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« Amiral ! » l’interpella Desjani sur un ton qui retint son attention.

Le dernier supercuirassé rescapé avait partiellement stabilisé sa course, mais ses propulseurs s’étaient éteints, bien que l’énorme vaisseau continuât de s’éloigner en tanguant de façon incontrôlable.

« Une cible facile, commenta Desjani.

— Laissons les Lousaraignes…» Geary s’interrompit et se redressa. « Il ne peut pas fuir.

— Va-t-il s’autodétruire ?

— Nous n’en avons encore vu aucun le faire, n’est-ce pas ? Et il n’y a pas eu un seul…» Il s’interrompit de nouveau, frappé par une fulgurance. « Nous n’avons pas vu un seul module de survie s’échapper de leurs bâtiments. Endommagés ni détruits.

— Ils ne doivent pas les trouver rentables, j’imagine. Quand on est des milliards, pourquoi se donnerait-on la peine de sauver quelques poignées ? Le troupeau est encore solide. » Desjani pointa l’index. « Mais, amiral, s’ils ne veulent ou ne peuvent pas sauver ce supercuirassé, c’est pour nous une prise de guerre. »

Un immense vaisseau bourré de survivants, de technologie, littérature, histoire, science, art vachours…

« L’arraisonner ne sera pas facile », lâcha Geary.

Conscient toutefois qu’il leur faudrait tenter le coup.

Huit

« Dites-leur de le laisser en paix ! » demanda Geary.

Les images du général Charban et de l’émissaire Rione, constamment affairés à contacter les Lousaraignes, échangèrent un regard. « Nous ne sommes pas certains d’avoir les moyens de le leur expliquer, répondit diplomatiquement Charban.

— Essayez au moins. Les experts civils travaillent avec vous, pas vrai ? Faites-leur passer le message. Nous ne voulons pas qu’ils détruisent le supercuirassé vachours. Il nous revient. »

Les appareils lousaraignes s’étaient amassés autour du bâtiment blessé, mais, dans la mesure où il avait toujours ses boucliers, son blindage et son armement, ils s’en tenaient à distance prudente et se contentaient de cribler futilement de tirs ses défenses encore puissantes.

La plupart, néanmoins, harcelaient la débandade de vaisseaux légers vachours qui continuaient d’accélérer vers le point de saut. Ils ne l’atteindraient pas avant une bonne journée, même à ce train d’enfer, mais les Lousaraignes veillaient à ce qu’ils déguerpissent.

Geary mit un terme à sa conversation avec Rione et Charban, et il se radossa en se frottant le menton. Ses yeux se portèrent malgré eux sur son écran pour consulter les dernières informations. La flotte de l’Alliance se repliait et se recomposait lentement en pansant ses blessures. Destroyers et croiseurs légers sillonnaient la vaste zone du dernier combat pour récupérer les modules de survie abritant les spatiaux survivants. Geary n’avait encore repéré aucun appareil lousaraigne détruit au combat, ce qui lui inspirait une amertume croissante. Cela dit, lorsqu’il s’était repassé l’enregistrement de la dernière charge menée contre les Vachours, il avait constaté que ses alliés s’y étaient joints, avaient eux aussi plongé au cœur de l’armada ennemie pour aider la flotte à la briser et perdu plusieurs vaisseaux dans la foulée. De petits canots de sauvetage s’en étaient échappés, récupérés dès leur éjection par un autre appareil lousaraigne.

Mais sa première impression ne l’avait pas trompé : aucun module de survie ou canot de sauvetage ne s’était séparé d’un vaisseau vachours endommagé.

Capsules de survie. Il vérifia où en était la flotte de la récupération des siennes et constata que les croiseurs légers affectés à cette tâche s’y employaient encore. Assez efficacement, sauf pour… « Un appareil lousaraigne n’est-il pas en train de recueillir un de nos modules de survie ? » Il n’était pas sûr de ce que ce sauvetage devait lui inspirer. Gratitude ? Colère ? Crainte ?

« Il était sévèrement endommagé, répondit Desjani. Il provient du Balestra. Peut-être cherchent-ils seulement à savoir s’il a besoin d’assistance. Le Quarte est déjà en chemin mais il ne l’atteindra pas avant une demi-heure.

— Tâchez de contacter quelqu’un à bord de ce module, ordonna Geary. Dès que vous y serez parvenue, faites-le-moi savoir. »

Compte tenu des distances impliquées, il se passa encore près de dix minutes avant qu’une image saccadée, due aux dommages infligés au matériel de transmission du module, n’apparût devant Geary. Il voyait l’intérieur de la capsule bourrée de rescapés du Balestra. Tant ceux-ci que le module lui-même présentaient des blessures consécutives à la destruction du croiseur léger.

Certains de ces survivants flottaient en apesanteur, trop mal en point pour réagir, tandis que d’autres se projetaient d’un bout à l’autre de la capsule encombrée pour réparer l’équipement et soigner leurs camarades. Geary vit que les casiers contenant le matériel d’urgence étaient déjà ouverts et leurs étagères vides, débarrassées des outils, fournitures médicales et autres pièces de rechange. Les deux rouleaux de ruban adhésif de dotation de chaque module de survie avaient déjà servi. Une bande en tapissait partiellement une des parois, sans doute pour colmater une brèche ou une fuite, et une autre servait à réparer quelque chose à l’intérieur d’un compartiment de matériel ouvert. Un soignant œuvrait frénétiquement à en appliquer une troisième sur la plaie au thorax d’un matelot dont un de ses collègues soulevait le bras éclissé.

Deux silhouettes revêtues d’une cuirasse spatiale se tenaient près du sas. Si les Lousaraignes proprement dits pouvaient paraître répugnants à l’œil humain, leurs combinaisons, en revanche, ressemblaient à leurs vaisseaux par leurs lignes pures et leur magnifique conception technique. Elles présentaient sans doute six membres mais cachaient le reste de leur aspect.

« Ici le maître principal Madigan, systèmes de combat du croiseur léger Balestra, se présenta un spatial dont la moitié du visage était mangée par une large ecchymose. Les… Les… extraterrestres nous ont abordés mais se bornent à observer. La situation est stabilisée à bord, mais il faut nous récupérer au plus vite. Euh… notre officier le plus haut gradé est l’aspirante Grade Sidera, mais elle est inconsciente. »

Geary poussa un soupir de soulagement. « Un croiseur léger est en chemin, chef Madigan. Tenez bon. Je crois que les Lousaraignes ne sont montés à bord que pour voir si vous aviez besoin d’aide. Je vous envoie aussi un croiseur de combat. » C’était le vaisseau le plus rapide qu’il pût leur dépêcher, avec des médecins et un vaste compartiment de fournitures médicales à son bord. Il faudrait encore plusieurs minutes à Madigan pour entendre ces quelques mots de réconfort, mais il semblait maîtriser la situation. « Beau travail. Nous n’allons plus tarder à vous récupérer.

— Le Dragon, suggéra Desjani. C’est le croiseur de combat le plus proche du module. »

Geary ordonna au Dragon de s’ébranler puis ferma les yeux en s’efforçant de se concentrer sur les autres problèmes.

« Comment s’appelle cette étoile ? » demanda Desjani. Elle avait l’air exténuée mais soulagée. L’Indomptable avait essuyé des dommages, mais, hormis quelques blessés, il n’avait perdu aucun spatial cette fois.

« Je l’ignore, avoua Geary. En quoi est-ce important ?