pas. Nous nous efforçons encore de déterminer ce qu’ils sont, mais je peux déjà vous dire ce qu’ils ne sont pas. »

Ainsi, il existait une autre espèce extraterrestre intelligente qui, elle aussi, réagissait par l’hostilité à sa rencontre avec le genre humain. « Ces vaisseaux avaient donc un équipage. Tous ? Ils n’étaient pas automatisés ?

— Un équipage ? Oui. S’agissant de l’appareil que nous avons pu examiner, en tout cas. Il ne reste plus grand-chose de beaucoup de ces vaisseaux. Nous aurions préféré disposer de spécimens moins endommagés, amiral, ajouta le médecin d’une voix presque ulcérée.

— Je tâcherai de m’en souvenir la prochaine fois que nous subirons une attaque éclair de la part d’un nombre supérieur d’appareils appartenant à une espèce extraterrestre inconnue.

— Merci, répondit le médecin, faisant fi de l’ironie. Je peux comprendre que c’était un tantinet malaisé et que les conditions étaient loin d’être idéales pour récupérer des spécimens en bon état. S’agissait-il de kamikazes ?

— En effet. » Tactique ressemblant désagréablement à celle employée par les Énigmas. Toutes les espèces extraterrestres qu’ils rencontreraient seraient-elles aussi peu soucieuses de la vie, non seulement des humains mais encore de la leur ? « Dans quel délai pourrons-nous voir une image ? »

Le médecin eut un geste exprimant son impuissance à répondre. « Nous cherchons à reconstituer un puzzle sans savoir à quoi ressemble l’image d’origine, amiral. Impossible de dire combien de temps ça prendra.

— Merci. Dès que vous aurez quelque chose d’identifiable, faites-le-moi savoir. » Il risquait de regretter ultérieurement cet ordre, car les médecins ont la fâcheuse habitude d’examiner sans s’émouvoir ce qui retournerait l’estomac d’un individu ordinaire. Geary avait appris à ses dépens, quand il était encore jeune enseigne de vaisseau, qu’on ne s’assoit pas impunément à la table de toubibs en train de parler boutique.

Mais cette conversation soulevait une autre question. Il risquait de passer à côté de l’essentiel tant les événements s’accéléraient. Il enfonça sa touche des communications. « Capitaine Tulev ? »

À bord du Léviathan, son croiseur de combat, Tulev releva les yeux vers lui. Son visage ne trahissait aucune excitation, rien que calme et compétence. « Oui, amiral ?

— Nous ne devons rien laisser derrière nous. Je veux que vous mandatiez vos croiseurs de combat, ainsi que les destroyers et croiseurs que vous jugerez nécessaires, pour récolter tous les débris et fragments des vaisseaux de l’Alliance détruits. Attelez-vous à la tâche jusqu’à ce que vous l’estimiez remplie de manière satisfaisante, même si la flotte s’ébranle. » Les croiseurs de combat, croiseurs et destroyers la rattraperaient bien plus aisément que les cuirassés et auxiliaires. « Assurez-vous en particulier qu’aucun corps ne flotte encore dans le vide alentour.

— Oui, amiral. J’y veillerai. Nous récupérerons tous les restes humains. »

Geary se rejeta en arrière, se fiant avec gratitude à Tulev pour s’acquitter froidement de la récupération de toutes les dépouilles ou fragments, qu’ils fussent organiques ou matériels. Mais cela ramenait au premier plan la question des extraterrestres. Les deux émissaires du gouvernement de l’Alliance se trouvaient encore là. Le général retraité Charban regardait droit devant lui, le visage inexpressif. L’ex-sénatrice Rione se tenait à côté de lui. Ses propres traits, comme à l’ordinaire, ne révélaient strictement rien. « Des réponses à nos tentatives de communication ? leur demanda Geary.

— Non, répondit Rione. Ce sont peut-être des alliés des Énigmas. Ce qui expliquerait pourquoi ils nous ont attaqués dès qu’ils nous ont vus. Les Énigmas se sont sans doute servis de leurs communications PRL pour les prévenir de notre arrivée. »

Charban se renfrogna. « C’est possible, mais… » Il fixa de nouveau le néant droit devant lui, comme s’il pouvait voir à travers la coque de l’Indomptable. « Ces forteresses à chacun des points de saut et surtout à notre point d’émergence… Elles n’ont pas été construites durant la nuit. Elles donnent à penser que, si ces êtres sont des alliés des Énigmas, ce sont alors des alliés bien méfiants.

— Ne vous méfieriez-vous pas d’eux vous-même ? s’enquit Desjani.

— Assurément, commandant », répondit Charban.

Rione hocha lentement la tête en signe d’assentiment. « Ils devraient déjà être là, lâcha-t-elle. Les Énigmas qui nous poursuivaient. Mais ils ne sont pas venus se joindre à l’assaut qu’on nous livrait. Je me trompais.

— Avez-vous d’autres suggestions ? s’enquit Geary en se demandant si Rione n’allait pas enfin sortir de l’étrange passivité qu’elle observait depuis le début de la mission.

— Oui. Quittez ce système dès que vous le pourrez.

— On me l’a déjà conseillé. Et j’en ai bien l’intention. Vous autres émissaires, continuez d’essayer de contacter les gens à qui nous avons affaire ici, quels qu’ils soient. Dites-leur que nous voulons seulement nous en aller, mais que nous serions heureux de nouer avec eux des relations pacifiques. Que nous partirons le plus discrètement possible, mais que, s’ils persistent à poursuivre les hostilités, nous prendrons toutes les mesures nécessaires. »

Sur l’écran de Geary, le tourbillon confus de vaisseaux humains recommençait à assumer une formation identifiable, sauf là où, près de la carcasse brisée de l’Invulnérable, s’attardaient le Tanuki du capitaine Smyth et le transport d’assaut Tsunami, et là où le capitaine Tulev dirigeait un détachement chargé de récupérer les corps et les débris.